Le financement du développement régional exige une approche alternative et participative qui impulse la dynamique entrepreneuriale dans les régions intérieures.
Par Wajdi Msaed
La 4e édition du séminaire annuel organisé par l’association Carthage Business Angels (CBA), avec le soutien de ses partenaires et la participation d’éminents experts nationaux et internationaux, ainsi que de représentants des secteurs public et privé et de la société civile, s’est tenue, jeudi 8 octobre, sous le thème: «Quelle approche alternative du financement du développement régional en Tunisie».
CBA, rappelons-le, milite en faveur de l’appui à l’initiative privée et aux projets innovateurs. Les trois précédentes éditions de son séminaire annuel ont porté sur le financement de l’innovation, l’impact investing et le early stage investing. L’objectif étant de contribuer à la dynamique entrepreneuriale dans les zones intérieures ou les régions défavorisées.
L’ambassadeur de Grande Bretagne à Tunis, Hamish Cowel, qui a accueilli les travaux du 4e séminaire dans sa résidence à la Marsa, a déclaré qu’une telle manifestation ne peut qu’affermir les liens étroits entre les deux pays, soulignant l’intérêt d’une approche alternative du financement des projets innovants pour aider à dynamiser l’appareil économique en Tunisie.
La «pouvoirisation» des régions
Jalloul Ayed, président d’honneur de CBA, a indiqué, de son côté, que la stratégie de développement régional doit s’inscrire dans une vision claire à portées politique et socio-économique, attirant l’attention sur le besoin de s’inspirer d’expériences réussies dans le monde et basées sur une démarche participative, telles que celles de la Pologne et de la Corée du Sud.
Pour M. Ayed, la principale condition pour la réussite d’une stratégie de développement régional réside dans la décentralisation du pouvoir, la «pouvoirisation» des régions et le développement du pouvoir local. Il a aussi souligné d’autres conditions : une bonne présence institutionnelle pour assurer la continuité du processus de réalisation des projets, des infrastructures fiables assurant la connectivité entre les institutions nationales, les instances économiques et les sources d’information, et, enfin l’existence de pôles de compétitivité et de centres universitaires, qui aideraient à définir les projets dans le cadre d’une économie sociale et solidaire. «Nous devons développer l’innovation pour promouvoir les produits du terroir de nos régions», a souligné aussi M. Ayed.
Le président d’honneur de CBA, ancien banquier et ancien ministre des Finances, a plaidé aussi pour un financement alternatif provenant de ressources locales qui assurerait à terme l’autonomie des régions et des collectivité locale, avec, bien sûr, la garantie de l’Etat. M. Ayed a évoqué, à ce propos, le rôle important que pourraient jouer les Tunisiens résidents à l’étranger en investissant dans leurs régions respectives.
Maher Kallel, président de CBA, a passé en revue les articles de la constitution qui instaurent la décentralisation, la libre administration et la démocratie participative et peuvent servir de base pour un nouveau modèle de développement régional.
Mustapha Boubaya, SG de CBA, a, pour part, présenté les nouvelles orientations du plan de développement régional.
Photo souvenir des participants autour de Hamish Cowel et Jalloul Ayed.
Des opérateurs locaux dynamiques et performants
Les travaux du séminaire se sont ensuite poursuivis en deux panels, consacrés à «la planification stratégique du développement régional» et aux «approches alternatives de financement du développement régional», l’objectif étant de clarifier la vision du développement régional, l’intégration de la dimension territoriale dans la planification et la présentation des mécanismes de financement alternatif susceptibles de répondre aux besoins d’investissement colossaux dont le pays a besoin pour sortir de la crise.
Toutefois, et jusqu’à ce jour, les approches conventionnelles de financement du développement régional se sont heurtées à plusieurs obstacles et défis, qui ont largement réduit l’impact sur le développement et le retour sur investissement. Les incitations à l’investissement dans les régions et les mécanismes qui leur sont dédiés, comme les SICARs régionales, les FCPR et les programmes d’essaimage, n’ont finalement généré que peu de projets, avec des niveaux de performance en-deçà des attentes.
Les grandes disparités entre les régions de l’intérieur et celles du littoral, le manque d’investissement privé à l’intérieur du pays, l’incohérence dans les projets et les secteurs, l’absence de coordination entre les régions, ainsi que l’absence de décision régionale, sont autant de facteurs qui empêchent un développement régional harmonieux. Car celui-ci a besoin d’une nouvelle dynamique basée sur les valeurs de modernité et qui adopte des référentiels normatifs de solidarité, en tenant compte des besoins des nouvelles générations et de la durabilité des projets, par la garantie d’une gestion raisonnable des ressources naturelles.
Les habitants des régions devraient, dans cette approche, cesser d’être de simples consommateurs pour devenir des producteurs et même des innovateurs. Bref, ils devraient devenir des opérateurs locaux dynamiques et performants.
Approche prospective et démarche participative
Taieb Hadhri, ancien ministre et ancien directeur général de l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites), a essayé de définir l’approche prospective dans le modèle de développement régional. Cette approche se base sur une démarche participative dont la réussite passe par l’implication de tous les acteurs concernés au niveau régional. C’est l’affaire des femmes et des hommes qui réfléchissent et agissent dans le cadre de la société civile (ONGs, organisations syndicales et patronales…) et de l’autorité publique régionale (offices de développement, conseils régionaux, conseils municipaux…). Leur démarche conduit au diagnostic de l’état actuel du territoire et de son environnement, à l’anticipation pour éclairer les choix à retenir et, ensuite, à la définition des projets concrets et le passage à l’action pour construire l’avenir souhaitable. Le nouveau modèle de développement recherché doit être inclusif, créateur d’emploi, innovant et soutenable.
Quant au financement alternatif, l’approche insiste sur l’élargissement de la marge de manœuvre en libérant des ressources financières additionnelles de l’Etat et en comptant sur la contribution des usagers et du secteur privé. En d’autres termes, ne pas se contenter des ressources financières traditionnelles et recourir à des financements hors-budget.
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