
La société tunisienne actuelle se caractérise par l’éparpillement, la débrouillardise et la multiplication des tâches sans grande valeur ajoutée, mais aussi par l’installation d’une certaine facilité et une certaine paresse. Incitons alors nos compatriotes à prendre un chemin inverse, celui du travail bien fait, pour aider à sortir la Tunisie de la crise et relancer son processus de développement, car l’histoire ne se rappellera que des peuples qui ont travaillé dur et ont accompli des prouesses.
Par Dr Lamia Mnasri Chenik *

Le «flow» existe t-il chez les Tunisiens ? Pour répondre à cette question, commençons par expliquer la signification de ce terme que je ne connaissais pas moi-même, mais qui m’a interpellée tant il décrit tout simplement la pièce manquante dans notre société au-delà de toutes les tractations politiques ou le type de gouvernance.
Le «flow» c’est l’immersion dans le travail, c’est le «bonheur d’être concentré au travail», selon Dr Janssen, chirurgien et psychothérapeute américain, en arabe c’est «hobou ettafani fil amal», une notion de plus en plus difficile à trouver dans notre vie moderne, rapide, où la culture de la distraction et de la dispersion est la règle.
Nous devons optimiser nos heures de travail
Le «flow» ou la concentration au travail peut exister dans tous les métiers, chez le menuisier, l’administratif, le maçon, le politicien ou encore le chirurgien. Il peut se produire aussi en lisant, en écrivant, en jouant un instrument de musique, lors d’un match de foot ou lors d’une conversation passionnée avec un ami.
La société civile tunisienne avec son tissu associatif et ses groupes engagés sont de bons réservoirs de personnes bénévoles qui atteignent facilement cette notion de «flow» car tout simplement ils aiment la tâche qui leur incombe et sont heureux de la réaliser. Mais nous avons besoin de généraliser ce concept à nos 3 millions de travailleurs dans tous les secteurs confondus agriculture (16%), industrie (30%), service et fonction publique (60%) et intégrer nos 500.000 retraités (INS 2014) hautement qualifiés dans la boucle économique, ces derniers seront ravis et auront certainement le «flow» à la tâche.
En se rapprochant de cette notion lors de l’exercice de notre métier, nous optimisons nos heures de travail, nous améliorons le rendement général et évitons le bâclage et le travail mal fait. Pour relever les grands défis qui nous attendent nous n’avons pas le droit de travailler «à minima», nous devons redoubler d’efforts, se concentrer au maximum et se sublimer tel un soldat en guerre.
Les Dragons asiatiques sont un modèle à suivre
Des pays asiatiques modèle, les «Quatre Dragons», la Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taiwan, qui ont remonté la valeur du travail, sont passés de pays pauvres appartenant au tiers monde dans les années 60, à des pays développés avec une forte croissance industrielle, en moins de 30 ans. Singapour également, cet Etat cité de 714 km2, pauvre et rejeté par la fédération de Malaisie dans les années 60, est devenu l’un des géants financiers de la planète en misant sur l’éducation et l’excellence au travail.
Nous remarquons que la rigueur, la concentration et la discipline présentes dans la période post indépendance nous font défaut ces derniers temps. Le Tunisien doit se recentrer et se re-concentrer car l’important, c’est d’avoir un défi à accomplir et une tâche qui a du sens, relever la Tunisie de sa léthargie exige un degré extrême de rigueur.
Notre société actuelle se base sur l’éparpillement, la débrouillardise et la multiplication des tâches sans grande valeur ajoutée, à cause du chômage oui je le concède, mais aussi par l’installation d’une certaine facilité et une certaine paresse. Incitons alors notre société à prendre un chemin inverse : «Le travail» et «Au travail» l’histoire ne se rappellera que des peuples qui ont travaillé dur et ont accompli des prouesses.
* Responsable Unité de recherches santé et développement sociétal à l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites).
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