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Wimbledon : Le plus fort n’est pas le meilleur

Roger Federer/Marin Cilic/Garbiñe Muguruza/Venus Williams.

Le tennis est il encore un sport d’artistes? Le récent tournoi de Wimbledon remet en cause beaucoup de certitudes à ce sujet.

Par Dr Mounir Hanablia *

On a commencé à se poser des questions à partir des huitièmes de finale du tournoi londonien, avec la défaite retentissante de Rafael Nadal contre un parfait inconnu, le Luxembourgeois Gilles Muller, âgé de 34 ans.
Nadal s’est retrouvé mené, de la façon la plus logique qui soit, 2 sets à 0, puis a réussi à revenir au score grâce à une débauche d’énergie et de volonté, pour finir par craquer au 5e set… 14 jeux à 13.

On avait tout de même eu l’impression au cours de ce match acharné que le vainqueur n’aurait plus assez d’énergie pour récupérer et passer le tour suivant.

Aucun match n’est joué d’avance

En quarts de finale, le numéro 1 mondial Andy Murray subissait une terrible défaillance physique face à un autre inconnu, l’Américain Sam Querrey, à tel point qu’il n’arrivait même plus à se déplacer pour renvoyer des balles normalement accessibles, et passait lui aussi à la trappe.

Entre-temps, le phénomène luxembourgeois Gilles Muller, tombeur de Nadal, était confronté à un os, le croate Marin Cilic; on pensait que ce dernier n’en ferait qu’une bouchée, mais une fois encore Muller se révéla beaucoup plus résistant que ce qu’on avait supposé et après un chassé-croisé épuisant, le croate finit par s’imposer après 5 sets, pour affronter en demi finales le tombeur de Murray, l’américain Querrey.

Prétendre que le match Cilic contre Querrey fut facile serait une gageure. Certes, le Croate s’imposa au bout de quatre sets, mais il puisa largement dans ses réserves physiques et psychologiques pour remporter la partie, et ce n’est qu’à la fin que l’Américain flancha et n’opposa plus de résistance.

La finale opposa donc le Suisse Roger Federer, 35 ans, très grande figure et grand champion du tennis mondial, qui disputait sa 11e finale dans ce tournoi, au Croate Cilic âgé de 28 ans, ancien vainqueur de l’open des Etats-Unis.

En 2016, sur le même cours à Wimbledon, le Suisse avait eu toutes les peines du monde à battre le Croate après avoir été mené 2 sets à zéro et sauvé deux balles de match.

Une histoire d’ampoule du pied

On s’attendait donc à un match équilibré, mais une fois encore, la fatigue physique fut au rendez vous et cette fois d’une manière assez prévisible, et compte tenu de ses matchs précédents, c’est Cilic qui en fut la victime. Le Croate, au beau milieu du deuxième set où il était mené 3-0 après avoir perdu le premier, craqua nerveusement sur son banc au moment de la pause et se mit à pleurer comme un bébé. Il devait expliquer après sa défaite qu’une ampoule du pied l’avait empêché de jouer.

Une ampoule du pied qui ne guérit pas chez un sportif est un signe de fatigue et d’incapacité de l’organisme à récupérer. Et c’est ainsi que Federer fut une nouvelle fois sacré champion en dépit de son âge.

Il faut dire que le Suisse est le joueur qui à l’heure actuelle se ménage le plus et le mieux sur le circuit grâce entre autres à un revers slicé hors pair, et c’est sans doute aussi l’un de ceux qui cette année ont passé le moins de temps sur les cours, toutes ses rencontres à Wimbledon ont été remportées sur le score net et sans bavures de trois sets à zéro. Il est ainsi en train de démontrer que dans le tennis l’expérience est aussi importante que la préparation et la récupération physiques.

Il faut dire que, mise à part la demi-finale, remportée facilement, il n’a cette année jamais rencontré dans ce tournoi d’adversaires qui fassent partie du gotha de la balle ronde. On pourrait donc en conclure que le tennisman titré soit comme le vin, plus il est vieux, meilleur il est.

Ce serait ignorer l’expérience malheureuse de Venus Williams qui, à 37 ans, s’est retrouvée en finale contre l’Hispano-vénézuelienne de 23 ans Garbiñe Muguruza après avoir dominé d’une manière insolente toutes ses adversaires et éliminé quelques championnes du tennis actuel, telle la dernière vainqueur de Roland Garros, la Lettonne Elena Ostapenko.

La championne américaine tint tête jusqu’au 5e jeu où elle eut deux balles de sets dont elle ne profita pas, et un long et puissant échange de balles avec l’Espagnole eut raison de ses ressources physiques limitées.

Après cela l’américaine fut incapable de remporter un seul jeu et fut écrasée au deuxième set sur le score humiliant et sans appel de 6-0.

Pourquoi Venus Williams à 37 ans a-t-elle échoué là où Federer a réussi à 35? Difficile de répondre, la supériorité technique du Suisse face à ses adversaires est peut-être plus manifeste, mais c’est surtout dans le domaine athlétique qu’en finale, l’Américaine est apparue en totale méforme. Il a fallu un seul échange de balles assez dur face à Muguruza pour qu’elle perde tous ses moyens, et tout espoir de l’emporter. Mais Muguruza n’est pas n’importe qui, c’est une championne confirmée, elle a déjà remporté, en 2016, Roland Garros en battant Serena Williams, la sœur de Venus, et sa tactique qui s’est révélée payante en finale a été limpide, celle d’user son adversaire dans des échanges de balles longs et durs.

Venus Williams a perdu tout simplement parce qu’en finale elle est tombée sur meilleure qu’elle, et la différence d’âge en sa défaveur lui a ôté toute chance de revenir au score, donc toute volonté de se battre et de résister.

Le meilleur est celui qui sait durer

En conclusion, peut-on dire que dans le tennis, c’est toujours le meilleur qui l’emporte? Sans doute, mais à condition de définir ce que le mot meilleur veuille dire. Murray est le numéro 1 mondial, et pourtant il a perdu à Roland Garros, puis, il a véritablement craqué à Wimbledon, contre toute attente. Djokovic n’est plus le meilleur, l’homme a maigri mais ne possède plus pour le moment cette volonté de vaincre qui fait la différence. Nadal est celui qui cette année aurait dû de l’avis de tous gagner Wimbledon, et pourtant il est tombé d’une manière tout à fait inattendue contre un vieux luxembourgeois sans qu’on s’explique comment et pourquoi.

Ce n’est pas Nadal qui a flanché, il a paru égal à lui-même, mais plutôt son adversaire qui a joué d’une manière époustouflante. Et tout le monde sait combien l’Espagnol est combatif, peu économe de ses forces. Mais quand on remporte tous les tournois importants d’avril à juin, faut-il s’étonner qu’en juillet il manque dans un moment difficile ce petit rien qui fasse la différence?

Finalement le meilleur, c’est bien celui dont la technique lui permet d’écourter à son avantage les échanges, de passer le moins de temps sur les cours, et surtout de planifier ses participations dans les différents tournois en fonction de ses ressources physiques, de ses capacités de récupération, et de ses objectifs sportifs. En un mot, le plus capable de durer. Et à ce jeu, on peut être sûr que c’est bien Federer qui, depuis des années, est le meilleur.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa. 

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