En attendant de voir l‘Office national des fourrages, récemment créé par décret, enfin mis en place et d’évaluer ses modes de fonctionnement, ses résultats et ses impacts espérés sur la disponibilité des fourrages et la régulation de leurs prix sur le marché intérieur, on ne peut que donner raison aux experts qui voient dans la création de ce nouvel établissement public une aberration économique voire un gaspillage des fonds publics.
Par Imed Bahri
La création de l’Office national des fourrages a été confirmée par un décret approuvé par un conseil ministériel et publié par le Journal officiel de la République tunisienne (Jort) paru le 10 janvier 2024.
Cet établissement fonctionnera sous l’égide du ministère de l’Agriculture et aura pour mission de mettre en place des stratégies nationales et sectorielles pour promouvoir les aliments fourragers et assurer leur bonne gouvernance.
Il sera également chargé de déterminer les besoins annuels en fourrages à partir des troupeaux, produire, distribuer et importer les aliments fourragers.
Encore un «machin» pour conforter la bureaucratie
L’office devra, également, constituer des stocks de réserve et intervenir, si nécessaire, pour réguler le marché et contribuer aux études techniques et économiques relatives au système des fourrages, dont l’évaluation du coût de production.
Voilà pour les missions confiées à ce nouvel établissement public qui s’ajoute aux 114 autres déjà existants dont plus de 90% sont mal gérés, déficitaires et même gangrenés par la corruption, comme ne cesse de l’affirmer le président de la république Kaïs Saïed lui-même dans ses différentes interventions publiques, dont la dernière en marge de sa visite inopinée la semaine dernière à l’Office du commerce de la Tunisie (OCT) au cours de laquelle il a révélé des dossiers de corruption dans lesquels sont impliqués des dirigeants de cet établissement.
C’est d’ailleurs là l’une des raisons qui ont poussé certains analystes et observateurs à s’interroger sur l’utilité de ce nouveau «machin» qui va coûter beaucoup d’argent à l’Etat sans qu’on sache comment il va pouvoir régler le problème de la hausse des prix des fourrages sur le marché, sachant qu’une grande partie de cette ressource est importée de l’étranger et que ses prix dépendent des fluctuations du marché extérieur.
Une aberration économique
Commentaire d’un économiste chevronné: «Une entreprise publique de PLUS avec son PDG, ses directeurs généraux, ses directeurs centraux, ses directeurs régionaux, ses chefs de service, ses voitures de fonction, ses bons d’essence, etc., comme si l’Office de l’Elevage et des Pâturages n’est pas assez! Sans parler du mastodonte Office des Céréales!» Et d’ajouter, ironique : «Tant qu’on y est, pourquoi pas un nouvel Office des Légumineuses (qui sont essentielles pour la bonne rotation des cultures en sec)? Pourquoi pas un nouvel Office de la Farine (pour résoudre la crise du pain)?»
En attendant de voir le nouvel Office national des fourrages enfin mis en place et d’évaluer ses modes de fonctionnement, ses résultats et ses impacts espérés sur la disponibilité des fourrages et la régulation de leurs prix sur le marché intérieur, on ne peut que donner raison aux experts qui voient dans sa création une aberration économique voire un gaspillage des fonds publics, d’autant que la solution pour éviter les situations de monopole et les spéculations sur les prix serait tout simplement de libérer le marché et de créer les conditions d’une concurrence saine entre les opérateurs, mais aussi de mettre en place une politique dynamique de production en encourageant les producteurs.
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