Doigt d’honneur ou doigt donneur : l’ambiguïté des symboles

En Tunisie, le langage vulgaire à connotation sexuelle, accompagné ou non de gestes suggestifs tels que les bras d’honneur, est devenu à ce point fréquent qu’on ne peut quasiment plus circuler dans la rue sans y être exposé. Néanmoins, rares ceux sont condamnés pour cela. (Illustration : affiche publicitaire zélandaise pour le dépistage de l’hépatite C).

Par Dr Mounir Hanablia *

Il existe des gestes qu’il vaut mieux éviter de faire et qui peuvent avoir des conséquences. Au Canada un citoyen arrêté par la police a été jugé pour avoir soulevé son médius face à l’un de ses concitoyens. Le juge a néanmoins estimé que bien que critiquable et moralement récusable, c’était là «un droit accordé par le Seigneur» (sic !) qui n’engage aucune responsabilité pénale; selon lui le dossier aurait dû être jeté par la fenêtre si tant est que la salle du tribunal eût pu en disposer.

Qu’on n’aille surtout pas imaginer que cela engage la tradition anglo-saxonne dans son ensemble. Ainsi, en Nouvelle Zélande, des affiches publicitaires de dépistage de l’hépatite C et montrant des acteurs présentant leur médius en souriant ont choqué et des citoyens ont attaqué l’Etat en Justice.

Le sens moral commun

Le ministère de la Santé néo-zélandais et l’agence publicitaire responsable se sont défendus en estimant que le médius servant au prélèvement d’une goutte de sang pour le dépistage, le geste n’avait dans le contexte aucun caractère obscène. Néanmoins les affiches ont finalement été retirées, une décision jugée regrettable par le ministère.

Ceci est révélateur dans un sens d’une différence de perception de plus en plus marquée de l’offense, autrement dit du sens moral commun, entre les citoyens et des autorités qui semblent tolérantes vis-à-vis de certains gestes communément admis comme déplacés.

En Tunisie le langage vulgaire à connotation sexuelle, accompagné ou non de gestes suggestifs tels que les bras d’honneur, est devenu à ce point fréquent qu’on ne peut quasiment plus circuler dans la rue sans y être exposé. Néanmoins, rares ceux sont condamnés pour cela.

En général c’est dans un autre contexte qu’ils le sont, celui de la menace, de l’atteinte à la liberté, ou de l’opposition à l’autorité. Dans ce cas, le langage vulgaire ou blasphématoire, n’en déplaise à nos intellectuels modernistes qui considèrent comme normal ce qui ne l’est absolument pas, constitue un facteur aggravant, tout comme la répétition des faits incriminés.

Le sacré et le profane

Le plus surprenant c’est que, avec l’irruption de l’islamisme, il n’est paradoxalement pas rare de se voir insulter grâce à des versets du Coran ou des Hadith. Et la Sourate Tawba, dite aussi Bara’a, qui fournit la plus grande source d’inspiration pour les jihadistes, est souvent utilisée dans des situations conflictuelles. Un verset disant «Il ne nous atteindra que ce que Dieu nous a destiné, c’est notre seigneur et c’est sur lui que nous comptons» est à cet égard explicite. Il exonère celui qui se considère comme croyant de toute responsabilité et dénie toute autorité autre que divine sur la destinée humaine.

Si l’évocation de ce verset s’accompagne également de propos sexistes, il est raisonnable de penser que la personne qui en fait usage soit jusqu’à un certain degré endoctrinée. Sauf qu’il arrivait au grand Bourguiba lui-même de faire usage du verset suivant : «Ô vous qui avez cru, si un lubrique vous amène une information, vérifiez, afin de ne pas atteindre par ignorance autrui, et le regretter» afin discréditer la propagande de ses ennemis.

Dans ce cas, il serait plutôt sage de réserver les versets du Coran au rite, et de les exclure du débat politique ou des conflits entre les personnes.    

* Médecin de libre pratique.

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