Tunisie : Seïfeddine Erraïes, le jihadiste  que j’ai croisé

Mandat de dépôt contre Seïfeddine Erraïes dans le cadre de l’affaire des réseaux d’envoi des Tunisiens pour le jihad dans les zones de conflits. Franchement, si ce type-là se tire de cette affaire, nous devrons définitivement acquérir la conviction que nos terroristes ne payeront jamais pour ce qu’ils ont fait. (Illustration: Seïfeddine Erraïes avant et après: les métamorphoses d’un jihadiste).

Par Mohamed Sadok Lejri *

Cet homme, ancien porte-parole de Ansar Charia, a joué un rôle très important dans la profusion des tentes de prédication mises en place par cette organisation terroriste et dans l’endoctrinement des jeunes des quartiers populaires de Tunis, qu’il embrigadait à tour de bras.

J’ai personnellement assisté un jour à l’un de ses discours prononcés lors d’une assemblée publique tenue à Hay Ettadhamen, à la lisière ouest de Tunis, et plus précisément dans un terrain de foot laissé à l’abandon et aménagé à l’occasion de ce sinistre événement.

Délinquance, trafic de stupéfiants et jihad

Le terrain en question se trouve dans un quartier sensible d’Ettadhamen où règne la délinquance, le trafic de stupéfiants et qui s’appelle Houmet El Jabbena.

Seïfeddine Erraïes n’habitait pas ce secteur; il venait de Jebel Lahmar si ma mémoire ne me trahit pas, mais les jeunes de Hay Ettadhamen et des quartiers environnants (El-Joumhouriya, Douar Hicher, El-Intilaka, M’nihla, etc.) étaient fascinés par ce jeune prédicateur et buvaient ses paroles, alors qu’il était animé d’une haine implacable et prônait ouvertement le jihad armé.

Seïfeddine Erraïs et le salafisme jihadiste d’une façon générale suscitaient en ces jeunes un sentiment d’admiration mêlé de crainte.    

En effet, lorsque j’ai voulu en savoir davantage sur lui et sur les salafistes qui lui servaient de compagnons et qui ne le quittaient presque jamais, les habitants de ces quartiers m’ont fait comprendre que j’étais en train de jouer avec le feu; je me suis buté à une sorte d’omerta.

Il serait utile de mentionner que tous les quartiers susnommés, a fortiori Hay Ettadhamen, étaient quadrillés par le parti Ennahdha, au pouvoir en ces années 2012-2014, et, dans une mesure beaucoup moins importante, par Hizb Ettahrir.

Ennahdha laissait faire et veillait au grain  

Par conséquent, à l’époque, rien ne se faisait dans ces quartiers populaires de Tunis-Ouest sans l’approbation du parti islamiste tunisien. Celui qui voulait organiser quelque chose à Ettadhamen devait prévenir le bureau d’Ennahdha avant de demander quoi que ce soit à la municipalité et aux fonctionnaires qui relèvent du ministère de l’Intérieur.

Maintenant, quand je vois les leaders d’Ennahdha jouer aux vierges effarouchées et Seïfeddine Makhlouf en train de magnifier Seïfeddine Erraïes, arguant qu’il s’apprêtait à soutenir sa thèse de doctorat… je ris doucement et me pose des questions sur l’impéritie de notre système éducatif.

La prochaine fois, je vous parlerai d’un salafiste jihadiste très dangereux, un type que beaucoup de Tunisiens connaissent, qui a à peu près le même âge que Seïfeddine Erraïes, qui mène un train de vie des plus fastueux dans un pays étranger et qui s’est fait des ouilles en or grâce aux contingents de jihadistes (hommes et femmes) qu’il expédiait en Syrie.

*Universitaire.

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