Tunisie : grave cafouillage à la tête de l’Etat

Le président Kaïs Saïed est en train de se mélanger les pinceaux et de se prendre les pieds dans les filets qu’il a lui-même posés pour, croyait-il, empêcher les partis de faire élire des candidats dans la prochaine assemblée et y constituer des blocs parlementaires. Ce n’est pas seulement inutile et pitoyable, c’est démagogiquement dramatique pour la Tunisie, qui se couvre ainsi de ridicule.

Par Imed Bahri

Bassem Maatar a affirmé que la modification de la loi électorale au cours de l’année électorale viole les normes internationales reconnues dans ce domaine.

Le président de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (Atide) commentait ainsi les déclarations du président de la république Kaïs Saïed, hier, vendredi 7 octobre 2022, lors de sa rencontre avec la Première ministre Najla Bouden, lorsqu’il lui a fait part de son intention de modifier le décret relatif à la loi électorale, promulgué le 15 septembre dernier. L’encre du texte n’a pas encore séché qu’il veut à nouveau le tripatouiller…

Le président se déjuge mais poursuit son cavalier seul

Selon le communiqué de la présidence de la république, l’audience d’hier au palais de Carthage «a traité de la question de la manipulation des parrainages pour élire les membres de l’Assemblée des représentants du peuple, et le président de la république a souligné la nécessité d’appliquer la loi à tous sur un pied d’égalité, de mettre fin à ce phénomène lié à la corruption de l’argent et d’amender le décret relatif aux élections, surtout après qu’il a été constaté qu’un certain nombre de membres des conseils locaux ne remplissaient pas le rôle qui leur était assigné par la loi.»

«Les parrainages ont alimenté un marché où la dignité s’achète et se vend», admet le président de la république, mais il refuse de faire marche-arrière comme le lui demande la société civile dans son écrasante majorité

«Le président de la république a souligné que si la législation actuelle n’atteint pas ses objectifs, alors le devoir national sacré exige de la modifier pour enrayer ce phénomène honteux, d’autant plus que ceux qui ont été arrêtés et traduits en justice, leur objectif, comme en témoignent les enquêtes, c’est d’introduire la confusion parmi les citoyens et de semer le chaos par peur de l’expression de la vraie volonté populaire, laquelle se dégagera des urnes le 17 décembre», a ajouté ledit communiqué, en sacrifiant ainsi à la lubie présidentielle du complot ourdi contre sa personne.

Réagissant à ces déclarations, Maatar a fermement critiqué l’intention du président de modifier le décret n° 55 modifiant la loi électorale, alors que le processus électoral a déjà été lancé et qu’une pareille révision porterait atteinte aux principes d’intégrité, de transparence et de démocratie du processus électoral.

Un président qui n’en fait qu’à sa tête

Maatar a aussi déclaré que le président de la république «a choisi dès le début une voie unilatérale et non participative, dont nous voyons maintenant les conséquences», considérant que les justifications avancées pour la révision de la loi électorale à deux mois des élections législatives, fixées pour le 17 décembre prochain, ne sont nullement crédibles.

La révision projetée du décret relatif à la loi électorale viserait à exclure du droit à la candidature pour les législatives une autre catégorie de Tunisiens, à savoir les membres des conseils municipaux, a précisé Maatar, ajoutant que le président pourrait aussi profiter de l’occasion pour réviser les conditions des parrainages des candidats, et notamment en réduisant le nombre requis, qui est de 400.

Quoi qu’il en soit, tout ce remue-ménage traduit un grave cafouillage au niveau des plus hautes sphères de l’Etat, où l’improvisation est en train de provoquer des situations grotesques, improbables et ingérables qui nuisent gravement à l’image même du pays et hypothèquent l’avenir de sa construction démocratique, à cause d’un président de la république qui méprise tout le monde et n’en fait qu’à sa tête, sans prouver qu’il maîtrise réellement la situation dans le pays.

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