Dans un article publié le 22 septembre 2019, le journal émirati « Gulf News » décrit comment un professeur universitaire à la retraite, Kaïs Saïed, a bouleversé l’échiquier politique en Tunisie, à l’issue du premier tour des élections présidentielles anticipées du 15 septembre 2019.
Extraits traduits de l’anglais par Amina Mkada
Avec une montée, qui a été à peine perçue par les médias, Kais Saied a éliminé 24 rivaux cherchant à diriger la Tunisie, y compris ceux aux plus hautes sphères du gouvernement. S’il remporte le 2e tour des élections, la présidence de l’une des rares démocraties du monde arabe lui reviendra.
Il a fallu à un professeur de droit austère pour canaliser les injustices brûlantes d’une génération désillusionnée par les échecs du Printemps arabe, vers une campagne d’insurrection qui réprimande sévèrement l’establishment politique tunisien.
Vers des changements qui transfèrent le pouvoir au niveau local
Saied se décrit comme un intermédiaire pour un collectif qui demande la fin des années de malaise. Parmi ses projets ambitieux d’une présidence basée sur des guides plutôt que sur des règles, figurent des changements constitutionnels qui transfèrent le pouvoir au niveau local.
Saied soutient que les querelles entre partis laïcs et islamistes et les attaques occasionnelles de militants ont eu des conséquences négatives. Même si la Tunisie, la seule des nations touchées par des soulèvements il y a 8 ans qui a maintenu une démocratie, celle-ci reste quand même fragile.
Les réformes économiques récentes ont commencé à porter leurs fruits, selon le Fonds monétaire international (FMI), mais le chômage – facteur clé du mécontentement – reste supérieur à 15%. C’est ce qui perdu le Premier ministre, le ministre de la Défense et le vice-président du principal parti religieux tunisien aux élections du 15 septembre.
Un novateur à la fois conservateur et révolutionnaire
La campagne de Saied était révolutionnaire. Les partisans de son bureau ont déclaré que l’idée de sa candidature avait émergé en avril, lorsqu’un groupe composé principalement d’étudiants avait rassemblé 13.000 signatures, ce qui l’a persuadé à se porter candidat aux présidentielles anticipées. «Le financement était entièrement assuré par des dons d’un maximum de 8 DT chacun. Un déplacement dans 3 des 24 gouvernorats tunisiens n’a coûté que 37 DT. L’équipe a sauté des repas pour réduire les coûts», a-t-il déclaré. Des groupes ont également largement diffusé son message sur Facebook.
Saied a traité avec mépris les allégations d’un candidat perdant, selon lesquelles il aurait bénéficié d’un soutien dissimulé des islamistes. «Je n’ai appartenu à aucun parti et je n’appartiendrai à aucun parti», a-t-il déclaré, refusant de conclure des accords ou des alliances.
La promesse d’autonomiser les plus démunis fait écho auprès de la vague populiste
Pourtant, sa focalisation sur la terminologie juridique et ses références à des penseurs d’époque tels qu’Alexis de Tocqueville, le distinguent des perturbateurs du type shoot-the-hip (riposte inattendue, ou aussi, dégainer plus vite que son ombre), comme Donald Trump.
«Saied a présenté une image différente de l’homme de pouvoir, celui d’un ascète instruit et proche du peuple», selon l’analyste politique Boulbaba Salem.
Dans le bureau de Saied, il y a un canapé, un bureau, un ordinateur et 2 drapeaux tunisiens. Sur le mur derrière lui, son affiche de campagne montre la balance de la justice sur une carte de la Tunisie avec le slogan «El chaab yourid…» (le peuple veut) en référence au slogan qui a fait tomber Ben Ali en 2011.
Une révolution dans l’impasse
Pour Saied, la révolution doit être complétée. «Les gens veulent du travail, de la liberté et une dignité nationale», a-t-il déclaré, s’engageant à leur donner les «mécanismes légaux» nécessaires à sa réalisation. Il a suggéré d’élargir le parlement à 265 membres – un pour chaque conseil local – et d’ajouter 11 autres représentants des Tunisiens expatriés afin de renforcer le sens de la représentation, en particulier en dehors des grandes villes. Cependant, tout le monde n’est pas convaincu par ce programme.
Il n’est pas difficile de trouver des partisans de Saied dans le Grand-Tunis, dans un quartier populaire près de la modeste villa en pierre blanche du professeur. Pour Maya Jouini Triki, 22 ans, «Kais Saied connaît bien les jeunes Tunisiens, ce qu’ils pensent et ce qu’ils veulent. Les autres politiciens n’en savent rien».
* Les intertitres sont de la rédaction.
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