Virage tonitruant dans la diplomatie tunisienne

Il est à craindre que la diplomatie du mégaphone où la Tunisie s’engage de plus en plus ne dégénère dans des dérapages verbaux et des actes de violence incontrôlée ** multipliant les incompréhensions et les difficultés surtout dans une conjoncture nationale et internationale pleine d’incertitudes et de défis.

Par Elyes Kasri *

Au lieu d’une communication claire et adaptée à la conjoncture nationale et internationale pour en assurer l’efficacité, les déclarations tonitruantes sur les affaires internationales et notamment les plus contentieuses et chargées d’émotions comme les relations tuniso-européennes et le conflit arabo-israélien, semblent dessiner un virage dans la diplomatie officielle tunisienne et risquent d’accentuer la marginalisation de la Tunisie sur la scène internationale et favoriser le déchaînement d’une opinion publique déjà frustrée par la dégradation de sa situation économique et sociale et possiblement cherchant le moyen d’exprimer et de faire assumer le fardeau de son mécontentement et, dans certains cas, son désespoir.

Suivre la politique de ses moyens

S’il n’échappe à personne que l’ordre international est caractérisé par un cynisme et une duplicité de plus en plus éloignés des préceptes moraux et des principes humanitaires et de justice tant invoqués, il n’en reste pas moins comme le dit le vieil adage, que si on n’a pas les moyens de sa politique on doit suivre la politique de ses moyens.

Il faut également reconnaître que les rodomontades et la diplomatie populiste avaient déjà commencé, même si timidement, sous feu Ben Ali lorsque le drapeau américain a été brûlé lors d’une manifestation dirigée par le parti au pouvoir suscitant un ressentiment qui a fini par alimenter la campagne extérieure ayant mené au renversement du régime.

Sous la Troïka de sinistre mémoire (coalition dominée par les islamistes, au pouvoir en Tunisie entre 2011 et 2015, Ndlr), l’instrumentalisation de ce qui a été considéré comme une atteinte au prophète de l’islam a abouti à l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis (14 septembre 2012) qui était à deux doigts de dégénérer à l’instar de l’attaque du consulat américain à Benghazi et du lynchage de l’ambassadeur américain en Libye (11-12 septembre 2012).

Gare à la diplomatie du mégaphone

Il est à craindre que la récente indulgence dans la grandiloquence et la diplomatie du mégaphone, que la Tunisie a pourtant longtemps évitées, ne dégénère par des dérapages verbaux et des actes de violence incontrôlée multipliant les incompréhensions et les difficultés surtout dans une conjoncture nationale et internationale pleine d’incertitudes et de défis.

* Ancien ambassadeur.

** N’est-ce pas pour s’épargner les conséquences de tels dérapages que l’ambassade des Etats-Unis à Tunis a décidé de fermer ses portes au public jeudi et vendredi, auxquels s’ajoutent les deux jours de congé hebdomadaire, samedi et dimanche? (Ndlr).

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