Si les négociations d’un accord entre la Tunisie et le FMI sur un nouveau prêt sont bien avancées, on ne peut pas dire que ses conditions ont suffisamment mûri pour une annonce imminente. Et si les dirigeants de l’organisme financier international semblent bien disposés à l’égard de notre pays et du plan de réforme présenté par les autorités, ils semblent encore perplexes et hésiter à donner leur accord, en attendant d’y voir plus clair dans la situation politique intérieure et dans les dispositions de la communauté internationale à l’égard de notre pays. Et cela se lit clairement entre les lignes…
Par Imed Bahri (avec Tap)
«Les discussions sur un nouvel accord au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) destiné à soutenir les politiques et les réformes économiques des autorités tunisiennes ont été fructueuses», a indiqué le Fonds Monétaire International (FMI). «Ces discussions se poursuivront au cours des prochaines semaines en vue de parvenir à un accord au niveau des services», a ajouté le FMI dans un communiqué publié mardi 19 juillet 2022, à l’issue d’une mission qui s’était rendue en Tunisie du 4 au 18 juillet pour discuter d’un éventuel soutien financier à la politique économique et au programme de réforme des autorités.
Traduire : l’accord est loin encore d’être acquis et ses conditions finales restent à réunir.
Au-delà de la langue de bois habituelle, on peut penser que l’organisation financière internationale hésite encore à s’engager fermement dans l’acceptation d’un accord dont les conditions ne sont pas encore toutes réunies et qu’elle souhaite temporiser pour voir l’évolution de la situation politique à la lumière des résultats du référendum du 25 juillet courant sur la nouvelle constitution, d’autant plus que les freins à la mise en œuvre desdites réformes sont de nature essentiellement politique.
La suite du communiqué, qui insiste sur les pas qui restent encore à faire par la Tunisie sur la voie de l’implémentation des réformes le laisse penser, ces réformes restant pour le moment de simples vœux pieux et, au mieux, des axes dans un exposé powerpoint.
En attendant l’accord des grands contributeurs
Ainsi, tout en indiquant que «des progrès considérables sont faits par les autorités concernant leurs objectifs économiques et une bonne coordination se dégage entre les ministères et les organismes autour d’une vision commune qui est saine», les services du FMI ont indiqué qu’«il convient à présent d’accélérer la mise en œuvre de cet agenda», tout en rappelant que «tout accord final sur un programme sera soumis à l’approbation du conseil d’administration du FMI», une manière de rappeler aussi, au passage, que l’accord des grands contributeurs au fonds, Etats-Unis et Union européenne en tête, est requis.
«L’économie tunisienne pâtit des conséquences économiques de la guerre en Ukraine, qui a constitué un grand choc exogène venant s’ajouter à la pandémie de Covid-19. Les pressions engendrées accroissent les faiblesses structurelles sous-jacentes de l’économie. Les perspectives à court terme s’annoncent difficiles étant donné que la croissance va probablement se contracter tandis que les prix internationaux plus élevés de l’énergie et des produits alimentaires viendront ajouter à une inflation déjà très forte et accroître les déficits budgétaires et extérieurs, ainsi que la dette. Des mesures urgentes sont requises pour réduire ces déséquilibres de manière durable du point de vue social», a encore précisé la mission du FMI.
«Les services du FMI soutiennent les priorités du programme de politiques et de réformes économiques des autorités. Il est important de faire fond sur les progrès enregistrés récemment pour améliorer l’équité fiscale, élargir la portée des filets de protection sociale et accroître les transferts monétaires, redresser les entreprises publiques déficitaires et contenir les dépenses publiques courantes», insiste le communiqué.
L’accent a également été mis sur la nécessité de «freiner l’augmentation de la masse salariale de la fonction publique au cours des prochaines années et de supprimer progressivement les subventions à l’énergie par des hausses régulières des prix en vue d’aligner les prix nationaux sur les prix mondiaux du pétrole et du gaz naturel.»
La mission du FMI a indiqué qu’il est tout aussi important de renforcer l’équité fiscale en ramenant l’économie informelle dans le système fiscal et en assurant de plus grandes contributions de la part des professions libérales et d’intensifier les efforts en cours visant à renforcer les filets de protection sociale et à élargir leur portée afin de compenser les effets de la hausse des prix des produits administrés au moyen de transferts monétaires en faveur des ménages vulnérables et aussi d’allocations pour la classe moyenne. Et d’ajouter que la Banque centrale de Tunisie (BCT) a commencé à resserrer la politique monétaire pour protéger le pouvoir d’achat des Tunisiens face à une inflation forte et qui s’accélère. «Nous sommes d’avis, comme les autorités, que cette approche devrait se poursuivre», a insisté la mission, donnant ainsi un satisfécit à une politique monétaire pourtant très critiquée sur le plan intérieur, en ce qu’elle pénalise l’investissement et la création de richesses et d’emplois.
La nécessaire adhésion de la société civile
«Nous nous félicitons de l’ouverture du gouvernement et des partenaires sociaux à mener un dialogue constructif sur la mise en œuvre d’un programme économique soucieux de la dimension sociale et propice à la croissance. Nous espérons que les partenaires sociaux et les autres parties prenantes importantes pourront s’unir dans cette entreprise», a souligné le FMI, qui n’ignore pas l’opposition catégorique de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) aux réformes structurelles préconisées par l’Etat.
«Face à l’urgence de la situation, une vaste adhésion sera essentielle pour réduire les déséquilibres macroéconomiques, asseoir la stabilité et soutenir la croissance créatrice d’emplois, qui est nécessaire pour réaliser le potentiel économique considérable du pays au profit de tous les Tunisiens», a insisté la même source, qui a indiqué que «la communauté internationale aura à nouveau un grand rôle à jouer s’agissant de soutenir le programme des autorités en mettant rapidement des fonds à disposition. Le succès des efforts des autorités en matière de politique économique et de réforme en dépendra».
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