La Tunisie prend, actuellement, beaucoup de risque pour sauver le secteur touristique alors que l’agriculture est plus à même de sortir le pays de la crise.
Par Amine Ben Gamra *
Le secteur de tourisme est certes un gros employeur de main d’œuvre. Néanmoins, les statistiques de l’Etat montrent une baisse brutale des recettes en devises générées par les activités de l’hôtellerie et du voyage. Fin juillet 2020, les recettes touristiques ont chuté de 56%, ne dépassant pas le 1,2 milliard de dinars, contre 2,8 milliards de dinars, durant la même période de l’année dernière, selon les indicateurs monétaires et financiers publiés mercredi 30 septembre 2020 par la Banque centrale de Tunisie (BCT).
En 2008, le tourisme rapportait à la Tunisie 2 milliards de dollars. Mais depuis 2015, les transferts de la diaspora ont détrôné ceux de ce secteur en crise et qui a du mal à se réformer et à se diversifier.
Les prêts accrochés du secteur touristique grèvent les bilans des banques
À cela s’ajoute le grand nombre de prêts bancaires non performants accordés aux opérateurs de ce secteur et qui ont un impact négatif sur les bilans des banques, les empêchant de prêter aux jeunes entrepreneurs – mais le sujet est tabou à Tunis. Pourtant, le nettoyage du bilan des banques tunisiennes de ces prêts permettrait à celles-ci d’encourager des milliers de jeunes entrepreneurs souhaitant créer ou développer leur entreprise. Mais le manque d’audace et les pressions du puissant lobby hôtelier empêchent la mise en œuvre de nouvelles idées pouvant relancer l’économie.
Pire encore, la décision de rouvrir les frontières à partir du 27 juin dernier, officiellement pour sauver la haute saison touristique, met, aujourd’hui, la Tunisie face à d’énormes risques épidémiologiques et leurs conséquences économiques. En effet, la survenue d’une deuxième vague de Covid-19, probablement encore plus puissante que la première, est évoquée depuis plusieurs semaines. Et on commence même à en observer les prémices inquiétants.
Pendant de nombreuses années, l’attention de l’État était portée sur le tourisme aux dépens, notamment, de l’agriculture alors que ce secteur, qui emploie davantage de main d’œuvre et fait vivre beaucoup plus de familles, contribue infiniment plus au développement du pays que quelques millions de touristes qui achètent des séjours à des prix souvent bradés.
L’agriculture peut créer davantage de richesses et d’emplois
Il faut se rendre à l’évidence que la Tunisie prend actuellement beaucoup de risque pour tenter de sauver le secteur touristique, alors que l’agriculture peut contribuer à créer davantage de richesses et d’emplois et participer plus significativement aux efforts pour sortir le pas de la crise où il se morfond depuis 2011 et qui a été aggravée par pandémie de la Covid-19, laquelle, faut-il le rappeler, à eu un impact contrasté sur les différentes activités économiques. Car si elle a mis carrément à l’arrêt celles liées au voyage, au tourisme et aux loisirs, elle a plutôt impulsé celles liées à la production agricole et agroalimentaire.
Cette nouvelle réalité devrait donner à réfléchir aux architectes de notre modèle économique, lequel gagnerait à s’orienter davantage vers le secteur agroalimentaire. Il faut pour cela inaugurer une nouvelle ère de prise de décision rationnelle, qui tienne plus compte de l’intérêt général du pays que des intérêts particuliers des réseaux et des lobbys animés par une poignée de rentiers.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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