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Les vaccins de la présidence, plus mortels que les meetings d’Ennahdha?

Ghannouchi et Mechichi mènent-ils la Tunisie à bout de bras vers… le cimetière ?

Si Rached Ghannouchi secondé par Hichem Mechichi veut porter la Tunisie à bout de bras, comme le disent ses partisans, il demeure nécessaire de s’assurer que cela ne soit pas vers le cimetière. En attendant, le conflit imposé, par les anarchistes de tous poils, au président de la république, Kaïs Saïed, constitue un clou supplémentaire enfoncé dans le cercueil de l’Etat national.

Par Dr Mounir Hanablia *

Nous avons eu droit, samedi 27 février 2021, à la méga manif de soutien au gouvernement Mechichi, escortée selon certains hallucinés par une armée d’anges célestes surgis des cieux azur d’une belle journée, en pleine pandémie Covid-19, organisée par et pour Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha, au mépris de toutes les règles sanitaires imposées aux hôteliers, restaurateurs, et autres propriétaires de cafés et de bars, qui les poussent vers la faillite lentement et sûrement. Il y a donc désormais des arguments valables justifiant les appels à la levée d’un confinement qui tourne à la tragicomédie.

Durant cette manifestation, les favoris des anges ont affirmé tendre la main pour un débat réunissant toutes les composantes politiques, afin de rechercher des solutions à la situation critique du pays. Autrement dit, la partie qui depuis dix ans l’a conduit plus que toute autre vers le désastre national, prétend maintenant se décharger de ses responsabilités, mais en gardant néanmoins le droit de suggérer des solutions, ou de sauvegarder ses intérêts. Cela signifie simplement son refus de toute élection anticipée qui signifierait le départ de M. Ghannouchi de la présidence du parlement, tout aussi sûrement que celle de M. Mechichi de celle du gouvernement.

Concomitamment il y a eu la petite manif au timing curieux d’un parti ressuscité, celui des Travailleurs de Hamma Hammami, qui s’était départi pour la circonstance du carcan du Front Populaire, en sortant des placards ses vieilles bannières frappées de la faucille et du marteau, claquant au soleil, avec le slogan «Ni khwanjias, ni Destouriens». M. Hammami a ainsi rendu un fieffé service politique à ses anciens compagnons de route des années de braise, en suggérant que, en cette époque d’effondrement et de désagrégation, le RCD puisse constituer un danger au même titre que les islamistes. Mais penser que la petite poignée de marxistes léninistes attardés eussent pu menacer la sécurité sanitaire du pays au même titre que la multitude d’Ennahdha serait injuste. Les dizaines de bus ramenant leurs précieuses cargaisons humaines vers leurs points de départ après le bain de foule de l’avenue Mohamed V à Tunis constitueront sans aucun doute un bien meilleur vecteur de la maladie que l’arrière garde prolétarienne du dernier des secrétaires du parti.

Ennahdha diffuse le bon virus aux quatre vents

À défaut de la bonne parole, le patron d’Ennahdha aura ainsi diffusé aux quatre vents le bon virus, celui qui n’a pas encore muté. Et en effet, le reproche que les représentants des doctorants au chômage se sont entendu asséner au siège de la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), celui de ne pas être allés apprendre un autre métier, ne relevait pas du vœu pieux, pas même aux yeux d’un supposé homme de dieu, mais exonérait l’Etat que son parti dirigeait de la responsabilité de dix années d’incurie économique, d’immigration clandestine, finissant le plus souvent d’une manière tragique, au fond de la Méditerranée. Peut-être cet homme de dieu se référait-il à ces milliers de «coopérants» tunisiens qui étaient allés en Syrie «apprendre un autre métier», d’aucuns diraient gagner leurs vies, en en ôtant d’autres.

On peut supposer que le porte-parole du parti des Travailleurs, lui-même au chômage depuis quelques décades, se soit senti visé par ces propos, en étant obligé d’y répondre. Mais on aurait tout aussi bien pu se demander quel métier, mis à part bien sûr celui d’homme de dieu, le président de l’ARP eût dû apprendre pour gagner sa vie, lors de son séjour durant de deux décennies dans la capitale britannique. C’est certainement la dernière chose que Rached Ghannouchi voudrait évoquer, afin d’éviter d’être accusé de s’adonner à ce péché narcissique que partagent les politiciens du monde, celui de prétendre convaincre de faire ce qu’on dit sans faire ce qu’on fait.

Dans ce contexte chaotique, la violente campagne déclenchée contre le président Kais Saied est donc tombée comme pain béni. Le chef du gouvernement Hichem Mechichi a en effet fait connaître par les médias sa décision d’ouvrir une enquête, relativement non pas à l’autorisation accordée au meeting d’Ennahdha, mais à l’arrivée inopinée d’une cargaison de vaccins anti-Covid en provenance des Emirats arabes unis, dont il n’était pas informé; une cargaison que son destinataire, la présidence de la république, s’était empressée, ainsi qu’elle l’a déclaré, de livrer aux services de la médecine militaire.

Une rigueur aussi soudaine qu’inattendue

L’objectif de cette campagne anti présidentielle visait sans doute bien entendu l’intégrité morale de président, jusqu’ici au-dessus de tout soupçon, en insinuant que lui-même ou ses proches eussent pu bénéficier des vaccins, au détriment du commun des mortels, livrés à leur sort tragique, issu de l’imprévoyance.

Mais à l’instar des virus, les rumeurs doivent pour survivre, muter, particulièrement quand elles sont malveillantes. Et puisque personne n’ose encore demander des comptes à l’armée, on n’a plus critiqué la destination du vaccin, mais son introduction sans contrôle sanitaire adéquat. Aurait-on brandi cet argument si la cargaison avait eu pour origine le Qatar ou la Turquie? Après le bain de foule nahdhaoui de l’avenue Mohamed V, dont le ministère de la Santé avait prétendu tout ignorer, on ne peut que sourire de cette rigueur aussi soudaine qu’inattendue.

On a aussi invoqué la nécessité de la transparence, dont la présidence se serait départie, en ignorant bien sûr celle non moins impérieuse du secret d’Etat. Depuis quand demanderait-on aux ploucs leur autorisation sur des sujets se rapportant à l’armée et à la défense nationale ?

Don de soi ou sacrifice des autres ?

Évidemment on aurait tout aussi bien pu dénoncer le meeting de Sousse le weekend d’avant organisé par le Parti destourien libre (PDL) de Mme Moussi. Il est vrai que pas plus que M. Ghannouchi, Mme Moussi ne s’avère respectueuse des règles sanitaires. Il y a toujours quelque part cette lubie du sacrifice et du don de soi dans le travail politique, ultime reliquat de la virilité masculine ou du combat pour l’indépendance nationale, dans une course vers le pouvoir, dont la marque est celle, jésuite, de la perfidie et du cynisme. Malheureusement, le don de soi signifie, en période de pandémie, souvent le sacrifice des autres. Et quand Mme Moussi réunit ses partisans à Sousse, d’abord c’est pour obéir à des nécessités impérieuses, concernant le sauvetage du pays. Ensuite, ceux-ci ne s’éparpilleront pas plus tard dans toutes les villes du pays, mais regagneront simplement leurs foyers. Et si contamination il y a, ce sont d’abord les membres de leurs propres familles qui en pâtiront, c’est là la moindre des injustices, mais le foyer épidémique demeurera circonscrit. C’est déjà une différence énorme avec les fidèles de M. Ghannouchi, venus de toutes parts, qui prétendent en outre s’approprier l’Inde et la Chine, la totalité de l’univers étant, ainsi que le clame l’une de leurs chansons, leur patrie.

Dans tout ceci où se situe l’intérêt du pays ? Si M. Ghannouchi secondé par M. Mechichi veut porter la Tunisie à bout de bras, il demeure nécessaire de s’assurer que cela ne soit pas vers le cimetière. En attendant, ce conflit, imposé par les libertariens et les anarchistes de tous poils, au président de la république, constitue un clou supplémentaire enfoncé dans le cercueil de l’Etat national.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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