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‘‘Les Prépondérants’’ de Hédi Kaddour : En attendant le Goncourt !

 Hédi-Kaddour

Après avoir remporté le Prix Freustié et le Prix du roman de l’Académie française, ‘‘Les Prépondérants’’ de Hédi Kaddour est toujours en lice pour le Goncourt.

Par Anouar Hnaine

Le romancier français d’origine tunisienne, qui a remporté le Prix Freustié au premier tour à la majorité absolu, le 26 octobre, et a partagé le Prix du roman de l’Académie française, avec ‘‘2084. La fin du monde’’ de l’Algérien Boualam Sansal, peut espérer, en effet, réaliser un Grand Chelem littéraire, en remportant le Prix Goncourt, l’une des plus prestigieuses distinctions en France, puisque son roman figure dans le dernier carré sélectionné par le jury présidé par Bernard Pivot. Troisième roman de Hédi Kaddour, ‘‘Les Prépondérants’’  (éd. Gallimard) «est le meilleur des quatre romans retenus», affirme Grégoire Leménager (critique à ‘‘L’Obs’’). Et il n’est pas le seul à le penser. Mais attendons voir.

Un roman assez épais, 460 pages en 3 parties et 49 chapitres… Une histoire sans  rebondissements éclatants, sans intrigue forte comme c’est le cas de ‘‘Savoir-vivre’’ (éd. Gallimard, 2010), mais une histoire singulière, «lisse», bien ficelée, pleine de richesse littéraire, de grâce et une force de description extraordinaire, une écriture sans graisse, une littérature comme Kaddour aime et qu’il décrit dans ses notes et croquis ‘‘Les pierres qui montent’’ (éd. Gallimard, 2010), musclée, «du nerf».

‘‘Les Prépondérants’’ a reçu les éloges de toutes les critiques, de Télérama à Libé et l’Obs, de France Culture à France Info, du Monde au Figaro, etc. Kaddour jouit d’une réputation auprès de ses pairs. Auteur exigeant, il est enseignant de journalisme au Centre de formation des journalistes (CFJ), professeur, entre autres, à Sciences-Po, à l’Ecole normale supérieur de Lyon et à New York University in France. Et ce qu’on sait moins c’est qu’il est un critique écouté. A lire son journal, ‘‘Les pierres qui montent’’, on est tenté de dire qu’il vit par et dans la littérature.

Les-preponderants

Des références à pleines mains

Peu de temps avant la parution en librairie, Kaddour, invité à parler de son roman sur France Culture, a choisi, en incipit, Lucien Leuwen, ce héros que Stendhal a construit et qui prend  de la place dans le roman au fur à mesure de l’avancement de l’histoire. Son roman à lui, ‘‘Les Prépondérants’’, commence par le personnage d’une femme, Rania, veuve, fille d’un grand bourgeois de la capitale, éduquée, qui lit  Al-Afghani, lit des journaux de Paris et s’intéresse aux réformateurs turcs, «une Bovary qui lit Rousseau», dira un colon.

Départ pour une épopée attachante. Une ville du sud d’Afrique du nord, Nahbas, on imagine Gabès ? Didier Decoin, secrétaire de l’Académie Goncourt, rencontré au Bardo, pense la même chose mais la plupart des critiques évoquent une ville au sud du Maroc. Nahbas, dans les années 20, un cercle de colons appelé Les Prépondérants, «où se retrouvaient les Français les plus influents».

Raouf, cousin et fils du cadi de Nahbas, passionné de livres et de littérature, entre en jeu. Cultivé, un peu trop aux yeux d’un membre des Prépondérants : «un  exemple des bêtises à ne plus faire, leur ouvrir l’école française c’était se fabriquer des ennemis». Raouf fréquente l’ami de son père Ganthier, un ancien séminariste, officier de réserve et célibataire, Kathryn, une actrice américaine et Gabrielle Conti, une redoutable journaliste française qui fait trembler Poincaré avec ses articles dévorés par 2 millions de lecteurs, Neil, le réalisateur du film, Chemla, un juif communiste, et d’autres personnages plus ou moins importants.

Récit sans romanesque

Une équipe américaine de cinéma, venue tourner un film ‘‘Le guerrier des sables’’ dans Nahbas, provoque un choc de moeurs entre les «communautés», les colons, les autochtones ou «indigènes» et l’équipe américaine. Une histoire d’amour s’engage entre Raouf et Kathryn, un voyage en France et en Allemagne, une liaison entre Raouf et Metilda, une Autrichienne qui adore Stendhal (inévitablement), des citations en arabe, des extraits de textes de Balzac, des réparties tranchés au laminoir. Trakl, Heine passent, Apollinaire, Baudelaire, des dits de Abou Nawas, Ibn El Moukaffâa, Al Mâarri en arabe et traduits, des réflexions sur le cinéma, sur le journalisme «récit sans romanesque», un scandale à Hollywood, les costumes d’époque, des nationalistes, une émeute, des défilés, une manifestation, des spahis, des Sénégalais. Et une fin tragique.

Dans ce 3e roman, Kaddour utilise le participe présent et, à notre sens, il en abuse même, mais il réussit toujours ses phrases, allégées par des images, des expressions sublimes («des sourires de petits déjeuner» ou des paysans décrivant Rania : «elle a un regard à engraisser le troupeau»). Phrases condensées, sans ostentation, courtes, qui frappent juste, et évidemment sans adverbes qu’il exècre.

«Un roman à la Margareth Mitchell», nous dit Decoin, un jugement que nous ne partageons pas. C’est «roman monde», comme défini par l’auteur lui-même, un roman-monde auquel nous souhaitons le fameux Prix Goncourt.

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