La Méditerranée, témoin impassible du pouvoir implacable de la nature, vient de traverser des semaines cauchemardesques sous l’emprise du cyclone Daniel. De la Grèce à la Libye, de la Turquie à la Bulgarie, ce cyclone, qualifiée de «medicane», a laissé derrière lui un sillage de destruction et de tragédie, tout en mettant en lumière de manière poignante l’impact grandissant du changement climatique sur notre région, où la Tunisie tient une place centrale.
Par Hssan Briki
Si l’Organisation météorologique mondiale (OMM) souligne que le changement climatique accentue l’intensité des conditions météorologiques, rendant les cyclones tropicaux plus destructeurs, avec une augmentation de 20 à 50% de leur puissance, le climatologue tunisien, Zouhaier Hlaoui, offre une lueur d’espoir. Selon lui, la Tunisie a une probabilité relativement faible de subir une tempête semblable à celle qui a récemment frappé la Libye. Il explique que ces phénomènes suivent généralement une trajectoire d’ouest en est et qu’ils perdent en intensité en s’éloignant des côtes, limitant ainsi les risques pour la Tunisie.
Néanmoins, le météorologue met en garde contre le risque d’inondations pendant les périodes intermédiaires entre les saisons, en raison du « phénomène de retour de l’Est ». Il rappelle des inondations notables en Tunisie en 1969 et en 1990, soulignant que de tels événements pourraient devenir plus fréquents à l’avenir.
Après la tragédie «Daniel»
Il convient de rappeler ici que le cyclone, baptisé Daniel a d’abord touché la Grèce dès le 4 septembre, provoquant des précipitations massives de 600 à 800 mm en seulement vingt-quatre heures dans la région de Magnésie, soit plus que la moyenne annuelle de pluie du pays. Cette catastrophe a coûté la vie à quinze personnes et en a fait disparaître deux autres.
La Turquie a également essuyé les ravages de la tempête Daniel presque simultanément, avec huit décès signalés, dont six victimes dans des cabanes construites illégalement en forêt.
En Bulgarie, les inondations causées par la tempête ont touché la côte de la mer Noire, provoquant la mort de quatre personnes et la déclaration de l’état d’urgence à Tsarévo. Des ponts ont été emportés, et environ 4 000 personnes ont été affectées le long de la côte sud bulgare.
Par la suite le cyclone a atteint la Libye, déclenchant des inondations dévastatrices qui ont laissé derrière elles un paysage de désolation. Plusieurs villes de l’est libyen, dont Benghazi, Al Bayda et Battah, ont été touchées. Toutefois, c’est à Derna que la tragédie semble la plus profonde. Les pluies torrentielles ont provoqué la rupture de deux barrages, submergeant la ville de près de 100 000 habitants. Le dernier bilan a parlé d’au moins 5000 morts et 10 000 disparus. Les cadavres étaient éparpillés partout, que ce soit dans la mer, les vallées ou sous les décombres. Environ 25% de la ville semble avoir été englouti.
Températures extrêmes et réchauffement climatique
Cette tempête, aussi dévastatrice soit-elle, rappelle de manière impérieuse la nécessité urgente de lutter contre le dérèglement climatique et de prendre des mesures pour atténuer ses effets sur notre planète. En effet, la Méditerranée, y compris la Tunisie, a récemment été assaillie par des températures record. Les vagues de chaleur ont sévi dans la région, avec des impacts désastreux pour la santé humaine et l’environnement. De la Sardaigne et la Sicile aux îles italiennes, jusqu’à la Tunisie, les habitants ont ressenti les effets de ces canicules brûlantes. Les scientifiques sonnent l’alarme quant à la multiplication de ces phénomènes, directement liés au changement climatique.
Le réchauffement planétaire est une fois de plus pointé du doigt comme le coupable de ces inondations dévastatrices. Bien que le lien direct entre les inondations et le dérèglement climatique ne soit pas toujours évident, chaque degré supplémentaire de réchauffement accroît la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, augmentant ainsi le risque d’épisodes de fortes précipitations. Les tempêtes méditerranéennes, bien que moins puissantes que leurs homologues atlantiques ou de l’océan Indien, peuvent provoquer des catastrophes majeures dans des zones vulnérables.
Appel à l’action : protéger l’avenir
Face à cette situation critique, le ministre de l’Intérieur, Kamel Feki, a rencontré le 13 septembre le chef de la Protection civile italienne, Fabrizio Curcio, et l’ambassadeur d’Italie à Tunis, Fabrizio Saggio, en présence de hauts responsables tunisiens. Les deux parties ont convenu de renforcer leur coopération dans divers domaines, notamment la recherche scientifique, l’échange d’expertise, la prévention des catastrophes naturelles, la lutte contre les incendies, la sensibilisation et le bénévolat. Ils ont également prévu de mettre à jour un protocole d’entente bilatéral signé en 2013, qui porte sur la coopération technique en matière de protection civile et de gestion des catastrophes.
Cette collaboration bilatérale doit se concrétiser par des conventions et des actions concrètes et dépasse l’échange d’expertise vers des mesures immédiates visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à renforcer la résilience des communautés face aux changements climatiques appelés depuis longtemps d’après les organisations non gouvernementales de la région méditerranéenne, tel que le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) soulignant le lien entre l’intensification des événements climatiques extrêmes et le changement climatique.
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