Kaïs Saïed et les saboteurs, une fiction à plusieurs inconnues

Le président Kaïs Saïed pense-t-il vraiment que l’administration publique est en train de saboter le travail de l’Etat dont il a la charge ? Si c’est le cas, quelles décisions pourraient-ils prendre pour débloquer la machine et relancer la croissance économique dans un pays en panne?    

Par Imed Bahri

En recevant la Première ministre Najla Bouden, lundi 26 juin 2023, au palais de Carthage, le président de la République Kaïs Saïed a tenu un discours aussi surprenant qu’inquiétant, où il a laissé entendre qu’une partie de l’administration publique, dont il est le principal responsable, en tant que chef de l’exécutif, est en train de faire obstruction au travail de l’Etat.

Selon un communiqué de presse diffusé par la présidence de la république, Kaïs Saïed a  examiné avec Najla Bouden l’avancement du travail du gouvernement ces derniers jours, en appelant tous ceux qui ont des responsabilités au sein de l’Etat à assumer leur devoir sacré envers la patrie et le peuple, ajoutant que beaucoup parmi ces derniers hésitent à prendre une décision ou cherchent à en perturber l’exécution.

Les saboteurs à la manœuvre  

Le chef de l’Etat a averti que la situation ne peut pas continuer ainsi, d’autant plus que les projets existent et que les fonds nécessaires à leur mise en œuvre ont été alloués, soulignant que tout responsable de l’administration publique doit accomplir la mission qui lui est confiée, sinon il doit laisser la responsabilité à ceux qui en sont dignes et qui veulent servir la patrie et le peuple.

Le président de la république a également exhorté les Tunisiens à travailler, à créer de la richesse et à compter sur eux-mêmes, en affirmant que «nos moyens sont importants et notre volonté est plus grande pour relever tous les défis, et avec nos bras et notre richesse humaine nous pouvons construire un avenir sans que personne de l’extérieur ne vienne nous imposer ce que notre peuple rejette et qui hypothèque notre volonté et notre indépendance».

Comme à son habitude, le président ne cite pas des faits précis ni ne nomme les parties ou les personnes qu’il accuse de saboter l’action de l’Etat et désigne ainsi à la vindicte populaire.

Ces criminels en col blancs sont, on l’a compris, à l’origine de tout ce qui ne marche pas dans le pays et, ils sont ainsi désignés comme les principaux responsables du bilan très mitigé du président de la république, qui détient tous les pouvoirs dans le pays, et de «son» gouvernement (dont il a choisi tous les membres au peigne fin).

Une ambiance délétère

Est-ce que ce rappel à l’ordre sous forme de constat va être suivi d’une purge au sein de l’administration publique pour mettre hors d’état de nuire les éléments les plus nuisibles ?

On pourrait sérieusement le craindre, d’autant que ces menaces à peine voilées risquent de bloquer davantage le travail des agents publics qui sont déjà paralysés par la crainte de commettre des erreurs dont ils auraient à rendre compte devant la justice.

Cette ambiance délétère, où règnent les doutes et les suspicions, est peu propice à la restauration de la confiance, laquelle est nécessaire à la relance économique espérée. Aussi, les déclarations présidentielles laissent-elles pantois. Car si elles ne sont pas suivies de décisions concrètes visant à assainir le climat général au sein de l’administration publique, le risque est grand de les voir ajouter aux blocages actuels dont souffre le pays à tous les niveaux.

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