Tunisie : les croisiéristes reviennent, mais pour voir quoi ?  

Le ministre du Tourisme Moez Ben Hassine se félicite de la hausse du nombre de croisières et de croisiéristes ayant débarqué à Tunis depuis le début de l’année, mais ne se soucie nullement de la poursuite de la fermeture des musées de Carthage et du Bardo, principaux sites visités par les croisiéristes qui débarquent dans notre pays.

Par Imed Bahri

Près de 114 000 touristes croisiéristes de diverses nationalités, dont des Américains, des Français, des Espagnols et des Italiens, sont arrivés en Tunisie du 1er janvier au 17 août 2023. a indiqué le ministère du Tourisme dans un communiqué. Ces arrivées ont été assurées par 26 croisières, soit 4 385 par croisière, ce qui semble être un chiffre quelque peu exagéré.

Dix-huit autres croisières sont attendues, portant le total à 44 d’ici la fin de l’année, a ajouté le ministère, à l’issue d’une rencontre tenue vendredi 18 août 2023 entre le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Mohamed Moez Belhassine, et des professionnels du tourisme de loisirs.

Au pays des musées fermés

La rencontre a permis d’avoir un aperçu du déroulement des croisières et des aspects logistiques de l’arrivée des différents navires de croisière en Tunisie, ainsi que des itinéraires touristiques proposés. Le ministre a souligné à cette occasion l’importance d’assurer des conditions d’accueil favorables aux navires de croisière, qui jouent un rôle clé dans la dynamisation du secteur du tourisme et du commerce, notamment dans des domaines tels que l’artisanat, le transport touristique, les visites de musées, de restaurants, de sites archéologiques et d’autres activités touristiques culturelles et économiques, selon le communiqué. Lequel communiqué passe totalement sous silence la poursuite de la fermeture du musée du Bardo, inexpliquée pour les professionnels du secteur, d’autant que ce musée est, avec le musée de Carthage, Sidi Bou Saïd et la Médina de Tunis, parmi les lieux plus visités par les croisiéristes débarquant au port de La Goulette.

Rappelons que le musée du Bardo se trouve dans l’enceinte même de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui a été fermée par décision du président de la république Kaïs Saïed, lors de la proclamation de l’état d’exception, le 25 juillet 2021, et du gel des travaux des parlement. Un nouveau parlement a été élu, fin 2022, et l’Assemblée a rouvert ses portes il y a plusieurs mois, mais le Musée du Bardo reste inexplicablement fermé. Allez comprendre pourquoi !  

Le ministère des Affaires culturelles et celui du Tourisme ont-ils une explication plausible de cette fermeture, ou doit-on poser la question au président de la république, lequel, on le sait, ne répond pas aux questions des journalistes.    

Rappelons à ce propos que l’activité de croisières a été stoppée net en Tunisie au lendemain de l’attentat contre le musée du Bardo, le 18 mars 2015, qui a fait plusieurs morts parmi les visiteurs dont 21 croisiéristes de diverses nationalités ayant débarqué ce matin-là à La Goulette. Et c’est pour cette raison que le ministre se félicite de la reprise de cette activité, feignant d’oublier que la poursuite de la fermeture du musée du Bardo n’est pas faite pour rassurer nos chers visiteurs.

Plus de 600 000 visiteurs par an

«La fermeture prolongée du Musée du Bardo n’est ni justifiable ni souhaitable pour nous autres Tunisiens car c’est une partie de ce que nous sommes, notre être, notre histoire, notre identité, et pour le monde car les collections qui y sont consignées, répertoriées, entretenues et mises en valeur, appartiennent au patrimoine universel», a récemment écrit Hassen Zargouni, opatron du cabinet Sigma Conseil, dans un post Facebook. Tout en rappelant qu’«à son apogée le musée du Bardo recevait entre 600 000 et 650 000 visiteurs par an, sans compter les groupes scolaires qui venaient de partout des territoires de la république», il a appelé à rouvrir les portes «de ce joyau architectural renfermant la plus grande collection au monde de mosaïques romaines, témoins d’une vie antérieure sur le sol tunisien et qui ont inspiré entre autres nos fameux tapis berbères et ensuite arabes…» Et de s’interroger à juste titre : «Est-ce un problème de sécurité ? C’est à mon sens très gérable. Est-ce un problème de moyens? Les recettes du musée et ses produits dérivés couvriront largement les dépenses liées à sa réouverture. Est-ce un problème de travaux qui n’en fissent pas, c’est bidon. Est-ce un problème de volonté des pouvoirs publics ?»

La réponse, pensons-nous, est dans cette dernière question.

 

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