Pourquoi les Tunisiens regrettent-ils l’ère Bourguiba-Ben Ali ?

Les Tunisiens appréhendent l’avenir avec beaucoup d’inquiétude et font face à l’inconnu voire au pire dans un monde confronté lui-même à d’innombrables défis. C’est pourquoi beaucoup d’entre eux ont parfois la nostalgie de l’ère Bourguiba-Ben Ali comparativement considérée comme un âge d’or.

Par Elyes Kasri *

La majorité des Tunisiens envisagent l’avenir avec appréhension et une inquiétude croissante.

Bien qu’il puisse jusqu’à un certain point se prévaloir d’un héritage désastreux, il n’en reste pas moins qu’avec son discours et ses projets politiques, Kaïs Saïed ne contribue pas à atténuer cette inquiétude lancinante exacerbée par une aggravation continue de la situation de la Tunisie et de ses citoyens dans tous les domaines avec des perspectives d’avenir peu rassurantes.

Le vrai âge d’or de la Tunisie moderne

La persistance de Kaïs Saïed à tout décider seul, en dépit de quelques concessions de pure forme, et les récentes révélations sur les intrigues de palais (l’auteur fait allusion aux enregistrements fuitées de Nadia Akacha, l’ancienne directrice de cabinet du président de la république, Ndlr), confirment la crainte de la majorité des Tunisiens de faire face à l’inconnu et peut-être même au pire dans un monde confronté lui-même à d’innombrables défis.

C’est ce qui explique qu’en dépit de ses imperfections, l’ère Bourguiba-Ben Ali, soit de 1956 à 2010, est désormais considérée par de nombreux Tunisiens et un large segment de la communauté internationale, après la dissipation de l’euphorie révolutionnaire, comme l’âge d’or de la Tunisie moderne.

Une régression tragique sur tous les plans

Les insuffisances existaient comme dans toute autre société. Toutefois, en dépit de toute la campagne de démonisation et assez souvent de falsification de l’histoire, la comparaison avec ce que subit la Tunisie depuis 2011 montre que notre pays a connu une régression tragique sur tous les plans, similaire au naufrage d’un vieux navire ballotté par les vents et les courants, sans équipage et sans port d’attache.

Les récentes révélations-fuites et les intrigues qu’elles dévoilent, avec un niveau décidément sordide, montrent que la Tunisie a atteint un dénuement tel que la réalité de la déchéance morale du pouvoir post-révolution dépasse toutes les fictions fabriquées au sujet de Bourguiba et Ben Ali.

Comme quoi, s’il est communément admis que l’on n’arrête pas le progrès, la Tunisie le vit depuis 2011 à reculons, dans une marche-arrière déterminée que rien ne semble pouvoir arrêter.

* Ancien ambassadeur de Tunisie au Japon et en Allemagne.

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