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L’industrie tunisienne face aux nouvelles tendances internationales

Fouad Makhoua (CCM), Slim Feriani, Mehdi Ben Abdallah (TBCC) et Ibrahim Debache (AHK).

Le débat sur «la stratégie de l’industrie, opportunités et défis», organisé, le 29 janvier 2018, à la Chambre de commerce tuniso-britannique (TBCC), a été plutôt frustrant. Explication…

Par Khémaies Krimi

Ce débat organisé par le Conseil des chambres mixtes (CCM) a mis face-à-face les représentants des structures d’encadrement des entreprises opérant sous le régime de l’off-shore (totalement exportatrices) en Tunisie et l’administration publique représentée par le ministre de l’Industrie, Slim Feriani. Il était fortement attendu dans la mesure où l’industrie (90% des exportations tunisiennes), objet de tous les égards au temps de Bourguiba et de Ben Ali, a été tout simplement mise entre parenthèses depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, avec, comme corollaire de ce désintérêt, la fermeture de centaines d’entreprises.

Rien que pour le textile, un des trois principaux secteurs exportateurs, quelque 400 entreprises ont disparu depuis 2011.

Le principal consensus dégagé au cours de ce débat est une lapalissade, en l’occurrence le partage des rôles entre les diverses parties concernées. L’Etat étant appelé à jouer celui de facilitateur tandis que le privé est censé prendre l’initiative, entreprendre et investir.

Pour une nouvelle génération de réformes industrielles

Situant la problématique de l’industrie off-shore, Foued Lakhoua, président du CCM a déclaré que le temps est venu «pour repenser la stratégie industrielle tunisienne et pour mettre en œuvre une nouvelle génération de réformes structurelles», déplorant au passage la mauvaise qualité de l’environnement des affaires qui demeure, selon lui, hostile à la création d’entreprises et à la libre initiative.

Les participants devaient solliciter également des éclairages sur l’action que compte mener le gouvernement pour harmoniser les impositions appliquées aux entreprises opérant sous le régime off-shore, qui ne sont pas soumises à l’impôt, et celles opérant sous celui l’on-shore, lesquelles sont tenues de payer l’impôt sur les sociétés (IS), sachant que cette réforme est exigée par l’Union européenne (UE) avant de retirer la Tunisie de la liste grise des paradis fiscaux.

Ils ont attiré ensuite l’attention sur la fuite des cadres tunisiens à la recherche de meilleures rémunérations à l’étranger et sur le chemin parcouru sur la voie de la conclusion de l’Accord de libre échange complet et approfondi (Aleca) avec l’UE.

Autres questions soulevées par les participants, l’enjeu de doter la Tunisie d’un parc automobile en partenariat avec un constructeur automobile, le zoning industriel, le soutien aux PME, le conditionnement de l’huile d’olive et autres…

Slim Feriani ne peut pas parler, véritablement, de nouvelle stratégie industrielle.

Un discours officiel autosuffisant et anachronique

Le ministre de l’Industrie, Slim Feriani, sous prétexte qu’il est nouvellement nommé, a déclaré d’emblée qu’il ne peut pas parler, véritablement, de nouvelle stratégie industrielle. S’il n’a pas une nouvelle vision à mettre en œuvre, pourquoi a-t-il donc été nommé?

La priorité pour M. Feriani réside dans le renforcement et la préservation de l’existant, rappelant à ce sujet l’accord conclu, récemment, pour le maintien de grosses entreprises comme la Société tunisienne des industries pneumatiques (Stip).

Globalement, le ton du discours du ministre était, comme c’est souvent le cas, à l’autosuffisance et à l’autosatisfaction. Pour lui, tout est pour le mieux. En témoignent ses réponses évasives aux demandes d’éclaircissements de l’auditoire. Le ministre, toujours sous prétexte qu’il est nouveau dans son poste, s’est montré fuyant et expéditif.

Ainsi, s’agissant de l’harmonisation de l’imposition entre l’off-shore et l’on-shore, il a indiqué que tout accord sur cette question doit prendre en considération la stabilité sociale et l’importance du nombre d’emplois fournis par l’off-shore. Mais on fait quoi, quand on a le couteau de l’UE sur la gorge? On tergiverse et on va dans le mur? On fait comme si ce problème n’existe pas au risque de voir la Tunisie maintenue dans la liste noire des paradis fiscaux?

Concernant l’Aleca, M. Feriani a répondu ce que l’on sait déjà, à savoir que les négociations se poursuivent à un rythme soutenu entre Tunis et Bruxelles.

Au sujet de l’industrie automobile, il a indiqué que le gouvernement est disposé à fournir toutes les facilités (fiscales?) pour tout partenaire stratégique désireux de lancer un mégaprojet dans le pays.

En ce qui concerne le soutien aux PME, le ministre a plaidé pour des mécanismes de financement alternatifs aux banques, précisant, à ce propos, que son département est en train de travailler sur un projet de loi sur le crowdfunding (financement participatif), et qu’un programme d’une valeur de 100 millions de dinars tunisiens (MDT) sur 3 ans et 150 MDT pour l’année d’après, est en train d’être élaboré.

Répondant à la question relative à la fuite des cerveaux, M. Feriani a considéré que les Tunisiens qui se distinguent à l’étranger sont perçus, officiellement, comme de bons ambassadeurs pour la Tunisie, notant que pour garder les compétences tunisiennes, il faut instituer des incitations en leur faveur. C’est à peine s’il ne s’est pas félicité des rentrées de devises fortes qu’ils rapportent au pays.

Les nouvelles tendances industrielles occultées

Par-delà les préoccupations de l’off-shore et les réponses du ministre, ce débat a été le moins qu’on puisse dire frustrant pour une raison simple : il n’a abordé, à aucun moment, les nouvelles tendances industrielles dans le monde et la possibilité de les développer en Tunisie. Au nombre de ces industries futures, figurent la révolution de l’intelligence artificielle, de l’économie numérique et de la digitilisation, le développement de l’agroalimentaire et l’enjeu d’y créer une valeur ajoutée à travers l’intensification de l’investissement dans le conditionnement, le pari sur les énergies vertes et les opportunités que leur développement offre en matière d’industrialisation et d’indépendance énergétique, l’émergence de nouvelles industries telles que culturelles ou sportive…

Cela pour dire que le débat sur l’avenir de l’industrie tunisienne est encore à refaire et, surtout, à repenser.

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