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Sophie Bessis : « La Tunisie a encore des années difficiles à vivre »

Invitée chez le géopolitologue français Pascal Boniface dans le cadre de sa série audiovisuelle «Comprendre le monde», l’historienne et chercheuse franco-tunisienne Sophie Bessis est venue faire le point sur les dix années qui ont suivi la révolution tunisienne, entre espoir et désenchantement.

Par Fawz Benali

Géopolitologue de renommée mondiale, fondateur et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Pascal Boniface a consacré l’un des derniers épisodes de sa série «Comprendre le monde», diffusée sur Youtube et suivie par une centaine de milliers d’abonnés, au 10e anniversaire de la révolution tunisienne, et a invité à cette occasion Sophie Bessis (historienne, journaliste, écrivaine, associée à l’IRIS) afin de dresser le bilan de ces dix dernières années qui se sont écoulées depuis la révolution du 14 janvier 2011, et de donner des clés de compréhension de l’état de consternation général que vivent les Tunisiens depuis plusieurs années maintenant.

Un désenchantement profond

Pour répondre à la question principale de cet entretien «10 ans après, où en est la Tunisie ?», Sophie Bessis a commencé par admettre qu’il y a bien un désenchantement profond, assez justifié, parmi les citoyens. Tout va mal certes, mais ça en valait la peine de faire une révolution qui a au moins le mérite d’installer un système, en voie de démocratie, explique-t-elle, bien qu’une partie de la population soit malheureusement tombée dans le piège de la nostalgie et du «c’était mieux avant», puisque les pouvoirs autocratiques donnent souvent une impression de stabilité.

Ce sentiment de désenchantement qui ne cesse de s’ancrer parmi les Tunisiens s’explique essentiellement, selon Sophie Bessis, par le fait que les premières revendications sociales comme l’emploi et la dignité ont été rapidement remplacées par des revendications politiques (élections, changement de la constitution…). «Les classes populaires ont été dépossédées de leurs revendications», souligne-t-elle.

Pascal Boniface et Sophie Bessis.

« Sur le court terme, il n’y a pas lieu d’être optimiste ! »

La Tunisie compte environ 250.000 chômeurs diplômés, ce qui fait qu’une bonne partie de la jeunesse soit dans une situation de précarité. Face au manque d’opportunités en Tunisie, ces jeunes sont souvent tentés soit par l’émigration, soit par le djihad. En plus, les islamistes ont réussi à déplacer le débat sur le terrain identitaire, ajoute Bessis, rappelant, toutefois, que la société tunisienne est encore marquée par l’ère bourguibienne et par la modernisation. «En Tunisie, on a beau être conservateur, on n’a pas forcément envie d’être islamiste!», souligne-t-elle.

Interrogée sur l’avenir de la Tunisie, Sophie Bessis a répondu que le pays avait encore plusieurs années difficiles à vivre, aussi bien à cause de la crise économique, que de la médiocrité des différents acteurs politiques.

«Sur le court terme, il n’y a pas lieu d’être optimiste», estime-t-elle, tout en précisant que 10 années ne sont pas suffisantes pour faire le bilan juste d’une révolution.

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