Le taux d’inflation des produits alimentaires, qui a atteint 12,1% en janvier, a sans doute augmenté depuis le début de Ramadan. D’autant que les prix flambent sur le marché depuis le début du mois du jeûne musulman.
Par Ghaya Ben Mbarek
Au supermarché populaire Sidi Bahri, au centre-ville de Tunis, les affaires pendant le Ramadan ont été plus lentes que les années précédentes.
Comme pour les musulmans du monde entier, le Ramadan pour les Tunisiens n’est pas seulement un mois sacré de culte, mais c’est aussi l’occasion de rassembler les familles et de célébrer les traditions.
Mais le Ramadan est devenu un nouveau rappel pour les Tunisiens des difficultés économiques visibles de leur pays et des besoins fondamentaux auxquels ils ne peuvent plus subvenir.
Pour une Tunisienne, un changement aussi radical la rend triste et nostalgique du bon vieux temps où l’arrivée du mois sacré n’était que joie. «Autrefois, tous les coins de nos maisons étaient remplis [de nourriture], il y avait de la bonté et du bonheur partout», explique Fatma Hilal, 60 ans, femme au foyer. «Mais maintenant, nous nous retrouvons à court de beaucoup de choses et, avec ces hausses de prix, nous achetons à peine ce dont nous avons besoin», ajoute-t-elle
Inflation des prix des produits alimentaires
Dans le passé, les Tunisiens se réunissaient pendant le Ramadan pour préparer l’oula, qui consiste à préparer et stocker les ingrédients pour les repas à base de couscous, d’épices et de viande séchée. Aujourd’hui, seuls les familles aisées peuvent perpétuer cette tradition.
Selon les chiffres les plus récents de l’Institut national des statistiques (INS), le taux d’inflation global en Tunisie est tombé à 7,5% en février – contre 10,4% au même mois de l’année dernière – mais il reste élevé pour l’alimentation.
L’inflation alimentaire a atteint 12,1% en janvier, les augmentations les plus élevées étant enregistrées pour le café (35%), la viande d’agneau et les huiles de cuisson (23%) et les légumes frais (19,3%).
Mme Hilal n’achète plus de poisson ni de viande rouge. «Il n’y a rien que vous puissiez trouver au supermarché et que vous puissiez réellement vous permettre», dit-elle.
Après avoir travaillé pendant plus de 30 ans comme commis à la municipalité de Tunis, Fathi Hanchouch, 67 ans, croisé au marché de Sidi Bahri, affirme qu’il lui reste désormais une pension mensuelle de 280 dinars (90 dollars) pour couvrir toutes ses dépenses. «Tous les prix flambent maintenant et 200 dinars pourraient à peine couvrir les dépenses d’une semaine, nous nous retrouvons donc obligés d’acheter certains types de nourriture et de les couper en petites portions pour les consommer lentement», explique-t-il. Il tenait un panier presque vide avec seulement une boîte de concentré de tomate et quelques légumes à feuilles, juste assez pour lui préparer un petit ragoût pour rompre son jeûne en fin de journée. «J’espère qu’ils [l’État] feront preuve de gentillesse envers ceux qui ont passé leur vie à travailler pour finir appauvris à la fin, comme moi», dit M. Hanchouch.
Que pourrait-on faire ?
Malgré les actions du gouvernement pour contrer la spéculation sur certains produits de base par les grossistes et l’annonce récente de l’importation de produits alimentaires comme le bœuf, la volaille et certains fruits pour dynamiser le marché local en prévision du Ramadan, les commerçants du marché de Sidi Bahri affirment que ces mesures sont venues trop tard pour avoir un impact sur le terrain. «Si l’on veut réellement relancer le marché, l’importation est la seule solution pour que les prix se stabilisent et que les citoyens puissent à nouveau s’offrir de la viande», explique le boucher Mohamed Mlouki, 75 ans.
Même si la solution peut paraître claire, elle reste quasiment impossible à réaliser en raison de la crise des finances publiques, de la faiblesse des réserves de change et de la dévaluation du dinar. «L’État continue de mentir sur l’importation, il n’a pas d’argent pour cela et les citoyens ont déjà perdu espoir et ne prennent plus la peine d’acheter [certains aliments]», dit M. Mlouki.
La situation est encore plus précaire en raison du monopole inhérent de certains acteurs qui maintiennent leur contrôle sur le marché intérieur depuis des décennies. «Les prix de la viande rouge n’ont atteint ce sommet que parce que l’État avait depuis longtemps accordé la licence de vente de fourrage pour bétail à une seule personne qui l’utilisait pour dicter les prix sur notre marché», affirme Ali Aafli, un boucher travaillant dans le magasin de M. Mlouki.
Traduit de l’anglais.
Source : The National.
Donnez votre avis