Le poème du dimanche : ‘‘Villes et autres lieux’’ de Malek Alloula

Né en 1937 à Oran et décédé en 2015 à Berlin, où il était en résidence d’écrivain, Malek Alloula est poète, critique littéraire et éditeur. Homme et auteur discret, son œuvre, n’eut pas toujours la place qui lui revenait dans l’approche des littératures du Maghreb.

Cette œuvre n’en constitue pas moins une des plus avisées de la chose littéraire, à l’écriture, moderniste, mêlant connaissance des arts et ancrages culturels.

La réalité algérienne des années quatre-vingt-dix le rattrape dans leur tragédie, où son frère, le dramaturge Abdelkader Alloula, fut assassiné en 1994. Il présidera une Association pour faire connaître son œuvre.

Quelques titres de poésie : Villes et autres lieux, Christian Bourgois, 1979; Mesures du vent, Sindbad, 1984; Approchement du seuil, ils disent, Al Manar, 2009.

Tahar Bekri

Mon attente

mon attente je l’ai pliée

un train part toujours quand on le manque

il siffle sous le gel de ton regard

et dans ces villes qui dérivent sous ton horizon

il fallait héberger tant de choses

sans jalonner la progression de la folie

tout presse

à partir d’une respiration qui brûle les nerfs

résidus d’un pelage jadis confortable

l’incendie rejetait les vomissures

de cette nuit mémorable

qui encore excite ton émoi scolaire

J’ai plongé…

j’ai plongé alors la tête pour prendre racine

dans cette terre stérile

je devins pavot incommode

et à ce jeu j’aurais vite égaré

mes vertus descriptives

plusieurs soirs

il fut question d’un tremblement à venir

mais aux calculs saisonniers

succéda l’acharnement d’un bec

il est là-bas l’ermite taraudé par le chanvre

et parle d’oiseaux indifférents

pilotant son étoile sous des yeux brûlés

il n’y a pas de stigmates là où tu te tiens

et l’aube n’apaise que les renards

Villes et autres lieux, Christian Bourgois, 1979

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