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Projet de Loi de Finances 2018: Objections et propositions de l’Aject

Les jeunes experts comptables appellent à faciliter, simplifier, clarifier et uniformiser les procédures fiscales, et à veiller à la stabilité des textes fiscaux.

Par Khémaies Krimi

A lire son «réquisitoire» contre le projet de la Loi de Finances 2018 (PLF2018), un document d’une quarantaine de pages écrit dans un arabe rébarbatif, rien ne plaît dans ce texte à l’Association des jeunes experts comptables de Tunisie (Aject). Cette association professionnelle, qui se veut «une force de propositions», critique sévèrement les différents articles de ce PLF2018 et propose sa révision. Gros plan sur cette lecture virulente et sur les alternatives suggérées.

Absence de cohérence

Dans son analyse du PLF2018, l’Aject relève, dans un premier temps, une tendance au maquillage des chiffres (le sport favori au temps de Ben Ali), et met en doute les scénarios et hypothèses adoptées pour l’élaboration de ce texte.

Dans cette optique, elle pointe du doigt l’absence de précision du taux de change et du prix du baril e pétrole retenus pour le calcul du budget économique.

Sur ce point l’Aject a peut-être raison dans la mesure où tous les analystes, y compris des membres du gouvernement, s’attendent à la poursuite, en 2018, de la détérioration du dinar, la monnaie nationale, et à une hausse du cours du baril de pétrole suite au risque de déstabilisation que peuvent connaître les grands pays producteurs comme l’Arabie Saoudite et l’Iran.

Dans un second lieu, l’Aject constate l’absence de vision et la non-inscription du PLF2018 dans la cohérence et la logique économiques du plan de développement quinquennal 2016/2020.

Plus simplement, pour l’Aject, tout comme d’autres organisations nationales dont l’Utica, ce projet de loi ne se soucie pas de l’impact économique de ses dispositions.

L’Aject s’inquiète, notamment, de l’accroissement du taux d’endettement qui passe de 69,6% du PIB en 2017 (61,9% fin 2016) à 71,4% du PIB en 2018. Elle se préoccupe également du poids de la masse salariale de la fonction publique dans le PIB (15%), «une proportion parmi les plus élevées au monde», rappelle-t-elle.

Plaidoyer contre la maximisation fiscale

Dans un troisième lieu, l’Aject déplore dans le PLF2018, ce qu’elle appelle «la maximisation des ressources fiscales pour équilibrer le budget 2018». L’Aject met, particulièrement, en garde contre les conséquences néfastes de tout projet d’augmenter le taux de la pression fiscale et de le faire passer de 23% en 2017 à 24% en 2018. Pour L’Aject, si cette augmentation est retenue, elle se traduira par une baisse du volume d’investissements et de créations d’emplois. Pis, elle constituerait, toujours selon l’Aject, une incitation à l’évasion fiscale, favoriserait l’informel au détriment du formel et aurait, donc, un effet contraire sur les recettes fiscales.

Concrètement, l’Aject recommande la suppression des augmentations des droits de douane et des droits de consommation qui risquent de favoriser, outre l’augmentation d’un point du taux de la TVA et de l’avance à l’importation de 10% à 15%, le secteur informel au dépens du secteur formel.

Elle suggère la réduction du taux de la TVA proposé par le PLF2018 sur la vente des logements à usage d’habitation de 19% à 7%. Le but étant pour l’Aject de préserver le pouvoir d’achat du consommateur et d’éviter l’aggravation des difficultés du secteur de la promotion immobilière déjà en crise et fortement engagé avec le secteur bancaire.

Elle appelle à la suppression du gel du crédit de la TVA prévu par le PLF 2018 lequel serait contraire au principe de la neutralité de la TVA et à l’équité fiscale.

L’Aject se prononce contre l’augmentation de l’impôt sur les dividendes de 5% à 10%. Cette éventuelle hausse nuirait, d’après elle, à la stabilité des textes fiscaux, condition nécessaire pour promouvoir l’investissement et la protection du climat d’affaires.

Dans le même contexte, elle estime que l’exonération des dividendes des sociétés totalement exportatrices constitue une injustice fiscale avec celles partiellement exportatrices. En plus, elle pourrait se manifester par une exportation d’impôt sur les dividendes de la Tunisie vers les pays de résidence des investisseurs étrangers.

Par-delà ces griefs à l’encontre du PLF2018, l’Aject fait état de sa relative satisfaction quant à la disposition concernant la révision du régime forfaitaire. Pour l’association, il s’agit d’une bonne mesure qui demeure timide. En effet, les taux de marge adoptés sont considérés très faibles par rapport aux taux pratiqués. L’Aject appelle à revoir à la hausse les taux de marge et les minima d’impôt pour cette catégorie de contribuables, de fixer le chiffre d’affaires annuel des forfaitaires à 100.000 dinars tunisiens (DT) et d’exclure certaines activités de l’éligibilité à ce régime.

Les alternatives de l’Aject

Au chapitre des alternatives, l’Aject propose des réformes qui constituent des ferments essentiels pour la future réforme de la fiscalité en Tunisie, laquelle réforme est constamment renvoyée aux calendes grecques.

Les réformes proposées visent à renforcer les efforts pour la lutte contre le secteur informel et l’évasion fiscale, à moderniser l’administration pour faciliter les travaux de contrôle fiscal et la recherche des niches de fraude fiscale et à veiller à la non-augmentation du taux de pression fiscale voire sa réduction, étant donné son effet direct sur la consommation et l’investissement.

Il s’agit aussi de faciliter, simplifier, clarifier et uniformiser les procédures fiscales, et de veiller à la stabilité des textes fiscaux.

Les propositions de l’Aject ont aussi pour objectifs de prévoir des mesures pour la relance de l’investissement et de l’exportation et de rationaliser les dépenses de fonctionnement de l’État et de veiller à leur bonne gouvernance.

A ce propos, le chef du gouvernement Youssef Chahed a annoncé, à l’ouverture du Tunisian Investment Forum (TIF2017, 9 novembre 2017), l’institution d’une stratégie exceptionnelle pour la relance des exportations, la réservation de 5200 MDT pour l’investissement en partenariat public-privé (PPP) et une enveloppe budgétaire de 100 MDT pour les PME.

Cela pour dire que le gouvernement semble prêter une forte attention aux critiques et propositions de la société civile. Tant mieux…

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