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Vers un nouveau pacte national pour sortir la Tunisie de la crise

L’auteur, vice-président du mouvement Haloummou, regroupant d’anciens militaires, propose dans la réflexion ci-dessous, un Nouveau Pacte national pour sortir le pays de la crise, avec un plan de redressement en 3 étapes.

Par Mohamed Kasdallah *

«On ne ment jamais autant avant les élections, pendant la guerre et après la chasse».

Cette citation de Georges Clémenceau remonte au début du siècle dernier mais elle s’avère d’une brûlante actualité.

Jean Jaurès prétendait que «le courage en politique, c’est de chercher la vérité et de la dire», principe qu’il a appliqué à la lettre jusqu’à en perdre la vie.

Que penser de la vérité et de la crédibilité de la parole des hommes et des femmes politiques de chez nous qui prétendent travailler jour et nuit et militer pour notre bien-être ?

Faut-il croire, vraiment, à leurs discours taillés dans la langue du bois, sans consistances, non crédibles et pleins de promesses sans lendemain?

La déroute des élites politiques actuelles

La modestie n’est, nulle part, la qualité principale de nos hommes politiques. Certains dirigeants narcissiques considèrent leur gouvernance sans reproche. Ils se vantent, à longueur de journée, dans les médias, tous supports compris, avec des discours euphorisants et des chiffres souvent mensongers, d’être capables de tracer, aux détails près, le chemin qui doit être parcouru pour que la Tunisie sorte rapidement et sûrement de la tourmente actuelle.

Ceux qui sont au pouvoir prétendent, sans caricature ou ironie, posséder l’omniscience leur permettant d’effacer, quasi du jour au lendemain, tous les maux dont souffre la société tunisienne.

Ceux de l’opposition disent : «Qu’on nous confie les rênes du pouvoir et vous verrez ce que vous verrez !».

Ces surhommes politiques tunisiens oublient qu’ils ont pris part, d’une manière ou d’une autre, à la lente descente aux enfers qui a abouti au chaos actuel. Leur principale qualité, en dehors de la fièvre électorale, est l’indifférence voire l’arrogance et le mépris.

Il y a 9 siècles Ibn Rochd (Averroès pour l’Occident), célèbre penseur arabo-andalou, a dit ceci: «Le pouvoir est une forme de folie. Certains sont prêts à tout pour l’obtenir». Son avertissement s’applique comme des gants aux assoiffés de pouvoir parmi nos politiciens. Le comble c’est qu’ils se réclament tous patriotes et jurent qu’ils n’ont à cœur que les intérêts du pays !

Qu’Allah nous préserve des fous du pouvoir qui n’aspirent qu’à piller le pays et asservir son peuple.

Dans ce contexte, des Tunisiens et Tunisiennes, anciens militaires pour la plupart, ont décidé une véritable rupture avec les pratiques politiques passées. Considérant que le recyclage des «déchets» ne constitue pas la meilleure base de départ pour une Tunisie nouvelle, ils ont lancé un Mouvement politique ayant pour nom Haloummou.

Cette initiative d’anciens de l’Armée nationale n’est pas liée à une volonté de remettre la question de défense sur le devant de la scène surtout à l’approche des échéances électorales mais répondait avant tout à un besoin de s’exprimer en tant que soldat-citoyen en phase avec la réalité de leur pays.

Les fondateurs de ce mouvement n’ont jamais eu la prétention de mettre les problèmes de défense au cœur de leur campagne électorale. En revanche, ils ont eu le sentiment, encore plus qu’avant, que la sécurité du pays méritait d’être traitée par eux qui restent les principaux concernés et les meilleurs experts de leur propre métier avec la possibilité d’un débat notamment au contact des citoyens qui ne connaissent que superficiellement l’armée.

Un Nouveau pacte national pour redresser la barre

«En endossant le statut de soldat nous n’avons pas renoncé à celui de citoyen», disait Georges Washington. Les membres de l’équipe qui pilote le mouvement Haloummou étaient des soldats de la république (ils le sont encore et pour toujours). Ils étaient par conséquent apolitiques mais par la force des choses ils ont été poussés à être politisés, usant leur droit de citoyenneté.

La prise de conscience, individuelle et collective chez cette poignée d’anciens officiers, a conduit à envisager paisiblement et sereinement un vrai projet de reconstruction du pays dans un élan qui tend vers un idéal mesuré de justice, de liberté et de démocratie.

Il s’agit d’un Nouveau pacte national (NPN) qui fixe, dans une vision réfléchie, les orientations stratégiques des quinze prochaines années. C’est une feuille de route ou un plan de sortie de crise fondé sur le triptyque créativité, authenticité et pragmatisme, conçu selon le principe de l’anticipation et suivi par une gestion prévisionnelle capable d’identifier, de quantifier et de prioriser dans l’espace et dans le temps les éléments fondamentaux d’un vrai développement durable.

Les étapes de concrétisation de ce plan d’action

Le «concentré» de cette démarche peut être mis en œuvre en trois phases :

Phase immédiate, les premiers actes de sauvetage :

Parce qu’il y a urgence, il va falloir parer au plus pressé. La priorité absolue sera donnée aux éléments suivants :

• la restauration, sans ambages ni flottement ou hésitation, de l’autorité de l’Etat quitte à recourir au fouet de la loi;

• la sécurité, garantie fondamentale de tout développement, doit être traitée sous toutes ses formes : nationale, financière, alimentaire, juridique, et considérée comme une valeur inaltérable;

• la lutte contre le terrorisme dans ses dimensions psychologique, idéologique et physique;

• l’annulation immédiate de tous les accords avec le FMI, la Banque mondiale et le reste des institutions financières internationales;

• au mieux, la suspension du remboursement de la dette publique et internationale, au pire, son rééchelonnement sur une période raisonnable;

• la nationalisation sans compensation de tous les établissements publics déjà privatisés;

• le redémarrage des usines fermées et la remise des moyens de production sous contrôle des ouvriers;

• l’établissement de comités populaires et indépendants pour la lutte anticorruption et la traduction des personnes impliquées dans la corruption devant la justice sous la supervision de ces comités.

Cette étape s’étale sur une période de quelques mois sans dépasser les délais d’un an.

Phase de réanimation économique et sociale :

• la restauration des équilibres financiers et économiques;

• l’instauration d’une véritable austérité dans tous les domaines particulièrement dans les dépenses de l’Etat;

• l’utilisation des ressources financières pour créer de l’emploi, secourir les entreprises en difficulté et lutter contre la cherté de la vie;

• l’exploitation des domaines agricoles de l’Etat par les ouvriers de la région et la distribution des dividendes entre eux sous contrôle et supervision de l’Etat.

Phase de démarrage des grandes réformes :

Dans notre pays, je suis persuadé qu’on ne tire pas assez de leçons des expériences précédentes bien qu’elles aient coûté du temps et de l’argent en plus des résultats allant de médiocres à catastrophiques pour la nation. Le NPN préconisé par Haloummou donne la priorité totale à l’agriculture, la santé publique, l’éducation nationale et la recherche scientifique.

Rebâtir un pays après une dizaine d’années d’errance multidimensionnelle n’est certes pas une mince affaire; on a beau louer nos qualités de civisme et nos valeurs morales et intellectuelles mais la réalité s’avère très amère.

Sans vouloir donner de leçon de patriotisme, je dirais que notre feuille de route peut effectivement tenir la route si l’on s’adresse au bon sens de chacun et mettre de côté les rancunes et les stratégies individuelles.

Malheureusement, la défiance entre les Tunisiens et ceux qui les ont gouvernés, qui les gouvernent aujourd’hui, ou qui s’apprêteraient à le faire a atteint un seuil intolérable! La rupture est-elle consommée ? Espérons que non.

En dépit des embûches que sèment sur son chemin certains qui répugnent l’apparition de ce mouvement et qui rejettent en bloc les militaires sous prétexte d’a priori et de préjugés, notre détermination à aller crescendo vers la victoire est sans limites. Aucun deal avec ceux qui ont mené le pays au bord de l’abîme?

Haloummou n’est pas une agrégation corporatiste mais il s’agit bien d’une plateforme de réflexion porteuse d’un vrai projet de société et une charte fondatrice d’un renouveau concret et réfléchi.

* Ancien officiel de l’armée tunisienne, membre fondateur et vice-président du mouvement Haloummou.

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