Le CRLDHT appelle à la libération de tous les détenus politiques et d’opinion en Tunisie

Dans le communiqué ci-dessous rendu public hier, lundi 9 octobre 2023, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) «exprime son total soutien aux prisonniers politiques en Tunisie et appelle à mettre fin à toutes les poursuites engagées à leur encontre et à garantir le droit de la défense, condition essentielle d’un procès juste et équitable.»

Dans un communiqué en date du 4 octobre 2023, le Comité de défense constitué par des avocats informe l’opinion publique que le juge d’instruction du Pôle antiterroriste a décidé d’interroger l’un de ses membres Me Ayachi Hammami, le mardi 10 octobre 2023, ce dans le cadre du prétendu complot contre la sûreté de l’État. Il appelle ses confrères à se mobiliser lors de la comparution pour faire en sorte que le droit prévale et que la vérité se manifeste dans une affaire fabriquée de toutes pièces et dépourvue des garanties d’un procès équitable que le pouvoir exécutif a monté contre ses opposants. Ces derniers sont des personnalités démocratiques de diverses orientations idéologiques et politiques qui œuvrent pour l’exercice de leurs libertés.

Le dossier d’instruction est un dossier politique qui s’appuie sur les déclarations officielles du président Kaïs Saïed qui fustigent ses opposants et mettent à bas les libertés politiques, les droits humains et l’indépendance de la justice.

Les motifs d’inculpation apparaissent totalement démesurés voire extravagants relevant de l’instrumentalisation de la loi relative la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent ainsi que des articles relatifs à la sûreté de l’État. Les opposants pacifiques sont ainsi traités comme des terroristes passibles de la peine de mort.

La liste des dirigeants politiques détenus dans cette affaire depuis plus de sept mois, comprend six personnalités de l’opposition : Mohamed Khayam Turki, Issam Chebbi, Ghazi Chaouachi, Ridha Belhadj, Abdelhamid Jelassi et Jaouhar Ben Mbarek.  Chaïma Issa, première prisonnière politique depuis la révolution, et Mohamed Lazhar Akermi ont bénéficié d’une libération provisoire après quatre mois de détention. Tous ont entamé une grève de la faim commencée par Jaouhar Ben Mbarek le 25 septembre 2023, rejoint par les cinq autres, le 2 octobre, ainsi que par l’homme d’affaires, Kamel Letaief, détenu pour ses opinons dans la même affaire. Tous sont des personnalités qui ont dénoncé publiquement le coup de force de Kaïs Saïed du 25 juillet 2021 et sa dérive autoritaire.

Me Ayachi Hammami est membre du Comité de défense des dirigeants politiques détenus arbitrairement. Il est cité dans cette affaire de prétendu complot contre la sûreté d’État avec plus d’une trentaine de personnes dont Noureddine Boutar, (directeur et fondateur de Mosaïque FM, la principale radio indépendante privée en Tunisie, arrêté dans la soirée du 13 février 2023, sous mandat de dépôt le 20 février 2023 puis libéré le 25 mai 2023 moyennant le paiement d’une caution de 1 million de dinars tunisiens (équivalent de 300 000 euros), Me Ahmed Nejib Chebbi, président du Front de Salut, Me Noureddine Bhiri, vice-président du parti Ennahdha, Me Bochra Bel Haj Hamida, militante féministe, ancienne députée, une figure du combat de la société civile démocratique qui a présidé la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe). Cette dernière avait rendu en 2017 un rapport remarqué qui constitue un véritable programme de réformes démocratiques pour la Tunisie. Des anciens ministres sont également cités tels que Abdelkrim Zbidi, ancien candidat a à la présidence de la république, Mohamed Hamdi, ancien ministre de l’Éducation nationale ainsi que d’autres personnalités telles que Kamel Akrout, ancien Premier conseiller de la sécurité nationale auprès du président de la République Béji Caïd Essebsi, Mustapha Kamel Nabli, ancien candidat à la présidence de la république, ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), ancien vice-président de la Banque mondiale, Kamel Jendoubi, premier président de l’Instance supérieure indépendante des élections et ancien ministre. D’anciens députés font partie de ce montage surréaliste tels que Mustapha Ben Ahmed, Ridha Charfeddine (par ailleurs, homme d’affaires) ainsi que des personnes ayant assumé des responsabilités au sein des services de l’État, des journalistes et des responsables politiques tels que Noureddine Ben Ticha, ancien premier conseiller politique du président Caïd Essebsi, ancien analyste politique et ancien prisonnier politique. Ou encore Ridha Driss, Riadh Chaïbi, Kamel et Mohamed Bedoui, dirigeants du parti Ennahdha. 

Me Ayachi est porte-parole du Comité de défense des magistrats révoqués et membre de plusieurs collectifs de défense des détenus politiques et d’opinion. Rappelons aussi qu’il est poursuivi par la ministre de la Justice, Leila Jaffel, dans une autre affaire en vertu du décret-loi 2022-54 du 13 septembre 2022, pour des déclarations qu’il aurait faites lors d’une interview à la radio, le 29 décembre 2022, en sa qualité d’avocat de la défense et de coordinateur du Comité de défense des magistrats révoqués. Il a été interrogé le 10 janvier 2023, par le juge d’instruction du TPI de Tunis et laissé en liberté, l’enquête judiciaire dans cette affaire est toujours en cours.

Deux autres avocates de la défense Me Dalila Msadek et Me Islam Hamza sont convoquées à comparaître à la suite de déclarations publiques. Me Samir Dilou quant à lui est l’objet avec d’autres confères dont l’ancien bâtonnier Me Abderrazak Kilani de poursuites judiciaires pour avoir défendu M. Noureddine Bhiri.

Ne se contentant pas d’emprisonner ses opposants, le pouvoir cherche à bâillonner les avocats de la défense dans un silence assourdissant et affligeant du Barreau des avocats.

Saluant le combat de ces défenseurs infatigables du droit, le CRLDHT leur exprime son total soutien et appelle à mettre fin à toutes les poursuites engagées à leur encontre et à garantir le droit de la défense, condition essentielle d’un procès juste et équitable. Le CRLDHT exige la libération de tous les détenus politiques et d’opinion.

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