Mémoire plurielle de la ville d’Hammamet

N’en déplaise aux nationalistes, populistes et fanatiques de tout poil qui veulent nous faire gober que la coexistence entre musulmans, chrétiens, juifs et autres est impossible. Non, elle est possible et l’histoire de Hammamet le prouve. Elle est même souhaitable et c’est une richesse pour tous.

Par Dr Salem Sahli *

A l’initiative d’un collectif d’associations de proximité et sous la coordination du professeur Habib Kazdaghli, des rencontres-débats se tiendront à Hammamet, les 26 et 27 août 2023 sur le thème «Mémoire plurielle de la ville d’Hammamet».

Ces rencontres seront dispatchées sur 3 lieux emblématiques de Hammamet : l’espace Sidi Ben Aissa pour l’ouverture de l’événement et le vernissage de l’exposition, l’espace Sidi Abdallah pour la clôture et le Centre culturel international de Hammamet qui accueillera toute la journée du dimanche 27 août ce qui sera sans conteste le moment fort des journées à savoir le colloque scientifique.

Restituer à la ville son identité plénière

Nous partons du fait que trop d’ignorance entoure l’histoire de la ville d’Hammamet. Celle-ci demeure encore une affaire d’experts ou d’initiés. Des pans entiers de la mémoire collective de la ville sont méconnus et menacés par l’oubli, tandis que d’autres sont consciemment ou inconsciemment occultés. Pour rétablir la vérité historique et faire revivre cette mémoire sans passéisme ni nostalgie, les organisateurs pensent qu’il est nécessaire de restituer à la ville son identité plénière grâce aux travaux des historiens, des chercheurs universitaires et des associations de terrain porteuses de projets dans ce domaine.

Par ailleurs, cette manifestation s’arrime parfaitement au travail accompli à Nabeul, Monastir, Djerba et récemment à Jendouba. Elle s’inscrit dans le droit fil de ces travaux sur la mémoire plurielle entrepris depuis des décennies par plusieurs parties et particulièrement le Laboratoire Régions et ressources patrimoniales de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba.

Aussi ces journées ambitionnent-elles de diffuser les connaissances disponibles sur le patrimoine de la ville d’Hammamet, de permettre la rencontre et l’échange entre les acteurs du patrimoine qu’ils soient institutionnels, universitaires ou de la société civile et enfin de contribuer à la sauvegarde et la mise en valeur de ce patrimoine. Celui-ci peut en effet être un vecteur important du développement local à fortiori dans une ville touristique comme Hammamet.

L’ouverture de la manifestation aura lieu samedi 26 août à l’espace Sidi Ben Aissa, siège de l’ASVH. Une exposition sur les «bâtiments patrimoniaux de Hammamet» conçue et réalisée par l’Association d’éducation relative à l’environnement (Aere) servira d’introduction à un échange entre les participants sur les lieux de mémoire à travers l’histoire de Hammamet.

Au sein du prestigieux Centre Culturel International de Hammamet se tiendra, dimanche 27 août, un colloque scientifique sur la «Mémoire plurielle de Hammamet» qui verra la participation d’une pléiade de chercheurs universitaires, historiens, écrivains, étudiants, représentants de la société civile, acteurs culturels, promoteurs touristiques, collectivités locales, cadres de la ville de Hammamet mais aussi d’autres régions…

Programme l’image de la mémoire plurielle de la ville

Ces rencontres sont organisées grâce à un partenariat vertueux qui réunit 4 associations locales : l’Association d’éducation relative à l’environnement (Aere), l’Association de sauvegarde de la ville d’Hammamet (ASVH), l’Association Mémoire de la ville d’Hammamet (AMVH), In-Art, en coopération avec l’Association Manouba pour les monuments et la culture, le bureau de la Coopération académique de la Fondation Rosa Luxemburg, le laboratoire Régions et Ressources patrimoniales de la Faculté des lettres de Manouba. Sans oublier le soutien de plusieurs acteurs du secteur touristique et de l’imprimerie Kwick Print.

Pas moins de 12 communications sont au menu, réparties sur 4 tables-rondes. Chaque intervenant traite d’un sujet, d’un thème qui  correspond à sa spécialité, son champ d’étude ou d’action. Les sujets sont divers, ils sélectionnent tous dans les différentes strates de notre mémoire collective des événements, des sites ou des monuments, des personnages… qui ont marqué l’identité de la ville et contribué à développer le sentiment d’appartenance à une communauté.

A titre d’exemple, Raouf Jebnoun parlera des multiples propriétaires de l’Hôtel de France; Houssameddine Chachia d’Abu Alghaith El Kaschach, venu au secours des Hammamétois suite à l’attaque des Chevaliers de Malte en 1602; Samia Nably interviendra sur la communauté chrétienne de Hammamet et son église; Monique Hayoun sur la présence juive à Hammamet; Aymen Hacen, le littéraire, parlera d’André Gide «l’inquiéteur»; Habib Kazdaghli de la retraite du Dr Auguste Cuenod à Hammamet… Et j’en passe. Le programme est varié à l’image de la mémoire riche et plurielle de la ville.

Dimanche soir, à Sidi Abdallah, siège de l’association In-Art aura lieu la clôture des journées. Un hommage sera rendu à des personnalités vivantes ou disparues qui ont aimé Hammamet, y ont résidé et lui ont rendu service; ou encore qui ont contribué à travers leurs travaux et publications à faire revivre la mémoire de la ville, à lever le voile sur des couches de son passé et à restaurer le parchemin ou palimpseste abimé par l’œuvre du temps pour le rendre visible et lisible. C’est un travail difficile et ardu. Cet hommage même à titre posthume n’est que justice rendue à des gens qui ont servi la ville et ses habitants.

En guise de conclusion

Gageons que cette manifestation contribue à faire prendre conscience à la population et surtout aux jeunes que l’identité, la personnalité, l’histoire, la mémoire d’un territoire en général et de Hammamet en particulier, n’est pas quelque chose de figée ni d’immuable. Elle est en fait le fruit d’influences plurielles qui se sont agrégées au gré du temps par strates successives. Souhaitons que cette mémoire continue de se construire dans ses emprunts divers et dans le respect et la fréquentation de l’autre.

Et n’en déplaise aux nationalistes, populistes et fanatiques de tout poil qui veulent nous faire gober que la coexistence entre musulmans, chrétiens, juifs, que sais-je encore… est impossible. Non, elle est possible et l’histoire le prouve, elle est souhaitable et c’est une richesse pour tous.

Alors de grâce, cessons de regarder par le petit bout de la lorgnette et continuons à l’instar du grand Albert Memmi de revendiquer nos appartenances multiples.

* Président de l’Association d’éducation relative à l’environnement (Aere).

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