La situation de la Tunisie reste contrastée : si d’importants progrès ont été réalisés sur le front du processus de transition politique vers un système de gouvernance ouvert et démocratique, la transition économique n’a pas suivi le même rythme. Et le pays reste encore dépendant des aides des bailleurs de fonds internationaux, pas toujours bien orientées ni utiles.
Par Amine Ben Gamra *
L’économie de la Tunisie et, notamment, ses finances publiques dépendent de l’apport des bailleurs de fonds internationaux et, surtout, des deux plus importants entre eux : la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), dont les engagements en Tunisie sont importants, mais on ne parvient pas vraiment à en tirer la pulsion nécessaire pour relancer l’économie de notre pays. Pourquoi ? Il y a un problème quelque part et il est, surtout, en nous. Car nous n’arrivons pas à réformer notre approche du développement et à assurer une meilleure exploitation de nos ressources et de nos moyens intrinsèques. Ce qui se traduit, forcément, par une forte dépendance des partenaires étrangers, dont l’aide est forcément sinon intéressée du moins orientée.
Engagements de la Banque mondiale en Tunisie :
La Tunisie compte 15 projets en cours financés par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird-Banque mondiale), pour un montant total d’engagements de 2,05 milliards de dollars. Ce portefeuille est composé de 11 financements de projets d’investissement (pour un montant de 1,1 milliard de dollars), d’un programme de financement axé sur les résultats (430 millions de dollars), d’un financement à l’appui des politiques de développement (500 millions de dollars) et de deux dons (14,63 millions de dollars). Il comprend trois projets problématiques : le projet pour l’enseignement supérieur et l’employabilité, le projet pour l’inclusion économique des jeunes et le projet de gestion intégrée des paysages.
Le pays a en outre pris du retard dans la ratification de trois projets importants approuvés en juin 2019 (amélioration des performances du secteur de l’énergie, numérisation de l’administration publique et start-up et PME innovantes).
Au cours de l’exercice 2020, la Banque prévoit de finaliser un projet d’appui aux partenariats public-privé dans l’assainissement (130 millions de dollars) et un projet de gestion durable des oasis (100 millions de dollars).
Des discussions sont toujours en cours en vue de mettre en place des opérations de garantie avec les partenaires de la Banque pour permettre à celle-ci de poursuivre son programme de prêts.
Source : site web de la Banque Mondiale (dernière mise à jour: 1er oct. 2019).
Engagements du FMI en Tunisie :
Le gouvernement tunisien a signé avec le FMI un accord portant sur l’octroi d’une facilité élargie de crédit d’un montant de 2,8 milliards de dollars, divisée en plusieurs tranches sur une durée de 4 ans (programme quinquennal 2016-2020). La Tunisie a jusque-là reçu cinq tranches d’un montant global de 1,6 milliard de dollars.
Dernièrement, le FMI a bloqué l’attribution à la Tunisie d’une nouvelle tranche de crédits estimée à 1,2 milliard de dollars, soit l’équivalent de 3,4 milliards de dinars, faute d’accélération des réformes, selon l’expression même du représentant du FMI en Tunisie, Jérôme Vacher.
«Nous avons effectué des visites, de nature technique et informelle, en juillet et en octobre, pour continuer à faire le point sur la situation économique. Mais, pour l’instant des arrangements pour préparer une éventuelle revue n’ont pas été engagés. Lorsqu’une nouvelle équipe gouvernementale sera en place, nous serons à même d’aborder les différentes politiques qui pourraient être soutenues par une revue», a-t-il encore expliqué.
Il faut cesser de croire à l’histoire du Père Noël !
Il faut tirer les conclusions de l’expérience ghanéenne. Le Ghana qui est le 2e producteur d’or d’Afrique, le 4e producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne et le 2e producteur mondial de cacao. Ce pays est encore pauvre malgré les supposées aides de la FMI et de la Banque Mondiale qui visaient à redresser son économie. Ce qui a amené le président ghanéen Nana Akufo-Addo dernièrement à énoncer à cesser de croire à «l’histoire du Père Noël qui va venir pour développer le continent».
Au pouvoir depuis 2017, l’ancien avocat, star des réseaux sociaux en Afrique, a fait de cette doctrine le cœur de son programme électoral de 2020 : celui d’un Ghana affranchi de l’aide internationale («Ghana beyond aid»).
En clair, M. Akufo-Addo promet de construire un pays dont le développement ne dépende plus jamais de l’assistance de la FMI er de la BM.
Le chef de l’État ghanéen n’admet plus qu’on vienne de Paris, de Bruxelles ou de Washington, lui faire la leçon sur l’avenir de l’Afrique. «Nous devons abandonner notre mentalité de dépendance qui compte sur l’aide et la charité, dissocier l’Afrique de l’image de mendiante qui lui est associée», énonce-t-il.
En guise de conclusion :
La BM et son jumeau le FMI ont systématiquement prêté à des États afin d’influencer leur politique. L’endettement extérieur a été et est encore utilisé comme un instrument de subordination des débiteurs.
Par ailleurs, les choix de la Banque et le FMI ont été largement déterminés par les critères suivants : éviter le maintien de modèles autocentrés; tenter de modifier la politique de certains gouvernements des pays socialistes et soutenir les pays du bloc capitaliste.
La vérité qu’il faut garder à l’esprit c’est qu’il faut faire attention en collaborant avec les institutions de Bretton Woods (FMI et BM). En effet, derrière leur mission d’aide au développement se cache des actions politiques directes dans les pays où celles-ci interviennent. Ils ne peuvent résoudre les problèmes qu’ils sont supposés résoudre, mais au contraire les aggrave et les multiplie pour cette raison, toute réforme de la BM et/ou du FMI est vaine.
Le Royaume-Uni tiendra le 20 janvier prochain son sommet sur l’investissement en Afrique. En effet, il s’efforce d’être le plus grand investisseur en Afrique. Le Sommet UK-Africa Investment 2020 accueillera des représentants de gouvernements, d’institutions financières et d’entreprises publiques et privées. La Tunisie est invitée à y prendre part. L’objectif est de promouvoir les opportunités de partenariat et d’investissement sur le continent, de susciter l’intérêt des investisseurs britanniques et de renforcer la coopération bilatérale avec les pays participants.
* Expert Comptable, commissaire aux comptes et membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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