Les oléicoles grecs dénoncent la «supercherie» européenne consistant à permettre à la Tunisie plus d’huile d’olive en UE.
Dans une interview accordée à l’‘‘Olive Oil Times’’ (‘OOT’), Nikos Michelakis, éminent agronome grec, ancien directeur de l’Institut de l’Olive de La Canée, en Crète occidentale, et conseiller auprès de l’Association des municipalités oléicoles crétoises (SEDIK), déplore la mesure «humanitaire» visant à venir en aide à l’économie tunisienne, sérieusement atteinte par les attaques terroristes. Cette mesure est loin de tout dire sur les véritables intentions des décideurs de l’Union européenne (UE), estime-t-il.
Pour M. Michelakis, «derrière cette main tendue à la Tunisie se cache la détermination du Comité européen de normalisation à maintenir les prix de l’huile d’olive sur le marché européen à un niveau bas. Cette décision de Commission européenne de permettre à la Tunisie d’accroître ses exportations d’huile d’olive vers l’Europe de 35.000 tonnes métriques (TM) annuelles, en sus des 56.700 TM habituellement autorisées, profitera aux industries européennes de normalisation, notamment en Espagne et en Italie, et elle pénalisera sérieusement la majorité des producteurs d’huile d’olive européens, qui verront leurs revenus décroître sensiblement.»
L’expert-conseiller auprès du SEDIK dénonce cette opération: «Inonder le marchés européens d’une huile d’olive tunisienne peu coûteuse, à un moment où la production européenne a enregistré une chute remarquable, sert à casser les prix et intervient négativement dans le libre jeu de l’offre et de la demande.»
Nikos Michelakis.
Nikos Michelakis étaye son point de vue par des chiffres sur les baisses enregistrées par le prix du kg d’huile d’olive dans les plus gros pays producteurs européens de cette denrée: «le recul du prix d’un kilo d’huile d’olive extra-vierge d’un taux d’acidité de 0,3% s’est situé entre 2,80 et 3 euros, en Grèce, entre 2,89 et 4,29 euros, en Espagne, et entre 3,35 et 4 euros, en Italie. Et cette tendance à la baisse s’est accentuée dès que les premières rumeurs ont commencé à circuler».
Cette «tempête» autour de l’augmentation des quotas d’exportation d’huile d’olive tunisienne vers l’Europe n’a pas lieu d’être pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, elle est conjoncturelle: il s’agit d’une mauvaise récolte en Espagne, en Italie et en Grèce, alors qu’en Tunisie l’année a été exceptionnellement abondante. Il n’y aurait, donc, aucune crainte à avoir sur le sort de ce trio indétrônable de la production oléicole mondiale.
Les pays de l’EU continueront, dans un avenir prévisible et certainement lointain, à dominer le marché international de l’huile d’olive, soit à monopoliser les 4/5 de la production mondiale, et la Tunisie se saura se contenter de son 4e rang mondial, c’est-à-dire avec 8, 9 ou, au meilleur des cas, 10% de la production mondiale.
En outre, en période de disette, les agriculteurs européens savent qu’ils peuvent toujours compter sur les fonds d’investissement nationaux et les subventions agricoles que la Commission européenne leur alloue, afin de préserver leurs confortables marges bénéficiaires…
Marwan Chahla
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