Les négociations en cours entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) – pour un nouveau prêt de 1,9 milliard de dollars sur 4 ans – diffèrent des toutes celles qui les ont précédées, non par les conditions exigées par le bailleur de fonds, mais par l’ambiguïté et le manque de transparence de la part des autorités tunisiennes.
C’est ce qu’a déclaré Karim Trabelsi, expert économique à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), en marge d’une conférence organisée par l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE), mercredi 14 décembre 2022, consacrée aux négociations avec le FMI.
Commentant de récentes déclarations du gouverneur de la Banque centrale, Marouan Abassi, sur la nécessité d’un consensus interne entre l’UGTT, l’organisation patronale et le gouvernement afin d’obtenir un prêt du FMI, Karim Trabelsi a déclaré que l’affirmation selon laquelle l’absence de ce consensus pourrait gâcher l’occasion d’obtenir ledit prêt est une exagération, car la réunion du conseil d’administration du FMI censée donner son accord final est une formalité, étant donné que le groupe d’experts de l’institution financière a accepté d’accorder ledit prêt à la Tunisie.
L’expert de l’UGTT a cependant admis que l’existence d’un consensus sur le programme des réformes entre les partenaires sociaux renforcera la position de la Tunisie dans les négociations avec le bailleur de fonds international.
Selon Nada Triki, coordonnatrice de projet au sein de l’OTE, le gouvernement, qu’il s’agisse du précédent ou de l’actuel, a adopté, depuis la reprise des négociations avec le FMI, le 26 février 2021, trois stratégies : un, mettre en œuvre une partie des réformes convenues avec le Fonds; deux, parler aux pays qui peuvent influer sur les décisions du Fonds pour le convaincre de l’utilité de l’octroi du prêt à la Tunisie; trois, adopter un plan de communication pour faire accréditer l’idée que les réformes sont tuniso-tunisiennes et non pas imposées de l’extérieur.
Nada Triki a également souligné que le déroulement des négociations s’est caractérisé par un manque de transparence, en particulier sur les détails de la mise en œuvre des réformes et le niveau d’avancement des discussions. Elle a aussi souligné que la Tunisie est très dépendante des dettes multilatérales et que les parties sociales ont une faible capacité à demander des comptes aux responsables sur le déroulement des négociations, la nature des réformes envisagées et de leurs impacts sur les citoyens.
Pour sa part, Yahya Ayadi, de l’Organisation Al-Bawsala, a souligné que la dette extérieur n’est pas un problème en soi, surtout si elle permet d’atteindre de bons taux de productivité et de croissance, ajoutant que les effets négatifs de la dette extérieure sont la réduction des dépenses dans les services publics, en particulier la santé, l’éducation et le transport, qui se sont beaucoup détériorés aujourd’hui en Tunisie.
Yahya Ayadi a proposé un certain nombre de réformes fiscales urgentes, notamment une révision du barème fiscal voire un retour à celui de 1986, en plus de la mise en place d’un impôt sur les grandes fortunes, qui fournira des revenus à l’État pour couvrir ses dépenses sociales et améliorer la rentabilité des services publics.
Ayadi a aussi mis en garde contre une augmentation du service de la dette, soulignant que son volume dépasse désormais le budget alloué à tous les ministères, selon ses termes.
Il est à noter que le FMI a retiré de son ordre du jour, publié hier sur son site officiel, l’examen du dossier de l’accord de prêt à la Tunisie, qui était prévu pour le lundi 19 décembre.
I. B.
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