Trêve humanitaire à Gaza : le vote déroutant de la Tunisie aux Nations-Unies

L’abstention de la Tunisie lors de l’adoption, vendredi 27 octobre 2023, par l’assemblée générale de l’Onu, de la résolution en faveur d’une trêve humanitaire à Gaza, votée avec 120 pour, 14 contre et 45 abstentions) à de quoi susciter un étonnement légitime chez de nombreux observateurs. Vidéo de l’intervention du représentant de la Tunisie expliquant les raisons du vote.

Par Elyes Kasri *

Le discours politique et la mobilisation populaire en Tunisie en faveur du peuple palestinien martyrisé à Gaza classe la Tunisie très honorablement parmi les pays les plus engagés dans la défense des droits légitimes et inaliénables du peuple palestinien frère.

Le processus d’adoption d’une loi criminalisant la normalisation et toute coopération ou collaboration avec des entités israéliennes met également la Tunisie en pointe dans le rejet de toute relation avec «l’entité sioniste».

Toutefois, l’abstention de la Tunisie (le seul pays arabe avec l’Irak à en croire le tableau ci-joint) lors de l’adoption par l’assemblée générale de l’organisation des Nations Unies en faveur d’une trêve humanitaire à Gaza afin de préparer un cessez-le-feu épargnant les populations civiles du pilonnage incessant et du blocus inhumain par l’armée israélienne avec le soutien militaire américain et d’autres pays européens serait de nature à susciter un étonnement légitime chez de nombreux observateurs.

L’ambassadeur palestinien auprès de l’Onu, Riyad Mansour, avait pourtant imploré les délégués présents au débat d’arrêter la folie meurtrière israélienne et de voter en faveur d’une trêve afin de permettre l’acheminement d’une aide humanitaire aux populations de Gaza («appeal to all of you to vote to stop the killing. Vote for humanitarian aid to reach those whose very survival depends on it. Vote to stop this madness»).

L’abstention tunisienne détonne avec le sentiment populaire de solidarité et de compassion envers le martyr subi par le peuple palestinien frère.

Cette abstention peut évoquer des interrogations et des émotions parmi lesquelles de prime abord la fierté ne semblerait pas de mise.

* Ancien ambassadeur.

La rédaction : la seule explication plausible de cette abstention, qui peut paraître en nette contradiction avec le soutien indéfectible et intransigeant des autorités tunisiennes à la cause palestinienne, est que Tunis estime que cette résolution très en-deçà des exigences du moment, la situation sur le terrain requérant plus qu’une simple trêve humanitaire, à savoir un cessez-le-feu immédiat. Lequel, on le sait, aurait été difficile sinon impossible à obtenir. Et pour cause : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, pour ne citer que ces trois puissances, y auraient sans doute opposé leur véto.

C’est pourquoi, nous pensons que la position tunisienne risque de semer le trouble dans les esprits, en plus du fait qu’elle est en nette décalage par rapport à la doctrine diplomatique tunisienne qui, depuis Bourguiba, a toujours évité les positions intenables et cherché à s’inscrire dans le sens du consensus international. «Mieux avoir quelque chose que rien du tout», disait Bourguiba, partisan de la «politique des étapes».

Vidéo de l’intervention du représentant de la Tunisie expliquant les raisons du vote.

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