Tunisie : le cadeau de Abir Moussi à Kaïs Saïed

Dans son opposition chaotique au président Kaïs Saïed, Abir Moussi fait feu de tout bois, et multiplie les erreurs d’appréciation. Son appel au boycottage du référendum du 25 juillet sur la nouvelle constitution est, en effet, un véritable cadeau offert à son adversaire du moment, qui voit ainsi un boulevard s’ouvrir devant lui pour obtenir le triomphe du oui dont il a besoin pour faire passer son projet de réforme politique comme une lettre à la poste.

Par Imed Bahri

La présidente du Parti destourien libre (PDL)i a déclaré, lors d’une conférence de presse lundi 27 juin 2022 pour présenter les recommandations de la réunion du comité central de son parti, tenue en fin de semaine dernière, que l’organisation du référendum sur la nouvelle constitution est «nulle et non avenue», ajoutant que le décret présidentiel n°117 ne permet pas au président de la république de présenter une nouvelle constitution aux Tunisiens.

Mme Moussi sur ses grands chevaux

Le PDL «ne reconnaîtra pas ce référendum», a prévenu Mme Moussi, ajoutant que le décret présidentiel n°117 ne permet pas au président de la république de présenter une nouvelle constitution aux Tunisiens.

Soit, mais cet appel au boycottage sera-t-il suivi par les militants du PDL et par combien d’entre eux? Et quand bien même il sera suivi, empêcherait-il vraiment les partisans de M. Saïed de voter massivement pour son projet de nouvelle constitution ?

Qu’on nous permette d’en douter, et pour cause : les partisans de M. Saïed appartiennent à tous les partis, y compris les deux principaux pôles de l’opposition : le PDL et Ennahdha, pour des raisons diamétralement opposées (les uns veulent l’utiliser pour faire barrage à Rached Ghannouchi et les autres à Abir Moussi), et rien ne nous autorise à penser qu’ils vont être disciplinés pour voter conformément aux instructions de leurs partis respectifs. Ils pourraient être d’accord avec les dirigeants de leurs partis sur le plan des principes, mais en désaccord avec eux sur celui la méthode suivie.

Dans ce cas, appeler au boycottage revient à démobiliser les militants disciplinés – qui sont les moins nombreux – et à mobiliser les autres en faveur de celui que l’on cherche à mettre en difficulté, M. Saïed en l’occurrence.

Une position hasardeuse et risquée

Par ailleurs, et si vraiment elle voudrait prouver sa capacité de mobilisation populaire, et, dans ce cas, sa «capacité de nuisance», Mme Moussi aurait mieux fait d’appeler à voter non et de peser ainsi réellement sur le résultat final du référendum.

La présidente du PDL aurait aussi dû attendre la publication du texte du projet de la nouvelle constitution sur le Journal officiel de la république tunisienne (Jort), fixée pour le 30 juin, pour y puiser les éléments nécessaires à son plaidoyer politique contre le «projet de Kaïs Saïed» dans son ensemble. Sa position aurait été, en tout cas, plus crédible et son opposition fondée sur un argumentaire plus solide.

Mais elle a opté pour l’exercice qu’elle affectionne le plus et qui semble convenir à sa nature passionnée, impulsive et acariâtre, celui de l’opposition tous azimuts, emportée et tonitruante. Cela peut continuer à plaire à une poignée de militants acquis d’avance et qui sont prêts à suivre les yeux fermés la direction qu’elle leur indiquera, mais il y a les autres, tous les autres qui sont convaincus que seul Kaïs Saïed a aujourd’hui les moyens d’empêcher le retour d’Ennahdha au pouvoir. Ces derniers, les moins visibles mais les plus nombreux, tout en étant des destouriens pur jus et des «fans» de Mme Moussi, préfèrerait peut-être donner au président en exercice l’appui dont il a besoin pour poursuivre l’assainissement de la scène nationale et, surtout, éviter d’apporter de l’eau au moulin de ses opposants, les islamistes en l’occurrence.

Mme Moussi aurait dû, à notre avis, prendre une position moins hasardeuse et moins risquée, et qui lui éviterait surtout de diviser les siens, de maintenir l’unité de son parti et de viser le rendez-vous politique le plus déterminant, à savoir les législatives anticipées du 17 décembre prochain, qui lui permettraient de se replacer sur la scène sur une base plus solide, celle d’une légitimité populaire scellée par les urnes.

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