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Les vrais enjeux derrière l’agression contre Abir Moussi

Vouloir réduire le problème de l’agression dont a été victime Abir Moussi de la part de deux de ses collègues députés de la mouvance islamiste, qui plus est, dans l’enceinte même de l’Assemblée, lors de la discussion d’un projet de loi éminemment politique… vouloir réduire cette agression à un fait sociétal d’une méchante violence contre une femme, c’est passer complètement à côté du problème grave qui se pose, à travers cet acte, à la Tunisie, dominée depuis 2011 par l’islam politique.

Par Fathi Bchir *

Les condamnations contre le tabassage d’Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL) et de son bloc parlementaire, en pleine session parlementaire, par deux députés de la mouvance islamiste, Seifeddine Makhlouf et Sahbi Smara, sont nombreuses et cela mérite d’être souligné. Et salué. C’est en soi un signe positif : la société tunisienne commence enfin à bouger et à prendre conscience de l’enjeu de la résistance qui devient chaque jour un peu plus nécessaire. Et qui mérite d’être organisée dans un front de la société civile et politique et de tous ceux qui oseront défendre le modèle de société tunisien et ses acquis.

Plusieurs de ces réactions, de ces soi-disant soutiens finissent toujours par émettre une sorte de «mais», une sournoise précaution. C’est une attitude hypocrite pour ne pas devoir, ou ne pas pouvoir, ouvertement, applaudir à son tabassage. Parce qu’ils la détestent en enviant probablement le grand courage qu’elle déploie et qui manque a tellement d’autres.

Plus hypocrites encore, la plupart s’emploient à réduire pratiquement le problème à la catégorie des incidents domestiques.

Moussi a été battue? «Oh! C’est méchant!»

Le vrai problème est, il faut le souligner, éminemment politique. Car c’est un acte de résistance de la part de Mme Moussi qui a été empêché. Elle qui déploie toute cette agitation dérangeante pour les convenances et les bonnes manières de certains, peut-être aussi la volonté cachée de se soumettre que certains s’emploient à camoufler sous divers prétextes. Dont celui-ci, à cette occasion.

Ils réduisent donc le problème à un «simple» problème de violence contre les femmes. Comme si la députée PDL avait été battue par un mâle mal éduqué, un voyou rencontré au coin d’une rue. C’était en plein parlement et autour d’une discussion qui a une très grande importance pour le pays, le vote d’un projet de loi portant sur un accord de siège entre le gouvernement tunisien et le Qatar Fund for Development, connu pour son financement des mouvements islamistes à travers le monde. Personne n’entend le souligner et alors pourquoi?

Clairement, il ne s’agit pas de violence contre une femme. Si elle a été battue sous la coupole même du parlement ce n’est donc pas parce qu’elle était cette femme-là. Femme battue n’était qu’une circonstance aggravante.

Cela aurait pu être n’importe qui, qui aurait eu le même courage et l’audace de s’attaquer à la forteresse visiblement imprenable de l’islam politique, tentaculaire et malfaisant.

Ça aurait pu être les députés Mongi Rahoui, Fayçal Tebini ou n’importe qui d’autre s’il avait eu une attitude similaire et osé s’attaquer frontalement à la secte islamiste.

«Abir Moussi a été battue? Oh! C’est méchant!». On lui fait un gros bisou et c’est oublié.

Non! Et non! Ce qu’il faut relever. Ce qui est à condamner avec vigueur et beaucoup de force, c’est l’acte politique de répression d’un acte de résistance… politique.

Le problème, ici, c’est l’islam politique et non la violence… contre une femme

Le quasi occupant du pays lui a envoyé un gros bras pour la faire taire c’était aujourd’hui elle. À cause de son grand courage. Demain, ça pourrait être n’importe qui oserait faire la même chose.

Vouloir réduire le problème à un incident, à un fait sociétal, c’est passer complètement à côté du problème politique grave qui s’est posé au pays. Tous ces soutiens à minima et du bout des lèvres ne sont en final que du divertissement sinon une diversion.

La vraie réponse ne peut être que politique. Elle aurait pu être l’offre d’une discussion et de négocier d’une charte démocratique et progressiste de la résistance à l’occupant islamiste. La vraie réponse politique doive venir des institutions, du Palais de Carthage, là où trône le grand muet, du Palais du Bardo où 109 peu courageux se sont croisés les bras.

Il reste la Tunisie et société civile et son intelligentsia qui rate parfois la voie de l’intelligence quand elle s’essaie à être un star system.

* Journaliste tunisien basé à Bruxelles.

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