C’est l’histoire d’un établissement hôtelier qui a accompagné la naissance et le développement de l’industrie touristique en Tunisie et qui, à cause du clientélisme politique, de la mauvaise gestion et de la corruption généralisée, est tombé en ruine.
Par Habib Glenza
L’hôtel Nabeul-Plage a été construit dans les années 1960, dans le cadre d’un partenariat entre les secteurs public et privé, précisément entre la municipalité de Nabeul et 267 actionnaires-fondateurs. Une société de gestion a été fondée le 25 novembre 1966 pour gérer l’établissement, dénommée Société immobilière et touristique de Nabeul (Sitna) dont le capital social était fixé à 60.000 DT. Lors de la première assemblée générale, Ayed Mami fut désigné Pdg de la société, chargé de construire 96 bungalows.
De 1966 à 1970, l’hôtel affichait un taux de remplissage annuel de près de 75%. A cette époque, Nabeul-Plage était considéré comme l’un des meilleurs hôtels de la zone Nabeul-Hammamet en raison de sa situation exceptionnelle en bord de mer et tout près du centre de la ville. Il était réservé aux touristes allemands, ce qui a aidé à lui donner une réputation internationale.
Mauvaise gestion
La mauvaise gestion de l’hôtel commença après à la nomination de Slaheddine Ferchiou, un proche du président Habib Bourguiba, Pdg de la Sitna, poste qu’il a occupé pendant vingt ans, de 1970 à 1990.
En 1990, Hassen Mami, conseiller municipal, a été chargé de représenter le conseil municipal de Nabeul auprès du conseil d’administration de la Sitna. Il a chargé un expert comptable de procéder à un audit sur la comptabilité de l’hôtel Nabeul-Plage. Le rapport de l’expert a démontré beaucoup de dépassements et de lacunes qui ont attesté une mauvaise gestion criarde. Mais en dépit de preuves apportées, les autorités régionales ont ru devoir classer le dossier de l’établissement. Clientélisme ou lâcheté ou les deux à la fois ?
Diktat de Saïd Boujbel
En 1990, Saïd Boujbel a loué l’hôtel sans le consentement des actionnaires-fondateurs. Devenu gendre de l’ancien président Zine El-Abidine Ben Ali, il imposa la réduction du montant de du loyer de 400.000 à 200.000 DT et l’augmentation du capital de la Sitna de 60.000 à 120.000 DT pour devenir l’actionnaire majoritaire de la société, ce qui lui a permis de prendre toutes les décisions concernant la gestion de l’hôtel. Suite à la fuite de Ben Ali, il s’empressa de vendre ses actions à la société Ctama et de fermer l’hôtel Nabeul-Plage, de peur d’être poursuivi devant la justice pour mauvaise gestion et malversation.
Dans une lettre envoyée en 2005 au PDG de la Sitna, Ridha Mami, actionnaire-fondateur, accuse ce dernier de fermer les yeux sur des malversations restées impunies, ayant certainement conduit à la faillite de l’hôtel Nabeul-Plage et à sa liquidation. Une copie de cette lettre a été adressée aux ministres du Tourisme et des Finances de l’époque. Malheureusement, rien n’a été fait et l’hôtel a dû fermer ses portes en 2011. Clientélisme ou lâcheté ou les deux à la fois ? Encore est-il que le mal est fait.
Malheureuse saga
Comment peut-on fermer les yeux sur de tels dépassements? Pourquoi les coupables de mauvaise gestion sinon de malversations n’ont-ils pas rendu compte de leurs actes? Et comment justifier cet énorme gâchis aux 267 actionnaires, dont le seul tort était d’avoir voulu soutenir l’économie tunisienne naissante et qui n’ont pas touché un seul sou depuis 1966 ? Ce sont finalement eux qui ont dû payer pour un «crime» (et le mot n’est pas fort) qu’ils n’ont pas commis?
La malheureuse saga de l’hôtel Nabeul-Plage n’est malheureusement pas un cas isolé. On ne compte pas en effet le nombre d’établissements, hôteliers et autres, qui ont bénéficié des largesses de l’Etat, donc de l’argent du contribuable, et qui, à cause de la mauvaise gestion ou de la corruption, sont passés du paradis à l’enfer.
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