Il n’y aura de sécurité pour Israël que par la paix

L’auteur de cet article est un analyste israélien. Il dit à ses compatriotes qu’à la faveur de la guerre de Gaza, le Hamas a imposé ses normes, que le peuple palestinien reste dans ses territoires… et qu’il n’y a de sécurité pour Israël que par un retour au processus de paix.

Par Tom Mahjar *

Israël ne gagnera pas cette guerre. Le Hamas, avec trois critères décisifs, a pu décider des règles du jeu, suivi par le Hezbollah, et plus la guerre se prolongerait, plus les répercussions de ces critères s’aggraveraient en défaveur d’Israël.

Le premier critère est la situation inédite que le Hamas, puis le Hezbollah, ont réussi à créer aux frontières de la bande de Gaza et aux frontières nord [d’Israël]. Après le massacre du 7 octobre et après la perte de sécurité personnelle en Israël, environ 120 000 citoyens israéliens ont quitté leurs foyers dans le Néguev occidental et dans la région nord. Ils sont «déplacés dans leur pays» depuis des semaines. Il est douteux que l’objectif d’éliminer le Hamas soit réalisable.

D’un autre côté, le Hezbollah pourrait continuer à consolider l’équation du tir réciproque dans le nord et tenter d’atteindre [Israël]. Cela signifie que plus la guerre durera, plus les citoyens ne rentreront pas chez eux.

La Palestine au centre de l’agenda régional et international

Le deuxième critère est le grand préjudice causé à la politique israélienne de normalisation avec le monde arabe modéré, dirigé par l’Arabie Saoudite. Nous sommes sur le point de signer un accord historique entre l’Amérique, l’Arabie saoudite et Israël. Le Hamas a réussi à remettre la question palestinienne au centre de l’agenda régional et international. Plus Israël poursuivra sa guerre brutale dans la bande de Gaza, plus la pression augmentera sur le monde arabe modéré pour qu’il adopte une position décisive contre lui.

Le discours porte sur les dommages majeurs causés au commerce et à l’économie d’Israël et sur l’aspiration à une légitimité régionale face à l’Arabie saoudite et à ses alliés dans la région et dans le monde.

Le troisième critère concerne la question des personnes kidnappées. L’accord d’échange mis en œuvre démontre qu’Israël est contraint de faire des concessions au Hamas et de répondre de manière équitable à ses intérêts. On peut supposer que la pression à l’intérieur d’Israël augmentera après la mise en œuvre de l’accord actuel. Afin de mettre en œuvre d’autres cycles d’échanges [de personnes enlevées] en échange d’une trêve à long terme et de la libération de prisonniers «de poids». Si Israël refuse, il sera contraint de sacrifier des soldats dans des missions dont il est très douteux qu’elles conduisent à la libération des personnes enlevées vivantes, ce qui suscitera de graves tensions dans la société israélienne.

Le scénario optimiste dit qu’Israël vaincra le Hamas et son autorité d’ici quelques mois. Mais la responsabilité du contrôle durable de la bande de Gaza et de ses habitants incombera à Israël dans cette nouvelle réalité. Il est douteux que ce puissant tremblement de terre apportera la sécurité ou perpétuera une situation permanente de combats et de pertes, et nous en avons l’expérience dans la bande de Gaza avant le processus de séparation et dans le sud du Liban.

Demander des comptes aux responsables du terrible échec

Il est donc temps d’admettre que nous n’obtiendrons pas la victoire, quels que soient les coups brutaux que nous porterons à la bande de Gaza et à ses habitants pauvres. La douloureuse vérité est que le Hamas, et dans son sillage le Hezbollah, ont entraîné Israël dans une guerre qui a commencé avec leur initiative offensive et notre terrible échec. Les opérations militaires ne parviendront pas à changer la situation politique dans laquelle nous nous trouvons.

Que faire donc? Premièrement, nous devons œuvrer à l’établissement d’un cessez-le-feu et à la conclusion d’un accord global visant à libérer toutes les personnes kidnappées et à demander des comptes aux responsables de cet échec dans les plus brefs délais.

Ensuite, engagez-vous à établir un État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza en échange d’un cessez-le-feu à long terme, d’environ 15 ans, et travaillez à mettre en œuvre cet engagement. Cette offre recevra le soutien des Arabes, du monde arabe modéré et de l’Autorité palestinienne. Le Hamas n’aura d’autre choix que de se joindre à cette initiative, car ses dirigeants ont déjà proposé un plan similaire. Il est temps pour Israël de prendre une initiative politique qui découle de la prise de conscience que le peuple palestinien ne disparaîtra pas et que le moyen de vivre en sécurité ici passe par la reconnaissance de ses droits et de ses revendications légitimes d’indépendance.

* Analyste israélien au journal Haaretz.

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