Tunisie : «Le décret n°54 est une honte pour Kaïs Saïed», affirme Abir Moussi

C’est l’une des voix les plus élevées de l’opposition tunisienne et sa formation politique, le Parti destourien libre (PDL), est donnée gagnante des élections législatives par tous les sondages d’opinion depuis plus d’un an. Abir Moussi a pourtant annoncé que ses troupes ne participeront pas aux législatives du 17 décembre 2022, et elle s’en explique …

Par Imed Bahri

D’ailleurs le comité de défense du PDL a déposé un recours auprès du tribunal administratif pour l’annulation du décret n° 55 du 15 septembre 2022 portant sur les amendements de la loi électorale pour «abus de pouvoir», le texte ayant été promulgué par décret présidentiel sans aucune consultation d’aucune partie et qui vide l’opération électorale de tout contenu démocratique pluraliste, car il est plutôt destiné à marginaliser les partis et à les exclure de la vie politique.

Intervenant mercredi 21 septembre, lors d’une conférence de presse, Mme Moussi a expliqué que son parti a introduit une demande de suspension de l’exécution du décret-loi en question jusqu’à ce que le tribunal administratif se prononce sur son recours en annulation, ainsi que sur un deuxième recours contestant le calendrier électoral établi par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). Elle a d’ailleurs exprimé sa surprise face aux pratiques du président de la commission électorale, Farouk Bouasker, et de son adjoint, Maher Jedidi.

Un «crime de déni de justice»

Ladite commission, qu’elle a qualifiée d’«inconstitutionnelle et illégale», n’est pas conforme au texte de la constitution établi par le président de la république, lui-même, a-t-elle souligné, affirmant que M. Saïed, qui cumule tous les pouvoirs, «continue de violer la loi, d’autant plus que, selon la constitution, la commission est composée de 9 membres, or elle est actuellement composée de 7 membres seulement, après la démission d’un membre et la mise à l’écart d’un autre. Elle doit donc pourvoir les deux postes vacants avant la date des élections», a-t-elle insisté.

La présidente du PDL ne se fait cependant pas d’illusion sur l’issue de ses nouveaux recours devant cette instance judiciaire, qui n’avait donné suite à aucun de ses précédents recours, notamment celui contre le référendum du 25 juillet dernier portant sur la nouvelle constitution.

«Ce même recours connaîtra probablement le même sort que les précédents», a-t-elle expliqué, ajoutant qu’il s’agit là d’un «crime de déni de justice» et que son parti n’entend pas se laisser faire et baisser les bras.

Cette action en justice est une étape cruciale dans un processus d’internationalisation du dossier, a expliqué Mme Moussi, car il est important, selon elle, d’épuiser les recours devant la justice tunisienne avant de porter l’affaire devant les tribunaux internationaux, et principalement la Cour pénale internationale (CPI). Les juges administratifs seront tenus responsables devant le peuple s’ils n’empêchent pas la tenue des élections «désastreuses», a encore averti Mme Moussi, en mettant en garde contre les retombées de l’application du décret-loi, qui va «provoquer des tensions et les conflits entre les délégations (sous-préfectures) et les régions, outre sa violation flagrante des droits des femmes et le recul qu’il constitue par rapport aux acquis garantis par la loi.»

«Mise à mort des droits acquis»

Dans ce cadre le PDL organisera une «journée de colère», le 1er octobre, devant le ministère de la Femme et de la Famille en vue de protester contre le silence du département sur l’adoption du décret- loi qui, a-t-elle dit, «est en flagrante contradiction» avec le droit à une représentation égale au parlement, comme ce fut le cas avec l’ancienne loi électorale établissant la parité entre hommes et femmes sur les listes électorales, qui a permis l’accès de beaucoup de femmes à la représentation nationale.

C’est l’une des raisons pour lesquelles le PDL «ne reconnaît pas ce qui aura lieu le 17 décembre 2022 comme des élections, ni ne reconnaît toutes les institutions qui en résulteront».

Qualifiant les législatives du 17 décembre de «crime d’État», de «violation de la volonté du peuple tunisien» et de «mise à mort des droits acquis», elle a estimé que ce rendez-vous est dénué de tous les ingrédients d’une élection respectueuse des lois, et il s’agit simplement d’une «tentative pour couvrir un processus de prise de contrôle des institutions de l’État».

Evoquant le décret n° 54 sur la lutte contre les délits liés aux systèmes d’information et de communication, Mme Moussi a indiqué qu’il est «une honte pour Kaïs Saïed» qui cherche, avec ce texte, à régler ses comptes avec ses adversaires et à faire taire toutes voix discordantes. Selon elle, ce texte constitue une atteinte flagrante à la liberté d’expression et vise à museler les médias.

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