Le poème du dimanche : «Ils cassent le monde» de Boris Vian

Né en 1920, à ville d’Avray (France), Boris Vian, est poète, parolier, romancier, critique, musicien et chanteur, auteur de théâtre. Un talent fulgurant et foisonnant d’audacieuse inventivité.

Connu surtout pour son poème «Le déserteur», son œuvre, qui touche presque tous les genres de la création. C’est un vrai défi, audacieux, sombre, aux tons libres, jusqu’à la provocation qui a emmené l’auteur vers des ennuis avec la justice.

L’écriture de Vian est un riche laboratoire linguistique avec innovations et permissions.

Ingénieur centralien de formation, l’écrivain est débordant d’inventivité. Il décède en 1959 à Paris.

«Cantilènes en gelée», textes et chansons, 1970.

A la mémoire de Mohamed Rahmouni, de l’Université de Tunis, qui le premier m’avait parlé de Boris Vian, il y a bien longtemps.

Tahar Bekri

Ils cassent le monde
En petits morceaux
A coups de marteau
Mais ça m’est égal
Ca m’est bien égal
Il en reste pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j’aime
Une plume bleue
Un chemin de sable

Un oiseau peureux
Il suffit que j’aime
Un brin d’herbe mince
Une goutte de rosée
Un grillon de bois
Ils peuvent casser le monde
En petits morceaux
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
J’aurai toujours un peu d’air
Un petit filet de vie
Dans l’obel un peu de lumière
Et le vent dans les orties
S’ils me mettent en prison
Il en reste assez pour moi
Il suffit que j’aime
Cette pierre corrodée
Ces crochets de fer
Où s’attarde un peu de sang
Je l’aime, je l’aime
La planche usée de mon lit
La paillasse et le châlit
La poussière de soleil
J’aime le judas qui s’ouvre
Les hommes qui sont entrés
Qui avancent, qui m’emmènent
Retrouver la vie du monde

Et retrouver la couleur
J’aime ces longs montants
Ce couteau triangulaire
Ces messieurs vêtus de noir
C’est ma fête et je suis fier
Je l’aime, je l’aime
Ce panier rempli de son
Où je vais poser ma tête
Oh, je l’aime pour de bon
Il suffit que j’aime
Un petit brin d’herbe bleue
Une goutte de rosée
Un amour d’oiseau peureux
Ils cassent le monde
Avec leurs marteaux pesants
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez, mon cœur.

Je voudrais pas crever, Ed. Jean Jacques Pauvert, 1962 ; 10/18, 1972.

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