Pelé n’est plus : que sera le football sans ses critiques avisées ?  

La star planétaire du football est décédée en toute fin d’année 2022 à l’âge de 82 ans. Le monde est en deuil tant l’apport du Brésilien Edson Arantes Do Nascimento dit Pelé a été vital au sport. Une fois l’émotion passée, quelle attitude adopter ?

Par Jean-Guillaume Lozato *

Le premier sentiment à éprouver est l’admiration devant les prouesses techniques d’un artiste sportif. Ses exploits aux quatre coins du globe ravivent des souvenirs émerveillés pour ceux qui ont regardé les coupes du monde 1958,1962, 1966 et 1970. Ce représentant de l’art footballistique a brillé et contribué à faire briller ses partenaires.

Pelé était l’archétype du joueur complet : extrêmement habile donc doté d’une technique incroyablement fine au service d’une exceptionnelle vision du jeu; résistant physiquement; petit mais capable d’une détente prodigieuse à l’image de son but marqué de la tête en finale de Mexico 70; esprit d’équipe donc voué à la collectivité.

Ce plaisir du beau spectacle a renforcé la quête de victoires méritées avec résultat et manière. Même la présente sélection brésilienne a du mal à concilier les deux, comme si elle s’était préparée à la disparition de son mentor intemporel. Et l’actuelle vedette Neymar officie au PSG. Paris connue comme étant la ville lumière mais qui au final ne projette qu’un éclairage partiel menant jusqu’au partial. Pelé, lui, a su attirer et créer à la fois cette luminosité ambiante qui a animé la circulation de balle sur un terrain au moyen d’un retourné acrobatique ou d’une passe toute simple mais efficace.

La reconnaissance

Cet esthète du ballon rond nous a gratifiés de spectacles inoubliables et nous a dispensé quelques leçons de vrai esprit sportif. Le remercier serait la moindre des choses. Plus qu’en paroles, par la prise en considération puis par les actes.

Une Coupe du Monde vient de s’achever, d’un niveau certes meilleur que la précédente, mais le chantier est encore en cours à en juger les dysfonctionnements arbitraux (par exemple les deux penalties «oubliés» en faveur du Maroc en demi-finale face à la France) ou les productions irrégulières de certains effectifs capables de gagner sur un exploit comme de perdre (le Brésil, l’Argentine, la France, l’Allemagne, la Croatie, la Tunisie, le Cameroun ou l’Arabie Saoudite).

Au-delà des commémorations, le plus bel hommage que l’on puisse rendre au meilleur footballeur de tous les temps est d’œuvrer au prolongement d’une mentalité compétitive mais bienveillante, c’est-à-dire chercher à se surpasser tout en obéissant à certains codes de bonne conduite comme le respect de l’adversaire autant que de soi-même. C’est tout de suite qu’il faut préparer le futur.

Comment sera l’après-Pelé ?

Difficile de prédire l’avenir du sport le plus populaire sur Terre. La vie et les épreuves continueront même en l’absence de son plus haut représentant de talent. Le devoir de mémoire nous oblige à prôner le beau jeu. La difficulté de cette tâche sera renforcée par l’omniprésence de l’obligation de résultats tout en se soumettant aux sponsors. Puis par le ralentissement de créativité du bagage technique des joueurs, au profit de la préparation physique et du conditionnement tactique pas toujours judicieux d’ailleurs puisque cultivant le paradoxe de ne pas se baser sur la spontanéité tout en dispensant une vision court-termiste. Cela s’appelle de l’attentisme. Une stratégie pouvant tuer le jeu romantique apprécié par un Pelé dorénavant absent pour le défendre. Sans compter une presse spécialisée de plus en plus indigente et centralisée, voire ethno-centralisée. Un ethnocentrisme qui peut être placé sur la voie de la contestation au vu de ce qui s’est passé à Qatar 2022 avec les exploits marocains. Une épopée dont il est impératif de se servir pour préserver un principe si cher au défunt champion brésilien : l’objectivité.

Cet état d’esprit a permis à Pelé d’exprimer aussi bien l’accord que le désaccord quant au jeu de la Seleçao, de qualifier l’équipe de Tunisie comme la plus faible de la compétition à l’occasion du Mondial 2002 ou encore de prévoir l’ascension de l’équipe de France en 1998.

Les prochains championnats du monde de football se dérouleront sur le continent de Pelé par l’organisation conjointe du triptyque Canada/Etats-Unis/Mexique. Les États-Unis, le Brésil y avait conquis son quatrième titre, le Mexique son troisième pendant ce qui a été défini par beaucoup de spécialistes comme la plus belle édition mondiale. L’opportunité de dédier le trophée pour Neymar, Richarlison et leurs camarades à l’idole incontestée.

Qui défendra désormais le beau jeu ?

Le destin a fait que notre Roi Pelé s’est éteint une année de Coupe du Monde. Cependant pas en plein déroulement du tournoi, comme si une fois de plus le champion n’aurait pas voulu déranger en troublant un moment de fête.

A l’ère des youtubeurs et youtubeuses, influenceurs et influenceuses, gardons notre vigilance pour préserver un monde du football où les célébrités jouent aux héros des réseaux sociaux superficiels comme David Bekham ou Cristiano Ronaldo.

Avec une presse sportive déclinante se confondant avec les magazines «people». Des tabloïds qui ont récemment couvert le mariage de Luca Zidane Fernandez. Un jeune homme qu’il faut pourtant protéger par rapport à la notoriété – méritée – de son père Zinedine Zidane.

Sa Majesté Pelé aurait dispensé de précieux conseils sur ce point, lui qui a été en contact avec les médias plus que régulièrement. Lui qui a eu un fils gardien de but, Edinho, poste identique à la fonction du fils Zidane. Un fils qui a fini incarcéré.

Oui, Pelé avait les capacités d’un conseiller, d’un expert, d’un enseignant, d’un avocat défenseur du beau jeu utilisant l’astuce plutôt que la malhonnêteté.

Pelé le médecin au chevet du foot malade de ses excès financiers ou liés au show business.

Pelé le poète. Pelé le magicien qui a su disparaître tout en ne s’éclipsant pas tant le soleil de son sourire si lumineux s’est couché derrière l’horizon pour se muer en étoile éternelle.

* Enseignant en langue et civilisation italiennes en France, auteur de « Italie et Tunisie : entre miroir réfléchissant et miroir déformant ».

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