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Leila Toubel à Cyrine Gannoun : «C’est moi qui ai écrit ‘‘Monstranum’s’’»

Leila-Toubel-Droits-auteur

Son nom ayant disparu de l’affiche de la pièce ‘‘Monstranum’s’’, qu’elle a écrite, jouée et créée, Leïla Toubel porte plainte et gagne le procès.

Par Zohra Abid

Avant d’aller au tribunal, des tentatives de réconciliation ont eu lieu pour faire les choses dans les règles de l’art avec l’espace El-Hamra mais ces tentatives de règlement à l’amiable n’ont pas abouti. Ce qui a obligé Leila Toubel à recourir au juge des référés qui, après l’examen du dossier, a ordonné, le 15 juillet, la suspension de la présentation de la pièce, signifiée en bonne et due forme à la partie concernée par un huissier de justice.

L’hommage posthume à Avignon annulé

La décision du tribunal n’a pas été respectée par l’espace El Hamra, dont les nouveaux responsables, ont annoncé, la veille du verdict, la présentation, en guise d’hommage à feu Ezzeddine Gannoun, au Théâtre des Carmes, dans le cadre du festival Avignon Off, entre le 18 et le 21 juillet 2016, de la pièce intitulée ‘‘Ses monstres à lui’’. Il s’agit, en réalité, d’une nouvelle appellation de ‘‘Monstranum’s’’.

Me Najet Yaakoubi, avocate de Leila Toubel, a réagi et confié l’assignation à ses confrères en France, qui ont effectué les démarches légales pour faire suspendre la présentation à Avignon. Au pays des droits de l’homme, on ne badine pas avec les droits d’auteur. Cela a malheureusement échappé à Cyrine Gannoun, la fille du défunt dramaturge et metteur en scène, comédienne elle-même, qui dirige aujourd’hui le théâtre El-Hamra.

L’annonce de l’annulation de la présentation de la pièce a aussitôt fait le tour de Tunis provoquant une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux contre la plaignante, Leila Toubel en l’occurrence. Ce qui a obligé la comédienne à sortir du mutisme qu’elle observait jusque-là sur cette affaire et à donner une conférence de presse à El-Teatro, pour éclairer l’opinion. Si elle a évité d’ébruiter cette affaire et de la mettre sur la place publique, c’est, dit-elle, «par respect pour la mémoire de Ezzeddine Gannoun avec qui j’ai collaboré dans le cadre de l’espace El-Hamra où je me suis battue, corps et âme, pendant 25 ans, pour assurer son rayonnement, avant de le quitter en juin 2014.»

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Ezzeddine Gannoun et Leila Toubel à une représentation de ‘‘Monstranum’s’’ à El-Hamra, en 2013. 

La comédienne n’a pas demandé ses droits d’auteur ni même des dédommagements pour le préjudice qu’elle a subi, mais elle tout simplement demandé que son nom ne soit pas biffé de l’affiche d’une pièce qu’elle a coécrite et coproduite et qu’on demande son accord pour toutes les représentations, comme le stipule la loi relative aux droits d’auteur. Ce qui n’a pas été fait. Au contraire, la nouvelle direction d’El-Hamra s’est arrangée pour faire disparaître, dans la documentation distribuée aux médias (affiches, dépliants, brochures, etc.), toute trace de son travail.

«Après avoir puisé tous les moyens de règlement à l’amiable, je me suis résignée, contrainte et la mort dans l’âme, d’aller en justice pour préserver mes droits», raconte-t-elle. Elle ajoute : «Il y a eu une décision du tribunal en ma faveur et les concernés n’ont pas fait appel. Une dizaine de jours avant les représentations à Avignon, je suis revenue à la charge pour leur rappeler qu’ils ont besoin de mon autorisation. Ils n’ont pas donné suite et sont passés outre. C’est tout naturellement qu’un huissier de justice a fait exécuter la décision du tribunal en empêchant la présentation de la pièce à Avignon. Et au même moment, j’étais à Ajaccio et non à Avignon, comme on l’a prétendu».

Des documents falsifiés

Pour avoir un gain de cause, Leila Toubel s’est appuyée notamment sur des extraits d’articles de presse sur ‘‘Monstranum’s’’ prouvant la falsification à laquelle a recouru l’actuelle direction d’El-Hamra. Ces articles ont été publiés en 2013 par Kapitalis, Tekiano et La Presse. Mme Toubel a démontré, preuve à l’appui, comment l’administration de l’espace El-Hamra a remis au 51e Festival d’Avignon, un dossier de presse falsifié, qui a d’ailleurs été repris dans le catalogue du festival. «On a changé mon nom par celui de Ezzeddine Gannoun, et le titre ‘‘Monstranum’s’’ par ‘‘Ses monstres à lui’’ en reprenant, à la virgule près, tout ce qui a été écrit sur cette pièce à sa sortie en 2013», explique-t-elle, la gorge nouée par l’émotion et retenant à peine ses larmes, en regrettant que «des proches de Gannoun souillent de la sorte sa mémoire et écornent la réputation d’un artiste dont l’éthique a toujours forcé le respect».

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Leila Toubel dans ‘‘Monstranum’s’’.

S’agissant d’un vol manifeste de ses droits d’auteur et face à l’obstination de la partie adverse, la comédienne a décidé de déroger au devoir de discrétion et d’aller jusqu’au bout. «Je ne suis pas du genre à utiliser les réseaux sociaux. Je n’ai qu’une seule adresse pour faire valoir mes droits: le palais de la justice. Et je ne leur pardonne pas, car ils m’ont trop humiliée. Je persiste à dire que le texte de ‘‘Monstranum’s’’ est le mien et je l’ai écrit pour Gannoun. Ces gens ont attendu la mort de l’artiste pour me déclarer la guerre… en utilisant honteusement la mémoire d’un mort». Elle poursuit : «Cette pièce m’est très chère. Vous ne pouvez pas imaginer dans quelle condition je l’ai écrite. A l’époque (et je ne vous dis pas ça pour que vous vous apitoyez sur mon sort), j’ai subi une ablation du sein suite à un cancer. Plusieurs collègues, qui travaillent à El-Hamra, que j’aime et respecte, ont vécu avec moi ces moments difficiles et remarqué les efforts que je faisais pour être à la hauteur de la tâche alors que ma santé défaillait.»

En réponse à Leila Toubel, Cyrine Gannoun a affirmé dans les médias et déclaré que le texte de ‘‘Ses monstres à lui’’ est «le fruit d’une écriture collective à laquelle ont pris part tous les acteurs, qui l’ont improvisé et fignolé au fur et à mesure».

Pour ce qui est du litige concernant ‘‘Monstranum’s’’, Cyrine Gannoun a indiqué que Mme Toubel a été payée pour son texte et rémunéré pour chaque spectacle qu’elle a donné.

Ce litige, déclenché 15 mois après la mort du fondateur et ancien patron du théâtre El-Hamra, décédé le 29 mars 2015, ne laissera pas ce dernier reposer en paix.

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