Kaïs Saïed s’est trouvé dans son élément hier au Sommet de Paris «Pour un nouveau pacte financier mondial» qui se tient les 22 et 23 juin 2023 au palais Brongniart, dans la capitale française. En point de mire : un système financier mondial déséquilibré et inégalitaire qu’il a toujours critiqué.
Par Imed Bahri
Le président de la république a en effet trouvé dans ce conclave auquel prennent part une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement une tribune idéale pour reprendre ses griefs contre le système financier international, déséquilibré et inégalitaire, et qui pèse sur le processus de développement des pays en difficulté financière comme la Tunisie.
Le président Saïed a ainsi appelé, hier, la communauté internationale à rompre avec la logique «des grands et des petits» pour construire un nouveau Pacte financier mondial basé sur les principes de justice et de respect des valeurs et des principes humains fondamentaux.
Participant à une table-ronde de haut niveau sur le thème «Démonstration de solidarité pour sortir du piège de la dette», Saïed a souligné qu’avec cette logique qui domine les relations internationales, on ne peut pas aller vers un monde meilleur. «Nous ne sommes pas petits» a-t-il affirmé, par le détour d’une boutade sur le duo comique Laurel et Hardy. Et de poursuivre : «Nous sommes ici, aujourd’hui, pour parler d’un nouveau pacte financier mondial. Mais est-ce possible de construire un nouveau système financier mondial selon les mêmes critères et les mêmes principes mis en place suite à la deuxième guerre mondiale?»
Un nouveau démarrage
«Nous étions colonisés, peu importe la forme de colonisation que nous subissions et nous n’avons pas participé à la mise en place des accords de Bretton Woods. Serons-nous donc capables de bâtir un avenir pour nos peuples et pour l’humanité toute entière, sur la base d’accords auxquels nous n’avons pas participé ? Pourrons-nous envisager un nouveau démarrage, en nous basant sur une vision archaïque et dépassée?», s’est-il interrogé.
Le président a considéré que la communauté internationale doit réfléchir différemment, loin des anciennes approches qui n’ont abouti qu’à l’aggravation des écarts entre le Nord et le Sud. Selon lui, «l’heure est venue pour réfléchir à de nouveaux instruments, en considérant le passé et ses souffrances et en osant identifier ceux qui en sont responsables».
«Pourquoi est ce que l’espérance de vie dans certains pays africains ne dépasse pas 4 décennies? Pour quelles raisons les enfants en Afrique meurent-ils toujours de faim, de guerres et de soif ? Nous ne pouvons construire de nouveau, que si nous faisons face à la réalité avec responsabilité et si nous sommes assez francs pour identifier les responsables du réchauffement climatique et des différentes épidémies ayant secoué la planète et dont les pays de la rive sud ont payé chèrement, le prix», a enchaîné le président.
«Vous savez tous comment ont été répartis les droits de tirage spéciaux pendant l’épidémie du Covid-19 et quelle a été la part de la partie Sud de la planète. Vous savez aussi, que les crédits accordés à plusieurs pays dans le passé, n’ont pas bénéficié aux peuples et ont été détournés ou spoliés et orientés vers les banques du Nord. Pourquoi est-ce que ces fonds ne reviennent pas aux pays qui en ont été privés? Les dictatures étaient, en effet, le moyen qui permettait à plusieurs pays de préserver leurs intérêts au détriment des intérêts des peuples concernés», a souligné le président, dans une limpide allusion au système de Bretton Wood et, plus précisément aux Fonds monétaire international (FMI), dont la présidente Kristalina Georgieva était présente dans la salle, et que la Tunisie sollicite depuis plusieurs mois pour un nouveau crédit de 1,9 milliard de dollars pour lequel elle ne parvient pas à obtenir l’accord du conseil d’administration.
Plus de justice
«Le système financier international actuel a prouvé ses limites, mais nous ne voulons pas que le nouveau système en gestation soit construit au détriment de nos intérêts. Nous voulons être des partenaires dans la construction d’un nouveau monde qui bénéficie à toute l’humanité. La crise actuelle ne pourrait être surmontée que si nous faisons valoir la justice et la liberté au sein des pays, mais aussi au niveau des relations internationales et si nous mettons en place un partenariat d’égal à égal», a conclu le président tunisien.
La table-ronde de haut niveau a réuni les présidents du Tchad et du Sri Lanka, le Premier ministre rwandais, la directrice générale du FMI et le président du Groupe de la Banque africaine de développement. Y ont, également, pris part de hauts responsables et des experts d’institutions économiques et financières régionales et internationales.
Le fait que le président ait pu interpeller la communauté internationale sur la nécessité de revoir les fondements du système financier international en vigueur depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et qui a largement montré ses limites, est excellent en soi, mais on ne peut s’empêcher de constater que Saïed s’est contenté, comme souvent, de défendre des principes généraux, humanistes et égalitaires, voire altermondialistes sur les bords, ce qui est louable en soi, mais demeure insuffisant.
On aurait aimé entendre des propositions concrètes pour réorienter ce système et le rééquilibrer. Et là, le reproche n’est pas adressé au président, qui n’est pas un expert financier, mais à ces chers économistes et financiers qui occupent de hauts postes au sein de l’Etat et qui sont incapables de faire avancer la science économique par des propositions concrètes susceptibles de défendre les intérêts vitaux de pays en difficulté comme la Tunisie.
Avec Tap.
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