Tunisiens, arrêtons de mendier et mettons-nous au travail!

Si je suis élu président de la Tunisie, je placerai d’abord tout mon mandat sous le slogan «le peuple DOIT» par opposition au slogan du président sortant «le peuple VEUT», parce que la vie étant ainsi faite, il ne suffit pas de vouloir mais encore faut-t-il travailler pour obtenir ce qu’on veut. Et pour cela, cesser de s’endetter et de faire payer le prix de nos turpitudes à nos enfants et petits-enfants, et éviter à la Tunisie une banqueroute annoncée.  

Par Dr Sadok Zerelli *

Pour un économiste, tous les problèmes et déséquilibres structurels de l’économie tunisienne, absolument tous (récession, inflation, chômage, déséquilibre de la balance des paiements, déficit budgétaire, endettement  extérieur et intérieur, dépréciation du dinar, etc.) ont une seule et unique origine qui se résume en une phrase de quatre mots: Nous consommons plus que ce que nous produisons. La solution  à tous ces problèmes et déséquilibres se résume aussi en en une seule et unique phrase de quatre mots : Nous devons soit moins consommer soit produire plus.

Demander aux Tunisiens de consommer moins n’est pas une solution réaliste, parce qu’ils sont victimes  du matraquage publicitaire et surtout de l’effet de démonstration. Celui-ci est un concept développé par les économistes keynésiens pour expliquer pourquoi une politique de type monétariste, comme celle appliquée par la Banque centrale de Tunisie (BCT) depuis son indépendance vis-à-vis du gouvernement en 2016, basée sur l’augmentation continue de son  taux directeur en vue de réduire la consommation et maîtriser  ainsi l’inflation, ne pouvait pas réussir.

Ce concept  fait référence au comportement de certains consommateurs qui cherchent à s’identifier à la classe sociale immédiatement supérieure à la leur à travers le type produits et de services qu’ils consomment, les marques de vêtements ou de montres qu’ils portent, les cafés et restaurants qu’ils fréquentent, les modèles de  voiture dans laquelle ils roulent, etc. Ainsi, celui qui gagne 1000 DT par mois va consommer comme celui qui gagne 2000 DT pour montrer à travers sa consommation qu’il appartient à cette catégorie sociale, celui qui gagne 2000 DT va consommer comme celui qui gagne 3000 DT, etc.

Travailler davantage

Il ne reste donc plus comme solution aux problèmes de l’économie tunisienne que de produire davantage, ce qui implique forcément de travailler davantage, car comme le dit si bien Lavoisier «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme» dans le sens où tout produit ou service consommé par quelqu’un a bien dû être produit par quelqu’un d’autre à un moment donné.

Pour convaincre les lecteurs et lectrices de la justesse de mon diagnostic, je ne vais faire appel à aucune théorie, citer aucun auteur ou développer aucun modèle économique, comme j’ai la «manie» de faire dans la plupart de mes précédents articles.

Non, je vais faire beaucoup plus simple : je demande à quiconque de passer une journée dans une ferme ou sur un chantier, à observer discrètement un ouvrier agricole ou du bâtiment qui est payé pour travailler 8 heures par jour. Notez à quelle heure il arrive et à quelle heure il quitte son travail, combien de temps il prend pour sa pause café du matin, sa pause déjeuner et sa pause goûter, combien de fois il s’arrête pour fumer une cigarette ou préparer le thé, combien de fois il se planque lorsque le contremaître ou le propriétaire tourne le dos : si vous arrivez à plus de 5 heures de travail effectif par jour, alors je ne suis pas un économiste mais un charlatan.

Extrapolez ce  rythme de travail effectif de 5 heures par jour de 8 heures payées aux ouvriers d’autres secteurs d’activité et aux fonctionnaires de l’Etat et des collectivités publiques locales (surtout), ajoutez deux mois de travail en séance unique durant l’été et un mois de ramadan où la plage horaire de travail est réduite à 6 heures par jour ouvrable, un mois de congé annuel chômé, 11 jours fériés par an (quand ils ne tombent pas un jour avant ou un jour après un weekend et permettent de faire le «pont») et quelques semaines de congés de maladie réelle ou simulée, et vous arriverez à une moyenne annuelle de 3 heures de travail effectif par jour pour ceux et celles qui «travaillent» effectivement (j’ai fait le calcul, en arrondissant par excès le résultat final).

Ce n‘est malheureusement le cas de toute la population active de 45% ou en âge de travailler (entre 18 ans et 60 ans) et il faudrait intégrer dans le calcul 18% de taux chômage officiel et probablement autant de chômage déguisé, soit un taux de chômage réel de l’ordre d’au moins 33%, ce qui revient à diviser le dernier résultat de 3 heures de travail effectif par jour par trois et le multiplier par deux, soit un résultat final d’une moyenne annuelle de 2 heures travaillées par jour pour un Tunisien en âge de travailler, chômeurs et actifs confondus (sans les weekends qui sont chômés).

Avec ces deux heures de travail par jour en moyenne par an, le Tunisien doit se nourrir lui-même, payer ses cafés, ses cigarettes, sa chicha et éventuellement quelques bières, et subvenir aux besoins des enfants et personnes âgées à sa charge.

Comment fait-il? C’est un mystère que personnellement je n’arrive pas à percer, malgré tous mes diplômes et mon expérience d’économiste.

Cesser de s’endetter

A force de fouiner dans les chiffres, j’ai découvert quelques pistes de réponses, mais aucune réponse totalement satisfaisante. Ainsi, j’ai trouvé que le taux d’épargne nationale est passé de 27% du PIB en 2010 à seulement 6% en 2022. Cela veut dire clairement que le Tunisien n’épargne pratiquement plus et consomme tout son revenu  et probablement davantage en s’endettant auprès du système bancaire ou auprès de parents/ amis, ou en liquidant des actifs réels tels que des maisons ou des «sanias» hérités de ses parents ou grands-parents,  ou des bijoux donnés en mariage ou une deuxième voiture de famille s’il en a une quand ce n’est pas l’unique voiture familiale, etc.

Il faut dire à sa décharge, qu’il est encouragé en cela par le comportement de son Etat même, qui lui aussi veut dépenser beaucoup plus qu’il n’a de recettes fiscales et parafiscales dans son budget et s’endette à tour de bras auprès du FMI et des bailleurs de fonds étrangers, du moins quand ils veulent bien lui prêter de l’argent en devises étrangères, sinon auprès du système bancaire local en faisant fonctionner à fond le mécanismes de la planche à billets et en convertissant les Bons du Trésor Assimilés (BTA) ou à court terme (BTCT) échus en Bons du Trésor à plus long terme moyennant une augmentation de leurs taux de rémunération qui ont atteint (la semaine dernière) 9,75% pour l’échéance de 2030, selon l’adage populaire bien de chez nous «le dernier qui reste paiera le loyer», ou mieux, celui de «après-moi le déluge».

A telle enseigne, que selon les données du ministère des Finances, l’endettement public de la Tunisie se répartit entre les dettes intérieures estimées à 43,155 milliards de dinars et les dettes extérieures évaluées à 66,6 milliards de dinars, atteignant ainsi 109,620 milliards de dinars à fin août 2022, soit  un taux d’endettement de78,5% du PIB

Pour une population totale d’environ 12 millions d’habitants, cela correspond à une dette publique de 9 135 DT par tête d’habitant, soit pour un taux de population de 45% selon l’INS, 20 300 DT par personne en âge actif. Sachant que 33% de la population active est en chômage réel ou déguisé et ne pourraient donc pas contribuer au remboursement de la dette publique que seules les personnes actives occupées doivent supporter, chacune de celles-ci devrait rembourser 30 450 DT.

Pour avoir une idée exacte de l’importance de ces montants, il faut les rapporter au montant du PIB par habitant qui s’élève pour l’année 2022, selon la Banque Mondiale, à 3 897,36 USD, soit au taux de change actuel d’1 USD=3,100 DT, à 12 081 DT.

Avec ces chiffres en tête, il m’arrive quelquefois de passer devant les terrasses des cafés, qui poussent comme des champignons à chaque coin de nos rues et villes et qui sont toujours bondées de gens qui jouent aux cartes, fument la chicha et discutent presque toujours de football, de me demander au fond de moi- même: est-ce que ces gens-là savent combien ils doivent au reste du monde? Comptent-ils rembourser leur dette? Si oui comment?

C’est aussi en pensant à ces chiffres que je me rappelle qu’une fois, en écoutant aux informations de 20H le Président Kaïs Saïed tenir un monologue devant la Cheffe du Gouvernement, qui opine de la tête comme à son habitude, sur la vie et les poèmes écrits au XIXe siècle par le poète égyptien Bayram Ettounsi, ceux qu’Om Khalthoum a chanté pour lui, etc., j’ai failli avoir une crise de nerfs ou m’arracher les cheveux (heureusement que je n’en ai plus!). Sait-t-il combien chaque Tunisien, à commencer par lui-même, doit rembourser au reste de monde et combien d’années de travail il lui faudrait  y consacrer? Croit-il naïvement qu’on va pouvoir le faire en récupérant les fonds spoliés avant ou après la révolution, que la législation internationale en matière de secret bancaire, les techniques très sophistiquées de montage de sociétés-écrans et la jurisprudence dans les pays «paradis-fiscaux» nous empêcheront d’en voir la couleur de notre vivant, à part quelques miettes, et encore?

En attendant des réponses à ces questions, j’ai essayé à mon modeste niveau d’économiste d’apporter non pas des solutions totalement satisfaisantes, mais au moins des voies de solution, comme j’essaie toujours de le faire dans mes articles, car les lecteurs et lectrices ont bien raison de penser qu’il ne suffit pas de faire des constats et des critiques si l’auteur d’un article est incapable d’apporter des réponses même partielles aux questions  qu’il pose dans son article.

Arrêter de mendier

Dans le cas d’espèce, j’avoue que la réponse est beaucoup plus ardue, car elle relève davantage de la sociologie et de la politique que de l’économie, et que je ne suis ni sociologue ni politicien.

Ainsi, la question de fond à laquelle il va falloir répondre et qui transparait à travers les développements précédents peut être formulée ainsi : comment faire pour (re)mettre les Tunisiens au travail afin qu’ils arrêtent de mendier aux bailleurs de fonds internationaux et aux pays soi-disant «frères et amis» de quoi consommer plus que ce qu’ils produisent?

Déjà, j’ai hésité dans la formulation de la question entre écrire «mettre» ou «remettre» les Tunisiens au travail, parce ce que je ne suis pas sûr que les Tunisiens aient été jamais de grands travailleurs, ne serait-ce qu’ historiquement, leurs ancêtres arabo-musulmans venus d’Arabie ne travaillaient pas la terre pour des raisons climatiques, mais s’adonnaient plutôt au commerce à dos de chameaux et avançaient donc au même rythme que les caravanes de chameaux, qu’on ne peut qualifier d’animaux particulièrement rapides, quand ils ne s’asseyaient à l’ombre sous les palmiers pour observer leurs troupeaux paître pendant qu’ils faisaient cuire du thé à longueur de journée !

Mais peu importe s’il s’agit de mettre ou remettre les Tunisiens au travail, les propositions de réponses que je vais apporter dans la suite de cet article vont faire sourire certain(e)s lecteurs ou lectrices, choquer beaucoup d’autres, mais ne laisseraient à coup sûr personne indifférent et je m’attends (normalement, même si rien n’est normal en Tunisie) à recevoir une avalanche de commentaires pour m’approuver/désapprouver.

Ainsi, si je suis élu Président de la République, non pas au sens politique et réel du terme (Dieu m’en préserve), mais au sens de l’humoriste Coluche qui a élaboré un programme volontairement provocateur dans les années 1970 pour se présenter aux élections présidentielles en France face à Valery Giscard d’Estaing, je placerai d’abord tout mon mandat sous le slogan «le peuple DOIT» par opposition au slogan du président sortant «le peuple VEUT», parce que la vie étant ainsi faite, il ne suffit pas de vouloir mais encore faut-t-il devoir travailler pour obtenir ce qu’on veut.

Décrets présidentiels

Conformément à la Constitution actuelle qui donne au président de la république pratiquement tous les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, je publierai dans le JORT dès le lendemain de mon élection les cinq décrets présidentiels suivants pour résoudre en 24H tous les problèmes économiques de la Tunisie ( je ferai ainsi beaucoup mieux que le président d’un parti politique, que je ne nommerai pas, qui a déclaré qu’il résoudrait tous les problèmes de la Tunisie en 4 mois!).

– Décret présidentiel n° 1 : Tous les premiers dimanches de chaque mois sont décrétés «journées de nettoyage public»: comme personne n’aimerait travailler dans un bureau ou une maison sales, le peuple tunisien n’aimerait pas travailler dans un pays sale. Selon ce décret, tous les Tunisiens de 7 à 77 ans, les ministres et même le chef de l’Etat en premiers, devront descendre dans la rue tous les premiers dimanches de chaque mois de 8 à 12 heures munis de balais ou de pelles et nettoyer chacun dans son quartier, toute la crasse qui s’est accumulée pendant des années dans nos villes et nos villages. En cela, je ne ferai que suivre l’exemple du Rwanda où un tel décret existe bel et bien depuis des années et où j’ai séjourné à plusieurs reprises sans jamais trouver le moindre mégot de cigarette ou papier jetés dans la rue, ni au centre-ville ni en rase campagne!

Décret présidentiel n°2 : Tous les sites sensibles de production, tels que les mines de phosphate, les champs pétroliers, les centrales électriques, les ports, etc., sont déclarés sites militaires: j’y nommerai des généraux quatre étoiles de l’armée qui, assistés par des DGA civils diplômés en management des meilleures universités, y feront régner la discipline militaire. Pour les entreprises publiques très déficitaires et dont la qualité de service public est primordiale pour le niveau de vie de la population et la compétitivité des entreprises (Steg, Sonede, Onas, SNCFT, Transtu, Tunisair, etc.), je prendrais un décret qui limite le mandat de chaque PDG à 5 ans non renouvelables et je ferais signer à chacun d’eux un contrat-programme quinquennal élaboré par des experts sectoriels, qui fixe les objectifs d’amélioration de la productivité et de réduction des déficits d’exploitation à atteindre chaque année en contrepartie d’un montant plafond de subventions d’exploitation et d’investissement que ces entreprises seront autorisées de percevoir. Le même décret précisera que la fin du manat de chaque PDG d’entreprise publique donnera lieu systématiquement à un audit externe réalisé par des experts multinationaux et indépendants pour évaluer objectivement ses performances et le traduire éventuellement en justice pour mauvaise gestion qui sera qualifiée éventuellement de crimes économiques commis contre la nation, une nouvelle catégorie de crime que j’introduirai dans le Code Pénal en vertu de mes pouvoirs judiciaires. D’autre part, je leur demanderai à tous, ainsi qu’à tous les  directeurs d’administration centrale ou régionale, d’installer de horloges pointeuses électroniques à empreinte digitale, afin d’empêcher toute triche, qui seront directement connectées aux ordinateurs qui calculent la paie de chaque salarié, de façon à procéder automatiquement et sans aucune intervention humaine à des retenues de salaires pour tout retard ou absence. Les salariés protesteront, l’UGTT décrétera une grève générale, mais je tiendrai bon parce que, parole d’un économiste formé dans les meilleures universités du monde (Dauphine, Sorbonne et M.I.T aux Etats-Unis) et expert international avec plus de 30 ans d’expérience dans les jambes, c’est la SEULE politique possible pour sauver l’économie de ce pays d’une ruine certaine, avec ou sans les 1,9 milliard qu’on mendie au FMI depuis maintenant  plus de deux ans!

Décret présidentiel n° 3 : la séance unique durant les mois d’été est supprimée: durant ma vie professionnelle, j’ai eu à séjourner quelquefois plusieurs années dans au moins une trentaine de pays subsahariens, où il n’y a que deux saisons par an (saison de pluies  et saison sèche) et où la température descend rarement au dessous de 40°C même en pleine saison des pluies, ce qui n’empêche personne de travailler matin et après-midi durant toute l’année. J’ai séjourné aussi quelques mois aux Etats-Unis et au Canada où les températures extrêmes descendent en hiver quelques fois à -40°C, ce qui n’empêche pas aussi les gens sortir de chez eux pour aller travailler matin et après-midi durant toute l’année. Pourquoi nous en Tunisie, qui bénéficions d’un climat méditerranéen tempéré, qu’on nous jalouserait, devrons-nous arrêter de travailler tous les après-midi durant deux mois dès qu’il fait +30 ou 35°C, pour rester faire la sieste chez nous? La aussi, tous les Tunisiens descendront manifester dans la rue, me traiteront de dictateur et crieront «à bas le président», mais je tiendrai bon et j’attendrai qu’ils soient fatigués de manifester !

Décret présidentiel n°4 : toutes les consommations sur les terrasses des cafés doivent être tarifiées le double de celles au comptoir : c’est la mesure que j’aurai le plus malin plaisir à prendre, pour ne pas  dire de la jouissance! En fait, cela fait des années que j’en rêve, plus exactement depuis que j’ai commencé à voyager dans le monde entier et qu’à chaque fois que je rentre d’un  voyage, que ce soit d’un pays européen  ou d’un pays situé au fin fond de l’Afrique, la première chose qui me saute aux yeux par rapport au pays où j’étais, est le nombre de terrasses de cafés à chaque coin de rue dans toutes nos villes et villages, et qui sont toujours bondées de monde, à se demander s’il arrive aux Tunisiens de travailler.

Je suis certain que si on introduit parmi les critères socio-économiques de développement, le nombre de places aux cafés/1000 habitants, comme on le fait pour le nombre de lits d’hôpitaux/1000 habitants dans le secteur de la santé, la Tunisie sera classée largement première dans le monde et figurera dans le Guinness book, ainsi d’ailleurs que pour le nombre d’heures travaillées par jour et par habitant en moyenne par an, où elle finira la dernière du classement mondial !

Aussi choquante qu’elle paraisse à première vue, cette pratique de la double facturation de la consommation sur terrasse de café existe dans beaucoup de pays, notamment en France où j’en ai personnellement profité quand j’étais étudiant et fauché dans le sens inverse : je pouvais fréquenter les cafés les plus chics de Paris mais en consommant toujours au bar à un tarif beaucoup moins cher qu’être assis à la terrasse. D’autre part, elle a des chances d’être acceptée parce qu’elle va être sûrement soutenue par les cafetiers qui sont légion chez nous et qui vont y trouver une bonne source de profits supplémentaires.

Les consommateurs vont râler un moment, déserteront un moment les terrasses des cafés, mais finiront par y revenir parce qu’ils ne peuvent pas résister au plaisir de fumer une chicha à la terrasse d’un café surtout dans les quartiers huppés  et chers, pour le «m’as-tu vu?» (effet de démonstration que j’évoquais au début de cet article)

Décret présidentiel n°5 : introduction dans le Code Pénal de la peine de travaux civiques :les quatre premiers décrets m’ayant permis de chasser les paresseux des terrasses des cafés, de moins certains d’entre eux, et de mettre tout le monde au travail de gré ou de force dans un pays devenu plus propre, il reste quand même une catégorie de la population que je n’ai pas l’intention d’oublier dans mon «programme présidentiel »: ce sont tous ces prisonniers qui croupissent dans nos prisons et qui sont logés et nourris aux frais de la princesse (l’Etat) sans rien faire. Vu leur nombre (une bonne dizaine de milliers, d’après certaines sources) et les compétences professionnelles d’un grand nombre d’entre eux, cela représente une force de travail non négligeable et cela serait un gaspillage de ressources humaines que de les laisser sans rien faire. Sous ma présidence, seuls les auteurs de crimes de sang et de viols bénéficieront du «privilège» d’être condamnés à la prison ferme sans avoir à rien y faire, tous les autres seront condamnés par les tribunaux à effectuer un nombre de journées/mois/années de travaux civiques dans les quartiers/villes où ils résident, en portant des bracelet électroniques pour les localiser et les contrôler! Ils seront habillés en une tenue bien visible rouge et blanc, couleurs du drapeau national, pour donner l’exemple aux autres citoyens et faire réfléchir ceux et celles qui auraient l’idée de commettre des infractions et enfreindre la loi et l’ordre public!

Ainsi, le médecin condamné pour évasion fiscale fera du porte-à-porte pour soigner les malades qui ne pouvaient pas se payer ses tarifs de consultation quand il était libre; les étudiants condamnés pour consommation de drogue donneront des cours particuliers aux enfants des pauvres ou d’alphabétisation; les ouvriers du bâtiment et les maçons condamnés pour violences conjugales boucheront les «nids de poules» sur la chaussée et répareront les trottoirs abîmés; les peintres en bâtiment condamnés pour bagarres sur la voie publique peindront les murs des écoles ou des bâtiments publics; les paysans condamnés pour vols de vaches ou de poules à leurs voisins planteront des arbres et des  fleurs dans les espaces publics, etc. Même les intellectuels et opposants politiques qui sont condamnés pour délits d’opinion et qui en général ne savent rien faire de leurs mains sauf écrire, effectueront leurs travaux civiques à lire des poèmes, en premier lieu de Bayram Ettounsi, aux enfants des écoles primaires !

Quant aux hommes d’affaires et affairistes condamnés pour émission de chèques sans provisions, je leur réserve un traitement de faveur : étant donné qu’en général, ils ne savent rien faire de leurs dix doigts que de compter les liasses de billets de banques gagnées en «mettant la chéchia de l’un sur la tête de l’autre», ils effectueront leurs travaux civiques dans les hospices publics de vieillards à nettoyer leurs toilettes et à leur changer leurs couches ! Ils ne pourront pas se plaindre parce qu’ils ne feront que subir le même sort que leur idole, feu Silvio Berlusconi, dont ils rêvent tous de devenir aussi milliardaires que lui et qui a vu sa peine de prison pour évasion fiscale transformée en travaux civiques qu’il a bien effectués pendant trois mois dans un hospice de vieillards !

A la lecture de «mon programme présidentiel», je suis certain que l’écrasante majorité des lecteurs et des électrices ne voteront pas pour moi, et qu’ils vont même pousser un ouf de soulagement en se disant «heureusement que ce type n’est pas président de la république et n’a aucune chance de l’être».

Pour être franc, je dois direquemoi aussi,  je n’ai nullement envie de le devenir!

* Economiste-Consultant international.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.