Tunisie-Le blues des investisseurs : décarcassez-vous !

Un haut responsable tunisien, qui connaît bien les femmes et les hommes qu’il côtoie tous les jours, avait dit un jour, sur un ton ironique : «Cela fait longtemps que l’on cherche à relancer l’investissement, mais il ne veut pas se relancer !» Il ne croyait pas si bien dire…   

Par Imed Bahri

L’investissement est en berne en Tunisie depuis au moins 2011. Et que font les autorités publiques? Elles promettent de nouvelles lois pour compliquer davantage la tâche des investisseurs et créent une équipe de travail conjointe (encore une?) qui pondra bientôt des recommandations que ces chers bureaucrates oublierons aussitôt dans leurs tiroirs.

Cette introduction nous a été inspirée par la réunion tenue mardi 16 mai 2023 entre le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed, et les présidents et représentants des chambres mixtes, en présence des représentants de plusieurs départements ministériels, des structures d’appui et de la Banque centrale de Tunisie (BCT). La réunion, qui a porté sur les difficultés auxquelles sont confrontés les investisseurs, a abouti à une décision «révolutionnaire» : la constitution d’un groupe de travail conjoint (encore un?) pour examiner les obstacles à l’investissement en Tunisie.

Les entraves à la liberté d’investissement

Ces obstacles, on ne les connaît que trop, car on en longtemps parlé : la multiplicité des législations et procédures administratives qui entravent l’initiative privée et compliquent la tâche des investisseurs telles que les permis de construire, le temps nécessaire pour changer le caractère d’un terrain, la lenteur des services douaniers, les procédures fiscales fastidieuses, les complications du transport international, le retard enregistré dans la numérisation des transactions administratives et financières et les nombreuses entraves à la liberté d’investissement.

On continue de parler de ces obstacles comme si on les découvrait maintenant, alors qu’il s’agit de prendre des mesures concrètes et urgentes pour les lever. Que M. Saïed nous dise que l’amélioration du climat des investissements et des affaires est l’une des principales priorités du gouvernement, ne nous avancera en rien. Et les nouvelles lois qu’il nous promet et qui seraient en cours d’achèvement pour, dit-il, promouvoir l’investissement, stimuler l’économie de la connaissance et de l’innovation, améliorer le code des changes, et patati et patata, risquent fort bien de compliquer encore la situation en donnant à l’administration plus de pouvoirs de contrôle et à la corruption qui gangrène l’économie de nouveaux leviers pour perdurer.

Une économie ankylosée par l’attentisme

On ne cesse de vous dire ici que ce gouvernement est dépassé par les événements, qu’il est dénué d’imagination et même de volonté pour faire bouger les choses et qu’il continue de tourner en rond et de faire des ronds dans l’eau, alors que le pays est en train de sombrer dans la plus grave crise de son histoire. Il ne se passe pas un jour sans qu’il nous en apporte la preuve: on ne peut compter sur lui pour débloquer une économie ankylosée par l’attentisme et l’immobilisme.

Quant aux opérateurs économiques, on aimerait les voir faire preuve de plus de réactivité, d’inventivité et de volonté d’aller de l’avant pour développer et diversifier leurs activités et les inscrire dans un contexte international en pleine mutation. Il ne sert à rien de continuer à se plaindre pour préserver de menus privilèges de gagne-petit, attachés à leurs vieilles rentes qui se réduisent comme peau de chagrin. Décarcassez-vous, ouvrez les fenêtres sur le monde et respirez l’air du large !

Messieurs les investisseurs, si vous voulez vraiment développer vos affaires, oubliez l’administration, trouvez les moyens de la contourner et allez de l’avant, dans le respect des règles imposées, et ce seront vos réussites qui obligeront ces ronds de cuirs à évoluer, à prendre acte des changements que vous auriez impulsés et à aller dans le sens que vous leur imposeriez. Ils ne bougeront que s’ils sont menés par le bout du nez.

Quant au temps que vous allez passer à siéger dans des commissions conjointes avec des fonctionnaires gris et ennuyeux qui n’ont qu’un seul souci, vous empêcher de faire, vous aurez sans doute de meilleures façons pour le rentabiliser en vous occupant de vos oignons !

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.