En matière d’angioplastie coronaire, le cardiologue interventionnel évite de s’embarquer dans des procédures exposant le patient à un risque considérable par rapport au pontage coronarien, s’il est objectif, et ce n’est pas toujours le cas.
Par Dr Mounir Hanablia *
A titre d’exemple, il y a quelques mois un patient diabétique totalement asymptomatique a été récusé pour le coronaroscanner à cause d’un score calcique élevé; ses artères étaient très calcifiées rendant l’interprétation de l’examen aléatoire.
La coronarographie pratiquée avait montré un tronc commun coronaire gauche globalement de calibre modérément réduit en coulée sur toute sa longueur avec une sténose très serrée sur sa bifurcation avec l’artère interventriculaire antérieure et une deuxième sténose serrée sur la partie moyenne de cette artère, la circonflexe étant également sténosée.
Des risques inconsidérés ?
Il s’agissait là d’une indication d’autant plus chirurgicale que les artères et les lésions étaient calcifiées et que le tronc commun était malade.
Le passage éventuel des guides sur de telles lésions, l’inflation de ballons et le déploiement de stents peuvent entraîner des dissections occlusives que seul un pontage chirurgical en urgence peut corriger au prix d’une mortalité élevée.
En effet un pontage coronaire réalisé à froid avec des artères encore perméables se termine avec succès dans plus de 90% alors qu’en situation d’urgence en cas d’occlusion aiguë de l’artère, le taux de mortalité atteint presque 50%.
Pourtant le patient en question a refusé catégoriquement la chirurgie de pontage et heureusement pour lui, il s’est fait dilater avec succès sur ses coronaires aux prix de l’implantation de quelques stents, peut-être dans un centre à l’étranger grâce à la technique du rotablator, peu en vogue chez nous.
Il paraît peu probable dans le contexte que la procédure eût pu faire l’économie de l’usage de la fraise rotative obtenant le polissage du calcaire et son retrait.
Les cascadeurs de l’angioplastie
Il est vrai que partout dans le monde certains angioplasticiens se révèlent capables de prendre des risques inconsidérés. La plupart du temps ils réussissent et dans les congrès médicaux ils fascinent leurs collègues grâce aux vidéos de leurs procédures. Mais de temps à autre, celles-ci se concluent par des tragédies.
Comme il s’agit souvent de compétences reconnues exerçant dans des centres renommés, ces échecs évitables passent par pertes et profits, donnent rarement lieu à des contestations, et n’entachent nullement d’opprobre les réputations. Mais l’existence de cascadeurs de l’angioplastie a des conséquences puisque les praticiens qui s’attachent à en respecter les indications et qui refusent de se lancer dans des procédures aventureuses passent pour des incompétents dénués d’intelligence.
Ce faisant, dans un environnement favorisant la surenchère, les imprudences ne peuvent que se multiplier.
Un permis de mise en danger
D’une manière paradoxale, certains collègues forts de leur crédit professionnel disposent d’un véritable permis de mise en danger, et ce sont souvent ceux-là mêmes qui, se situant au-delà de la concurrence, ont le moins besoin de prendre des risques, ou plus exactement d’en faire prendre à leurs patients, et ce n’est pas du tout la même chose. L’accord éventuel du patient, quoique compréhensible pour éviter une chirurgie perçue à juste titre comme effroyable, ne modifie nullement les données du problème.
En effet, il n’y a plus d’avis éclairé et d’accord en connaissance de cause, quand une aberration médicale se conclut par un dommage, mais le reconnaître remettrait en question l’ordre normal des choses au sein d’une profession qui constitue ainsi qu’on le sait l’un des piliers de l’ordre social et moral dans un pays. C’est ce qu’on appelle le pouvoir du corps médical, mais en réalité, seule une minorité en dispose vraiment.
Pour en revenir au calcaire dans les artères, il y a 25 ans j’avais assisté à une angioplastie coronaire dans un hôpital parisien sur une artère très calcifiée. Le stent s’était fiché dans une plaque calcaire et il n’avait pu ni être déployé, ni mobilisé, ni retiré. Le patient avait donc fini dans le bloc opératoire pour un pontage en urgence, et le chirurgien avait retiré un véritable gaine calcaire de l’artère dans laquelle le stent était bloqué.
Les calcifications ne sont évidemment pas une interdiction pour la dilatation coronaire si elles sont modérées de faible épaisseur. Néanmoins quand elles sont étendues et nombreuses, et en l’absence de rotablator, il vaut mieux être prudent, le bloc calcaire (calcification massive englobant toute la paroi de l’artère et le tissu environnant) constituant évidemment une contre-indication à l’angioplastie. Même si par ailleurs on regrettera toujours d’avoir confié certains patients au chirurgien. Mais c’est là une autre histoire.
* Médecin de libre pratique.
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