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Projet de la loi sur la protection des forces de sécurité : La société civile interpelle le président Saïed

Dans cette «Lettre ouverte au président de la république», datée du 14 octobre 2020, reproduite ci-dessous, des associations et des organisations non-gouvernementales rejettent la proposition du projet de la loi organique n°2015-25 relatif à la protection des forces de sécurité intérieure et de la douane.

Monsieur le Président de la République Tunisienne,

Les organisations de la société civile et personnalités nationales œuvrant pour les droits humains soussignées, en vue des récentes manifestations qui ont eu lieu dans plusieurs régions et principalement à Tunis faisant suite à la proposition du projet de loi organique n°2015-25 relatif à la protection des forces de sécurité intérieure et de la douane, nous adressons à votre excellence cette lettre ouverte afin d’attirer votre attention sur les violations de la loi et les agressions qui ont eu lieu à l’encontre des citoyen.nes.

Nous avons constaté lors des dernières manifestations le déclenchement d’une vague de violence qui a abouti à l’arrestation arbitraire de manifestant.es contre cette loi oppressive et menaçante pour la démocratie en Tunisie. Une loi capable de faire de la Tunisie un état policier. Lors de ces arrestations, aucun des droits fondamentaux des citoyen.nes n’a été respecté, dont le plus important étant le droit d’accès à un.e avocat.e. Les manifestant.e.s arrêté.e.s ont été privé.e.s de ce droit contrairement à ce que le code de procédure pénale dans sa révision en 2016 le prévoit en matière de détention. Les violations ne se sont pas limitées à ces agissements mais ont continué en ligne également : des photos des manifestant.e.s ont été véhiculées sur les pages et les groupes Facebook des syndicats de police accompagnées de fausses accusations, de diffamation et d’incitations à la violence envers les manifestant.e.s. Des agissements qui nous rappellent l’époque où les citoyen.nes étaient réduit.e.s au silence, opprimé.e.s au point où ils.elles ne pouvaient pas exercer leur droit fondamental de s’exprimer.

Nous rappelons également à votre Excellence les violations quotidiennes que les forces de police commettent à l’encontre des citoyen.nes tunisien.nes. Votre Excellence, violence et insécurité font partie de notre quotidien. Pourtant, pendant et après la révolution, on a rêvé d’un avenir plus sûr, d’un pays qui assure la sécurité de ses citoyen.nes et qui protège leurs droits.

Corruption et impunité font partie intégrante du système policier depuis bien avant la révolution et persistent encore aujourd’hui. La corruption, l’impunité, la violence et la violation de la dignité des citoyen.ne.s sont devenues récurrentes et ont fait des réseaux sociaux leur seul moyen sûr pour s’exprimer et pour documenter les tortures et les meurtres.

Votre Excellence, nous insistons davantage sur les dangers de cette nouvelle loi qui confère dans son “Article 7” une immunité totale aux forces sécuritaires sans contre-pouvoir. La formulation de la loi est vague et sujette à diverses interprétations, ce qui va à l’encontre du principe de la légalité des délits et des peines qui instaure la précision et la rigueur en matière pénale puisqu’il s’agit d’un texte pouvant priver l’individu de sa liberté, l’un de ses droits les plus fondamentaux. Quel serait donc le « danger imminent » mentionné dans cet article ? Et que signifierait « situation inattendue » ? Comment ces deux termes seraient-ils interprétés ? Le danger ultime émanant de cette nouvelle loi est la légitimité qu’elle accorde à des pratiques violentes déjà existantes que nous avons longtemps combattues par le passé et qui vont à l’encontre des fondements d’un pays démocratique.

Etant le président de tout.e.s les Tunisien.nes, le symbole de l’unité du pays et le gardien de l’application de la loi et du respect des dispositions de la constitution qui, dans son “Article 21”, prévoit l’égalité devant la loi sans aucune discrimination, nous vous demandons de soutenir votre peuple et les jeunes de la révolution dans leurs revendications, d’appuyer leur droit de protester contre les pratiques répressives du système de sécurité et de prendre clairement position contre cette loi injuste. Nous espérons de votre part, votre Excellence, que votre prise de position répondra aux aspirations de vos élect.eurs.rices.

Vive la révolution ! vive la jeunesse de la révolution !

On vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de nos respectueuses considérations.

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