Ramadan, hausse des prix et intervention de l’Etat

Le mois de ramadan se caractérise généralement par une hausse de la consommation et… des prix. En Tunisie, l’Etat a tendance à intervenir pour, espère-t-il, maintenir les prix à des seuils acceptables par les consommateurs. Mais est-ce vraiment efficace, lorsque les prix flambent malgré tout et que l’Etat n’a pas vraiment les moyens de contrôler le marché?

Par Moktar Lamari *

En économie, les taxes, subventions ou interventions réglementaires se justifient par la présence d’une imperfection de marché. Hors de ce cadre, les interventions sont souvent qualifiées d’inefficaces.

En théorie, elles reviennent en effet à déshabiller Paul pour habiller Jacques tout en augmentant les coûts et en nuisant à la bonne allocation des ressources. Dès lors, quelle peut être l’imperfection de marché propre à la question agricole?

L’idée d’un prix plancher fait écho à un article célèbre de D. Card et A. Krueger de 1994 portant sur le marché du travail dans la restauration rapide. Leur analyse s’appuie sur l’augmentation soudaine du salaire minimum suivant une réforme de 1992 dans l’Etat du New Jersey.

Après avoir scruté plus de 400 fast-foods, leur étude montre que cette hausse n’a eu aucun effet sur l’emploi. Bien que controversé, l’explication a posteriori de ce résultat tient au fait que les fast-foods disposaient d’un pouvoir de monopsone sur le marché du travail (faible nombre de demandeurs contre un grand nombre d’offreurs).

Risque de surproduction

Autrement dit, les entreprises pouvaient avant la réforme embaucher à des salaires plus faibles que sur un marché parfaitement concurrentiel. La mise en place d’un salaire minimum aurait alors permis de réduire les rentes de la restauration rapide au profit des travailleurs mais aussi des consommateurs.

Mais quel lien avec l’agriculture ? De fait, le marché agricole est souvent monopolistique (beaucoup d’agriculteurs, peu de transformateurs ou distributeurs) d’où la justification d’un prix minimum. Cependant, le diable se cache dans les détails. Tout d’abord, toutes les filières ne sont pas monopsonistiques et les distributeurs risquent de reporter la hausse des coûts sur leur prix de vente. Ainsi, la note risque d’être en partie payée par le consommateur.

Ensuite, la mise en place d’un prix plancher a pour objectif d’accroître les revenus des agriculteurs. Cependant, si le consommateur ne suit pas à cause de la hausse des prix, une surproduction peut apparaître. Ceci risque d’être d’autant plus le cas que les consommateurs peuvent se reporter sur des produits étrangers.

En effet, même si les Français disent vouloir soutenir le secteur, il n’est pas certain que ce patriotisme se retrouve dans les comportements d’achat. La récente baisse des ventes de la filière bio nous rappelle que les bonnes volontés ont aussi un prix.

Le remède plus nocif que le mal

En outre, contrairement à la restauration rapide, les coûts de production peuvent varier selon les exploitations d’une même filière. Ainsi, le prix plancher risque surtout de privilégier les grandes exploitations alors même que l’objectif initial était de soutenir les petits producteurs.

Enfin, il faut prendre en compte l’angle mort de toute politique interventionniste : les coûts et l’inefficacité potentielle de l’administration, qui, à eux seuls, peuvent rendre tout remède plus nocif que le mal initial.

D’ailleurs, face à la somme des critiques exprimées ici, la martingale consiste à opposer davantage de réglementations, et donc d’administration. Et c’est pourquoi, alors qu’elle est dénoncée par les agriculteurs comme l’un des principaux problèmes à résoudre, «la bureaucratie grandit pour satisfaire les besoins croissants de la bureaucratie grandissante».

Source : Economics for Tunisia, E4T.

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