La Tunisie a-t-elle enterré définitivement le programme convenu avec le FMI, ou va-t-elle en proposer une version revue et corrigée aux réunions annuelles des conseils des gouverneurs du Groupe de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) qui se tiendront à Marrakech (Maroc) du 9 au 15 octobre 2023 ?
Par Imed Bahri
Ce sont le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouane Abassi, et le ministre de l’Economie et du Plan, Samir Saied, qui prendront part à ces réunions, en l’absence de la ministre des Finances Sihem Boughdiri Nemsia.
La question est de savoir si la Tunisie va, à cette occasion, présenter un nouveau programme de réformes pour bénéficier du prêt du FMI de 1,9 milliard de dollars, qui avait fait l’objet d’un accord préliminaire, il y a un an, au niveau des experts mais qui est resté en plan depuis, en raison de la lenteur que met notre pays dans la mise en route des réformes convenues dans le cadre de ce programme dans sa formulation initiale par le gouvernement tunisien.
Rejet tunisien des «diktats étrangers»
On sait que le président de la république Kaïs Saïed a, à plusieurs reprises, rejeté ce qu’il a qualifié de «diktats étrangers» et a même appelé les Tunisiens à compter sur leurs propres moyens pour élaborer leur loi de finances et le budget de l’Etat pour 2024, tout en lançant plusieurs piques contre le FMI et en appelant à la mise en place d’un nouveau système financier mondial qui soit plus à l’écoute des besoins des pays en développement.
Kaïs Saïed a aussi recadré le ministre de l’Economie, qui affirmait, jusqu’à il y a quelques semaines, que la Tunisie ne pouvait se passer du prêt du FMI et lui a demandé de se conformer aux politiques de l’Etat, qui sont définies et décidées par le chef de l’Etat.
Dès lors, on voit mal MM Saïed et Abassi profiter de leur présence à Marrakech pour remettre sur la table les négociations du fameux programme avec le FMI que la Tunisie semble avoir définitivement enterré. Cependant, en l’absence de déclaration officielle à ce sujet – le gouvernement tunisien observant que quasi-omerta sur le sujet –, on en est réduit à faire des supputations. Il reste également à se demander si, en l’absence du prêt du FMI, les autres bailleurs de fonds institutionnels, notamment l’Union européenne et les pays du Golfe, accepteraient de prêter l’argent à la Tunisie dont l’actuelle notation souveraine, CCC-, ne lui permet plus de sortir sur le marché financier international, car elle est classée pays à très haut risque d’effondrement financier.
Pour un nouveau système financier mondial
Pour revenir aux réunions annuelles des conseils des gouverneurs de la BM) et FMI, rappelons qu’elles interviennent un demi-siècle après les dernières éditions africaines de Nairobi en 1973 et qu’elles pourraient changer le système du financement international en faveur des pays en développement dans un contexte international caractérisé par des crises successives et un endettement menaçant la stabilité internationale.
Les réunions, qui rassembleront des ministres des Finances, des gouverneurs de banques centrales, des représentants d’organisations de la société civile et des experts universitaires de 190 pays, seront en effet l’occasion de discuter de questions liées aux défis du développement international.
L’événement comprendra également une série de séminaires, de séances d’information régionales, de conférences de presse et autres conclaves sur l’économie mondiale, le développement international et le système financier international.
La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a estimé que la perte cumulée de production mondiale due aux chocs consécutifs de 2020 à 2023 s’élève à 3 700 milliards de dollars, perte qui est inégalement répartie entre les pays. «Les États-Unis sont la seule grande économie où la production est revenue aux niveaux d’avant la pandémie», a précisé Georgieva.
Les réunions annuelles se tiennent généralement à Washington en septembre ou octobre, et tous les trois ans dans un pays membre différent.
Plusieurs organes se réunissent à cette occasion, notamment le Comité du développement, le Comité monétaire et financier international (CMFI), le Groupe des Dix et le Groupe des Vingt-Quatre.
Les Conseils des gouverneurs prennent des décisions sur la manière de traiter les questions monétaires internationales actuelles et adoptent les résolutions pertinentes.
On sera curieux de connaître l’apport des responsables tunisiens à tous ces débats et de savoir s’ils sont capables de porter la voix de la Tunisie et de son président et son appel pour un système financier mondial plus équilibré et plus favorables aux pays en développement qui ont le plus besoins des financements de la communauté internationale.
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