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Les causes et les conséquences de la guerre en Ukraine

Les responsables américains n’ont pas voulu entendre les doléances clairement exprimées par Poutine et c’est le peuple ukrainien qui en paie le prix fort.

Jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et après la Guerre froide équilibrée par la puissance militaire comparable des deux superpuissances qui a vu à la fin la dislocation et la disparition brutale de l’URSS, les divisions entre les pays de l’Otan et la Russie n’ont été aussi profondes. La guerre qui se déroule actuellement en Ukraine et qui va en s’amplifiant de jour en jour le confirme et augure d’un avenir plein d’incertitudes pour notre planète.

Par Dr Abderrahmane Cherfouh

Rien ne symbolise mieux le désarroi de l’Otan confrontée à une guerre qui n’aurait jamais pu avoir lieu que la détermination de la Russie à poursuivre son objectif, à savoir la démilitarisation et la «dénazification» de l’Ukraine, selon les termes de Vladimir Poutine. La Russie ne veut pas que l’Ukraine, sa voisine et sa cousine, fasse partie de l’Otan et devienne une pièce maîtresse sur l’échiquier européen en servant de base euro-américaine avec des missiles nucléaires pointés vers Moscou.

L’attitude belliqueuse et provocatrice des Américains

Dès le démantèlement de l’URSS, les objectifs des Américains étaient clairs : faire de l’Ukraine un poste avancé en l’intégrant au sein de l’Otan. Les tractations avaient commencé à évoluer petit à petit avec subtilité car on n’osait pas encore appeler un chat un chat. Ce qui va susciter la colère prévisible de la Russie qui s’opposa catégoriquement à ces tentatives belliqueuses et provocatrices qui nuisent dangereusement à sa sécurité.

Le président Poutine, qui ne manque pas de défauts, a toutefois une grande qualité : c’est un homme d’Etat avisé qui ne plaisante pas quand il s’agit de la sécurité de son pays. Aussi faut-il toujours le prendre au sérieux. C’est aussi un patriote et un nationaliste russe. Ce n’est pas un clown comme certains présidents qu’on ne citera pas, c’est un dur. Il peut être parfois brutal et cruel. Ce ne sont certes pas des qualités, mais c’est une réalité et un fait. On en a eu l’illustration en Tchétchénie, en Géorgie et en Syrie, où son pays est intervenu militairement. Il n’est pas non plus un homme incohérent mais un vrai chef d’Etat fort qui se donne les moyens de sa politique. Et il a toujours tenu ses promesses, et ses menaces doivent être prises en considération.

Par ailleurs, Poutine a une sacrée tendance à agir selon ses visions et ses calculs. Il aurait fallu lire et écouter ses discours concernant l’Ukraine et prendre au sérieux ses justifications, sa logique et ses motivations et la guerre aurait pu être évitée. Son discours prononcé à propos de l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’Otan avant d’occuper ce pays résume bien sa pensée depuis plus de trente ans.

Les avertissements de Poutine n’ont pas été écoutés

«Chers citoyens russes, chers amis, aujourd’hui, je trouve indispensable de revenir sur les événements tragiques qui se produisent au Donbass et aux questions clés qui concernent la sécurité de la Russie. Je commencerai par ce que j’ai déjà évoqué dans mon allocution du 21 février de cette année. Il est question de ce qui suscite chez nous une préoccupation et une inquiétude particulières, de ces menaces fondamentales pour la sécurité de notre pays que des hommes politiques irresponsables en Occident créent pas à pas, sans détours et brutalement, depuis des années. Je fais allusion à l’élargissement de l’Otan vers l’est, au rapprochement de son infrastructure militaire des frontières russes», a-t-il déclaré. Et d’ajouter, plus loin: «En fin de compte, comme cela a toujours été le cas dans l’histoire, le destin de la Russie est entre les mains de notre peuple aux nombreuses nationalités. Et cela signifie que les décisions prises seront exécutées, les objectifs fixés atteints, que la sécurité de notre patrie garantie.»

Voilà qui est clair. Rien ne compte autant à ses yeux que la sécurité de son pays. Bien entendu, pour l’Occident, il est devenu l’homme à abattre qu’on affuble des pires qualificatifs. Il est diabolisé à l’extrême, mais lui n’en a cure. A ses yeux la sécurité de son pays n’a pas de prix.

Quand les Russes sous Khrouchtchev en 1961 avaient installé dans le Cuba de Fidel Castro des missiles nucléaires pointés vers les Etats-Unis, ces derniers avaient réagi et ne les avaient pas laissé faire. La troisième guerre mondiale avait été évitée de justesse et elle a bien failli être nucléaire.

Curieusement, on ne semble pas aujourd’hui comprendre que les pays de l’Otan soient vus comme un danger potentiel et une menace par la Russie. Dans l’affaire de l’Ukraine, il y a donc eu complaisance et cynisme de la part de certains pays qui semblent avoir oublié le sens de la justice. Des pays qui se disent souverains et qui s’alignent, toute honte bue, sur les désidératas des Américains, se laissant ainsi réduire à la triste condition de vassaux et de suivistes.

Poutine en passe d’obtenir la neutralité de l’Ukraine

Au terme d’un mois et demi de guerre en Ukraine, Poutine semble être presque arrivé à réaliser ce qu’il a toujours cherché et les objectifs qu’il s’était fixés. Sa principale exigence va être appliquée à la lettre, à savoir la neutralité de l’Ukraine. Ayant reçu certainement les instructions de ses mentors en ce sens, Volodymyr Zelensky tente désespérément de la négocier en ce moment.

L’armée ukrainienne est en train de reprendre les zones en ruine abandonnées par l’armée russe, et cela aussi est voulu par Poutine. Mais le président russe ne s’arrêtera pas là. Et il maintiendra sa vigilante pression tant que les pays de l’Otan ne rendraient pas à l’évidence et ne montreraient pas un signe clair de retour aux accords passés, avec des garanties écrites.

Pourquoi les pays de l’Otan n’ont-ils pas réagi positivement aux doléances de la Russie à propos de l’Ukraine avant que n’éclate la guerre ? Poutine les avait pourtant à maintes reprises mis en garde contre les dangers de l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan. Tout le monde savait que la Russie ne resterait pas les bras croisés face aux machinations en cours et aux tentatives réitérées de l’Occident de l’isoler et de la menacer.

Qui sont les principaux responsables de cette guerre dont le peuple ukrainien subit les conséquences ? Une question que personne n’ose poser, comme celle du prix que la population ukrainienne en train de payer dans sa chair pour ce conflit armé qui aurait pu être évité. La vie et la sécurité des civils doivent être la préoccupation capitale de Zelensky, qui est le principal responsable de la tragédie que traverse son pays pour avoir écouté de bien mauvais conseils.

Après l’annexion de la Crimée par la Russie, Barack Obama avait déclaré : «Le fait que la Russie ait ressenti le besoin d’avoir recours à l’armée et de violer le droit international est la preuve d’une moindre influence, pas d’une influence croissante.» Et ce sont les Etats-Unis, par la bouche du même de l’actuel locataire de la Maison-Blanche, qui osent invoquer le droit international et en faire un modèle et une référence, eux qui ont toujours affiché leur mépris total du droit international et l’ont eux-mêmes violé à maintes reprises. Ahurissant !

«Il ne faut pas être trop ambitieux, il faut être réaliste et ne pas considérer que le droit international peut et doit triompher partout sur la planète, mais d’abord dans les zones où il rejoint l’intérêt des principales puissances», avait déclaré Henri Kissinger, le très cynique ancien ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis. Il n’est nul besoin de faire un dessin pour expliquer ce «réalisme» des Américains qui soufflent le chaud et le froid sur la planète et interviennent là où ils veulent, et quand ils veulent. Seuls leurs intérêts comptent. Et l’affaire de l’Ukraine, ce sont eux qui l’ont provoquée en mettant en œuvre leur stratégie d’étouffement et d’étranglement de la Russie. Mais le contexte a changé : ils n’ont plus devant eux Boris Eltsine mais Vladimir Poutine.

La stratégie américaine du containment de la Russie

Zbigniew Brezinski, l’ancien conseiller pour la sécurité du président Jimmy Carter, avait tout prédit pour réaliser les plans machiavéliques de Washington et faire de l’Ukraine un vassal pour contrecarrer la Russie, l’affaiblir et la déstabiliser. Il avait déclaré, entre autres: «L’extension de l’orbite euro-atlantique rend impérative l’inclusion des nouveaux Etats indépendants ex-soviétiques, et en particulier l’Ukraine.»

Voilà qui est clair comme l’eau de roche. L’hostilité à l’égard de la Russie plus ou moins exacerbée selon les périodes demeure vivace et est une constante de la politique étrangère des Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et ce bien avant l’annexion de la Crimée qui appartenait à la Russie et dont Khrouchtchev, par un simple décret, a fait un don à l’Ukraine.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001 et la vague de sympathie qu’avait attirée le peuple américain à travers le monde, à juste titre d’ailleurs, les dirigeants américains avaient défini leur nouvelle stratégie nationale de sécurité. Ils n’hésiteront pas à «agir seuls si nécessaire» pour exercer leur «droit à l’autodéfense en agissant à titre préventif». Une fois identifiée une «menace imminente», l’Amérique interviendra avant même que la menace ne se concrétise. C’est le meilleur des mondes, selon l’Oncle Sam ! Les autres doivent suivre à la lettre les ordres de la «première puissance mondiale» et faire profil bas pour ne pas subir les foudres du «plus puissant pays du monde». Mais cette époque est révolue et les Américains continuent à agir comme si de rien n’était.

Désormais, rien ne sera plus comme avant. Les Américains ont dormi sur leurs lauriers. Les nouveaux missiles hypersoniques à capacité nucléaire russes annoncent la fin de la suprématie américaine. Les Chinois se lancent aussi dans cette course effrénée aux missiles hypersoniques, tout comme la Corée du Nord. L’avenir s’annonce sombre et ne sera plus un fleuve tranquille pour les Américains qui régentaient tout à leur guise et qui se voyaient le seul gendarme au monde.

Avec la guerre en Ukraine, c’est un monde nouveau qui prend forme sous nos yeux. Les grandes données de la politique mondiale seront bouleversées et c’est déjà la course aux armements sophistiqués. Tel est le principe qui anime désormais les grandes puissances.

Au cœur de ce nouveau scénario le danger d’une guerre nucléaire hante les esprits et menace la disparition totale de toute vie sur terre. Souhaitons que les grandes puissances qui décident à notre place puissent revenir à de meilleurs sentiments pour le bien de l’humanité et de nous tous. 

* Résident au Canada.

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