La liste des médicaments introuvables dans les pharmacies en Tunisie continue de s’allonger, au grand dam des citoyens, qui doivent importer ceux dont ils ont besoin avec leurs propres moyens, souvent compliqués.
Par Imed Bahri
Cette situation dure depuis quelques années et, face à l’impuissance des autorités publiques à trouver une solution à ce problème, les professionnels continuent de lancer des cris d’alarme, en vain.
Par ailleurs, les difficultés financières de l’Etat, qui doit faire face à de nombreuses urgences à la fois, alors que ses réserves en devises se rétrécissent comme peau de chagrin, ajoutent aux inquiétudes des patients et des professionnels de la santé, qui appréhendent l’avenir avec anxiété. Le départ de plusieurs laboratoires étrangers, que les dettes non recouvrées auprès de l’Etat tunisien n’encouragent pas à rester, ajoute à la perplexité générale.
Pour ne rien arranger, la guerre des listes des médicaments manquant dans les pharmacies divulguées par les professionnels du secteur aggrave la situation, d’autant qu’elle est déjà assez problématique pour que cette surenchère des chiffres n’y rajoute pas une couche.
La guerre des chiffres
Selon le président de l’Association des pharmaciens, Nadem Chakri, qui intervenait ce jeudi 22 décembre 2022 dans l’émission ‘‘Shems Maak’’ sur Shems FM, il y aurait bien 690 types de médicaments manquants en Tunisie, même si les listes souvent publiées par son association sont souvent remises en question par les autorités, qui cherchent à relativiser la gravité de la situation et à la dédramatiser, qui plus est, dans un contexte de crise généralisée où tout commence à manquer (lait, sucre, café, etc.) et où la chronique des pénuries occupe le débat national.
«Toutes les listes des médicaments manquants que nous avions publiées au cours des années précédentes ont été remises en question par les ministres de la santé successifs, mais aucun des responsables qui les ont remis en question n’ont ru devoir mentionner, à l’appui de leur démenti, les noms des médicaments qui y ont été inclus tout en étant disponibles sur le marché», a expliqué M. Chakri.
Le président de l’Association des pharmaciens a reconnu que la liste change sans cesse parce qu’elle est mise à jour tous les 3 ou 4 jours, tout en soulignant que leur rôle se limite à mentionner les médicaments manquants au moment de la publication de la liste pour éclairer l’opinion publique et aider les patients à prendre les mesures nécessaires pour éviter un arrêt brutal des soins pouvant avoir un impact négatif sur leur santé. «Nous n’avons aucune responsabilité dans cette situation et la réforme du secteur est du ressort de l’administration publique, qui est la principale responsable», a dit M. Chakri.
Les réserves en devises fondent comme neige au soleil
Il faut cependant noter, à ce propos, que le président du Syndicat des pharmaciens d’officine de Tunisie (Spot), Naoufel Amira, a récemment affirmé que le nombre de 690 est exagéré et que les médicaments manquants ne dépassent pas 350 types.
Quoi qu’il en soit, parmi les 350 médicaments manquants dénombrés par le Spot, beaucoup sont vitaux et en majorité importés de l’étranger, l’industrie pharmaceutique tunisienne n’assurant que 40% des besoins du marché national, et 0% des nouvelles molécules que les médecins aimeraient bien prescrire à leurs patients.
Si ces médicaments vitaux commencent à manquer sur le marché, quel que soit leur nombre, cela est un indice inquiétant et annonce des lendemains difficiles. Surtout que les réserves en devises de l’Etat sont en train de fondre et ne dépassent guère aujourd’hui l’équivalent de 95 jours d’importation, s’approchant ainsi dangereusement du seuil de rupture, alors que le gouvernement fait la sourde oreille et ne donne pas l’impression de chercher vraiment des solutions pour parer aux urgences, sa seule urgence étant, comme toujours, le paiement des salaires d’une fonction publique pléthorique et inefficace.
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