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Tunisie : une si difficile relance économique !

Samir Saïed avance les mêmes solutions préconisées depuis 10, 20 ou même 30 ans, mais quand va-t-on vraiment être capable de les mettre en œuvre ?

L’économie tunisienne est grippée et la crise où elle se morfond actuellement n’est pas due seulement aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et de la guerre russo-ukrainienne, comme ne cessent de le dire les responsables politiques, mais bien à des causes structurelles profondes et qui relèvent surtout de deux handicaps majeurs : l’essoufflement d’un modèle de développement qui a fait son temps et est devenu inadapté aux évolutions actuelles dans le monde et une gouvernance bureaucratique, tatillonne et paralysante pour l’initiative privée. Aussi, et sans un sérieux dégraissage du mammouth, la relance espérée sera-t-elle difficile à mettre en œuvre.

Par Imed Bahri

En plus de l’état calamiteux des finances publiques, qui ne permettent pas à l’Etat d’honorer tous ses engagements et de voler au secours des entreprises, le problème qui rend difficile cette relance économique espérée, c’est l’impression que donnent les membres du gouvernement et les hauts cadres de l’administration publique de faire du surplace et, au lieu de prendre des mesures concrètes et applicables immédiatement, les seules susceptibles de faire bouger les choses, ils se perdent souvent en conjectures, répétant à l’envi les mêmes diagnostics, faits depuis 10, 20 ou même 30 ans, et préconisant les mêmes solutions que tous leurs prédécesseurs ont déjà préconisées mais furent incapables de les mettre en œuvre. Par incompétence, sûrement, mais aussi et surtout par manque d’audace politique.

«Mesures urgentes» ou vœux pieux ?

Ces solutions qui ont prouvé leur efficacité sous d’autres cieux et que n’importe quel spécialiste en économie pourrait évoquer dans un débat télévisé, tiennent davantage, sous nos cieux, des vœux pieux, étant donné l’incapacité de l’administration publique à les implémenter réellement. Ne voilà-t-il pas que le ministre de l’Economie et du Plan vient de nous en rebattre les oreilles une nouvelle fois, en les qualifiant de «mesures urgentes» (sic!) pour «relancer l’économie nationale, regagner progressivement la confiance des acteurs économiques, et protéger le tissu institutionnel.» Tout un programme…

Ces mesures, a expliqué Samir Saïed, lors d’une conférence de presse tenue à Tunis, vendredi 1er avril 2022, «s’articulent autour de quatre axes principaux, notamment le renforcement de la liquidité, la facilitation de l’accès des entreprises au financement, la dynamisation des investissements et l’amélioration du cadre légal et réglementaire du climat des affaires, ainsi que la simplification des procédures de promotion des exportations».

Il s’agit de régulariser une partie des sommes dues par l’Etat aux entreprises, en donnant la priorité au secteur des travaux publics, de refinancer les petites et moyennes entreprises (PME) fragilisées par la crise sanitaire du Covid-19 et le conflit russo-ukrainien, et qui n’ont pas reçu le soutien nécessaire, et de rééchelonner les crédits des unités touristiques pour une période de 12 mois, a encore expliqué le ministre, ajoutant que des mesures exceptionnelles devraient également être prises, notamment l’accélération de la mise en œuvre des projets publics et des projets de production d’électricité à partir des énergies renouvelables, l’augmentation des investissements privés, l’amélioration de la desserte du port de Radès et le renforcement de l’innovation technologique par l’accompagnement et le développement des technopoles.

Le ministre a également mentionné, à titre de mesures exceptionnelles et urgentes, la prise en charge par l’Etat de 50% des échéances de l’assurance des exportations vers le marché de l’Afrique subsaharienne, à travers la Cotunace, le fonds de garantie des risques à l’exportation, en plus de la promotion du Made in Tunisia et la facilitation de l’octroi de la qualité d’opérateur économique agréé.

Rien de nouveau sous le soleil en somme. Rien que des redites…

Quand la parole tient lieu d’action

Ce sont là, certes, des «mesures urgentes» qui peuvent – théoriquement – relancer l’économie, mais, ne nous gargarisons pas de mots et ne nous berçons pas d’illusions : la situation actuelle des finances publiques permettra-t-elle de financer ne fut-ce qu’un petite partie de ces engagements?

La réponse, nous la connaissons tous, et nous savons aussi que le principal problème de la Tunisie, c’est que la parole y tient souvent lieu d’action et que l’administration publique, outre sa tatillonne et paralysante lenteur, n’aide pas beaucoup à impulser l’initiative privée, mais s’emploie souvent à l’empêcher en la noyant sous un déluge de procédures, de façon à se donner suffisamment de moyens de pression pour… négocier. Et on vous laissera le soin d’imaginer quoi au juste…

Alors, on peut toujours pérorer du haut des tribunes et même dire parfois des choses pertinentes, mais si on n’est pas capable d’implémenter les solutions que l’on préconise, on va continuer de ronronner, de tourner en rond, de faire des ronds dans l’eau et de s’enfoncer encore et encore dans la crise. Et c’est là un sport dans lequel nous excellons depuis la fumeuse révolution de 2011: tout le monde sait ce qu’il faut faire, mais personne n’est capable de le faire vraiment !

Non, messieurs, la Tunisie n’a pas besoin de carriéristes beaux parleurs, mais de vrais politiques, charismatiques, audacieux, efficaces et capables d’améliorer le quotidien de leurs concitoyens. Et cette race d’hommes et de femmes, censée s’épanouir avec la démocratie, est malheureusement devenue très rare aujourd’hui en Tunisie, où les opportunistes, les rêveurs et les populistes tiennent le haut du pavé.

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