Fatima Fihriya : la Tunisienne, fondatrice de la plus vieille université du monde

Comment, dans le monde du IXe siècle, où le rôle de la femme et son statut étaient, à de rares exceptions, réduits par la suprématie des hommes à la fonction de ventre ou de parure, une femme musulmane, Tunisienne, orpheline et veuve, a-t-elle pu accomplir, en son temps et par sa seule volonté, une œuvre aussi exceptionnelle qu’Al-Quaraouiyine, la plus vieille université du monde, à Fès, dans le Maroc actuel ?

Par Abdellaziz Guesmi *

Il s’agit de Fatima El-Fihri ou Fatima Al-Fihriya, aussi surnommée Oum Al-Banine («mère des deux enfants» en arabe), née en 800 Kairouan (Tunisie) et morte à Fès (Maroc) en 880.

Fatima est née dans une famille aisée et unie. Son père, Mohammed Al-Fihri, est un riche marchand qui donne à ses deux filles, Fatima et Mariam, une excellente éducation.

Fatima, dotée d’une intelligence vive et d’une grande curiosité intellectuelle, est assoiffée de savoir et de connaissance. La mort de la mère, puis des émeutes violentes qui éclatent à Kairouan, obligent le père et ses filles à fuir l’insécurité régnante.

L’exil et le royaume

Les Fihri rejoignent les quelque trois cents familles qui quittent Kairouan pour s’exiler au Maroc et s’installer à Fès, alors sous le règne du sultan Moulay Idriss II, et où s’étaient déjà réfugiées environ huit cents familles, musulmanes et juives venues d’Andalousie. Ainsi sont créées, sur la rive gauche de l’oued, le bourg des Quaraouiyine pour ceux venus de Kairouan et sur la rive droite, celui d’Al-Andalous, pour ceux arrivés d’Andalousie.

Fatima se marie, donne naissance à deux enfants, et sera surnommée Fatima Oum Al-Banine.

Quelques années après leur arrivée, l’époux et le père de Fatima décèdent. Les deux sœurs deviennent donc les héritières d’une fortune conséquente. Après réflexion, elles décident toutes deux de dépenser leur héritage au service de la communauté pour honorer la mémoire de celui qui leur avait tout donné. Souhaitant vivre dans la dévotion et l’extrême simplicité, elles consacrent l’ensemble de leur richesse à la construction d’œuvres pieuses.

Fatima, bien que n’ayant aucune compétence en architecture, souhaite commencer avec la construction d’une mosquée dans le quartier d’Al-Quaraouiyine. Elle achète donc à proximité un terrain nu. Entourée de personnes pour la conseiller, elle commence à creuser les premières fondations le premier jour du mois de Ramadan de l’an 859.

Pendant que Fatima entreprend le chantier de la mosquée Al-Quaraouiyine, sa sœur Mariam dirige la construction d’une mosquée dans le quartier Al-Andalous.

La religion et la science

 Fatima fait le choix d’extraire tous les matériaux de construction d’un terrain voisin et s’engage à jeûner tous les jours jusqu’à la fin des travaux. Elle jeûne donc trois années durant et fonde la mosquée Al-Quaraouiyine ainsi qu’une université qui lui est accolée.

Fès, qui faisait déjà partie des villes les plus influentes du monde musulman, joue un rôle encore plus central avec la fondation de cette mosquée et université. Des penseurs du monde entier s’y rendaient afin d’étudier.

Depuis 2017, le Prix Fatima Fihriya pour la promotion de l’accès des femmes à la formation et aux responsabilités est décerné chaque année par le réseau Med 21 en partenariat avec le ministère tunisien de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Seniors.

Cet article est un hommage à une dame qui fut et reste un modèle pour toutes les femmes, mais aussi… pour nous les hommes !

* Proviseur à Grenoble.

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