Rendons justice à Noureddine Boutar et Mosaïque FM ! 

Dans un pays au bord de la faillite, la Tunisie en l’occurrence, la réussite dans quelque domaine que ce soit est de plus en plus suspecte, si elle n’est pas assimilée à de l’escroquerie. Comme si l’état normal de tout Tunisien, dans cette «nouvelle république», est la faillite. Au lieu de créer des richesses à partager, on condamne tout le monde à la pauvreté…   

Par Ridha Kefi

Cette réflexion nous est inspirée par les poursuites judiciaires engagées contre le directeur général de Mosaïque FM, Noureddine Boutar, dont on attend encore de savoir les accusations portées contre lui.

Les autorités observant un silence radio, sans jeu de mot aucun, on en est réduit à s’en remettre aux déclarations des avocats de notre collègue qui sont unanimes : on reproche au directeur de la radio sinon sa ligne éditoriale trop libre au goût de certains, ou pas assez indulgente vis-à-vis du pouvoir en place, du moins sa fortune présumée qui semble énerver ceux pour qui la richesse est forcément synonyme de corruption.

Une campagne de lynchage publique

Quoi qu’il en soit, et sans préjuger de la suite qui sera donnée aux poursuites engagées contre Noureddine Boutar, nous formons l’espoir qu’elles ne dégénèrent pas en une sorte de campagne de lynchage publique, dont on a déjà un avant-goût sur les réseaux sociaux où une horde de chiens affamés de sang sont en train de donner libre cours à leurs sentiments d’envie et de haine, en colportant les rumeurs les plus folles sur notre collègue et les autres personnalités nationales récemment arrêtées dans le cadre d’une soi-disant campagne contre la corruption.

En attendant de connaître ce qui est exactement reproché à Noureddine Boutar – et qui tarde à nous être communiqué par des enquêteurs, lesquels, à en croire les avocats, semblent encore à la recherche d’éléments d’accusation en fouinant dans les comptes du prévenu –, nous aimerions, à notre niveau, rappeler une vérité qui semble être complètement passée sous silence dans la campagne de dénigrement dont notre collègue fait l’objet actuellement : Mosaïque FM, contrairement à l’écrasante majorité des entreprises confisquées au clan de l’ancien président de la république Zine El-Abidine Ben Ali, est la seule qui, non seulement, a réussi à faire sa mue, à se remettre en question et à se replacer dans le contexte d’une transition démocratique balbutiante et heurtée, mais elle s’est maintenue dans un processus de croissance continue, augmentant continuellement son chiffre d’affaires et ses bénéfices, au grand bonheur de ses actionnaires, dont justement Noureddine Boutar, qui est aujourd’hui mis sur la sellette, et par les plus hautes autorités de l’Etat. Si on veut savoir d’où vient sa fortune, il ne faut pas chercher plus loin…

Une ligne éditoriale des plus équilibrées  

Sur un autre plan, on peut être en désaccord avec certaines positions exprimées par les journalistes et les chroniqueurs de Mosaïque FM, qui bénéficient de l’une des plus fortes audiences médiatiques en Tunisie, mais on doit reconnaître que la ligne éditoriale de cette radio est l’une des plus équilibrées et des plus objectives dans notre pays. Pour preuve, toutes les sensibilités politiques existantes s’y expriment régulièrement, qui plus est, avec un dosage assez rigoureux.

Que certains considèrent qu’ils ont droit à un traitement spécial ou qu’ils sont au-dessus de la critique n’engage en aucune manière les journalistes et les chroniqueurs de Mosaïque FM qui, d’ailleurs, affirment tous disposer d’une totale liberté dans la conception de leur émissions ou de leurs interventions, la direction n’intervenant que pour garantir une meilleure régulation au plus près des règles déontologiques. Et c’est cela que les apprentis dictateurs, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, ont du mal à comprendre et encore moins à admettre.

NB. Ayant eu à subir personnellement, et plus d’une fois, sous l’ancien régime, les attaques de Noureddine Boutar dans le journal Al-Chourouq où il travaillait avant la création de Mosaïque FM, en 2003, à chaque fois que je publiais dans Jeune Afrique un article jugé hostile à Ben Ali, on ne peut me soupçonner d’indulgence particulière à l’égard de cet homme. Mais les vérités doivent toujours être dites, surtout dans les moments de vérité, comme celui que nous vivons aujourd’hui.    

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