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Le poème du dimanche : ‘‘Ithaque’’, de Constantin Cavafy

Constantin Cavafy ou Cavafis, est un poète grec né à Alexandrie en Égypte le 29 avril 1863 et mort dans la même ville le 29 avril 1933. Fils d’un négociant en import-export de textiles et coton, originaire de Constantinople, il a vécu en Angleterre et, surtout, en Egypte.

Très peu connu de son vivant, il est désormais considéré comme une des figures les plus importantes de la littérature grecque du xxe siècle. Il fut fonctionnaire au ministère des Travaux publics d’Alexandrie, journaliste et courtier à la bourse d’Alexandrie.

Contrairement à l’Odyssée d’Homère, où l’Ithaque est la destinée tant désirée d’Ulysse, dans son Ithaque Cavafy incite le lecteur à prendre le temps de flâner dans son voyage, de s’enrichir de ses expériences avant de rentrer à l’île. Car l’Ithaque, dit Cavafy n’a rien à offrir, si ce n’est qu’elle a déjà offert le meilleur : l’occasion du voyage.

* * *

Quand tu partiras pour Ithaque,
souhaite que le chemin soit long,
riche en péripéties et en expériences.

Ne crains ni les Lestrygons, ni les Cyclopes,
ni la colère de Neptune.
Tu ne verras rien de pareil sur ta route si tes pensées restent hautes, 
si ton corps et ton âme ne se laissent effleurer
que par des émotions sans bassesse.

Tu ne rencontreras ni les Lestrygons, ni les Cyclopes,
ni le farouche Neptune,
si tu ne les portes pas en toi-même,
si ton cœur ne les dresse pas devant toi.

Souhaite que le chemin soit long,
que nombreux soient les matins d’été,
où (avec quelles délices !) tu pénétreras
dans des ports vus pour la première fois.

Fais escale à des comptoirs phéniciens,
et acquiers de belles marchandises :
nacre et corail, ambre et ébène,
et mille sortes d’entêtants parfums.
Acquiers le plus possible de ces entêtants parfums.

Visite de nombreuses cités égyptiennes,
et instruis-toi avidement auprès de leurs sages.
Garde sans cesse Ithaque présente à ton esprit.
Ton but final est d’y parvenir,
mais n’écourte pas ton voyage :
mieux vaut qu’il dure de longues années,
et que tu abordes enfin dans ton île aux jours de ta vieillesse,
riche de tout ce que tu as gagné en chemin,
sans attendre qu’Ithaque t’enrichisse.

Ithaque t’a donné le beau voyage :
sans elle, tu ne te serais pas mis en route.
Elle n’a plus rien d’autre à te donner.

Même si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t’a pas trompé.
Sage comme tu l’es devenu à la suite de tant d’expériences,
tu as enfin compris ce que signifient les Ithaques.

Traduction de Marguerite Yourcenar.

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